Eglises d'Asie

Les catholiques d’Andong célèbrent les 50 ans de leur diocèse, socle d’une solide communauté rurale

Publié le 29/05/2019




Au cœur d’un des centres culturels de l’histoire coréenne, du confucianisme et du bouddhisme, se tient le diocèse d’Andong. Le dimanche 26 mai, pour fêter les cinquante ans du diocèse, toutes les paroisses d’Andong se sont rassemblées pour célébrer cet anniversaire. Dans l’immense gymnase réservé pour l’occasion, le 26 mai, le père Gilles Reithinger, supérieur général des MEP, était aux côtés de Mgr René Dupont, Mep et évêque émérite d’Andong, et de Mgr John Chrisostom Kwon Hyok-ju, l’évêque actuel du diocèse, pour célébrer le jubilé des 50 ans.

La cathédrale d’Andong est vide ce dimanche matin. Une seule femme en hanbok, l’habit traditionnel coréen, fourre des barquettes de gimbap et de jokbal dans une glacière. « Ce n’est pas ici ! » s’exclame-t-elle lorsqu’un couple perdu gare sa voiture dans le parking. « La messe aura lieu après le spectacle à 14 heures. Suivez-moi ! » Elle ne les emmène pas très loin. Andong est une ville d’histoire et de traditions, dont le village folklorique est inscrit au patrimoine de l’Unesco. Elle est petite comparée à Séoul, la tentaculaire capitale. En claquant les portes de la voiture, le couple, un guide sur les églises de Corée dans les mains, comprend pourquoi la cathédrale était déserte.

Pour fêter les 50 ans de leur diocèse, toutes les paroisses sont présentes en ce 26 mai 2019. Des centaines de fidèles – bien trop nombreux pour la cathédrale – circulent entre des stands sous le soleil, déjà brûlant à 10 heures du matin. Presque tous les prêtres – parmi les 91 que compte le diocèse – sont aussi présents. Angela – la femme en hanbok – marche à toute allure vers l’entrée de l’immense gymnase réservé pour l’occasion. Sur le chemin, tout le monde la reconnaît, la félicite sur sa tenue ou la salue en agitant les deux mains. Angela entre, passe sous un rideau noir pour entrer dans la grande salle. Elle se faufile entre les rangées et s’assied au milieu de tous ses sacs dans l’une des tribunes, près de sa famille et de son beau-frère. Maintenant qu’elle peut souffler, Angela a du mal à rester en place – elle a tellement participé à l’organisation de l’évènement qu’en être l’invitée la perturbe. La Corée, surtout catholique, cherche toujours à rendre service.

Le plus petit diocèse de Corée

Sur scène, une vidéo rend hommage à l’évêque émérite d’Andong, Mgr René Dupont, MEP. Assis sur une chaise au premier rang aux côtés du père Gilles Reithinger, le supérieur général des MEP venu exprès pour l’occasion, il ne peut s’empêcher de sourire, ému de l’affection que toute la communauté lui porte. Envoyé en 1969 par les Missions Étrangères de Paris, il arrive à l’époque dans un pays dont il ne connaît rien et doit développer sept paroisses vides avec l’aide de seulement quelques prêtres. « Andong a tellement changé en 50 ans », se remémore-t-il. « Aujourd’hui, il y a 51 909 catholiques dans le diocèse. Ce qui est très sympathique, figurez-vous ! », s’exclame-t-il, les yeux pétillants et le sourire taquin. « Tout le monde se connaît. En fait, Andong est même le plus petit diocèse de Corée. Les gens sont heureux de venir ici, l’ambiance est très chaleureuse. »

Une histoire de martyrs

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Au centre du gymnase, des acteurs rejouent avec humour ou gravité les grandes étapes de leur histoire. Au début du XIXsiècle, les premiers chrétiens venus dans la région d’Andong sont des réfugiés de la persécution. Par peur d’être découverts et condamnés à mort, ils vivent en communauté dans des montagnes reculées. Plusieurs deviennent des martyrs (en 1815, 1827 et surtout 1866). Ce n’est qu’après la signature du traité franco-coréen, qui reconnaît la liberté religieuse en 1886, que les chrétiens peuvent sortir de leur retraite. Ils sont sur le territoire des intellectuels confucianistes, des moines bouddhistes et des chamanes. La peur d’un changement de régime et le souvenir de la persécution les poussent à rester discrets. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée, à partir de 1953, que les premières vagues d’évangélisation ont vraiment lieu. Mais déjà, le protestantisme a pris une place majeure dans le pays et convaincu de nombreux Coréens. « Le catholicisme en Corée garde une certaine vitalité », positive néanmoins le père Carolo Charles Lee Yeong-gil, un ancien prêtre du diocèse d’Andong qui officie aujourd’hui au Mans, en France. « Il y a 5 millions de catholiques sur 50 millions d’habitants, et on compte une centaine de milliers de baptêmes d’adultes chaque année. Simplement aujourd’hui, les choses changent beaucoup. Il y a de moins en moins de vocations, surtout à la campagne où le vieillissement des chrétiens est très prononcé. » Andong est un diocèse très rural et pâtit tout particulièrement de cette évolution. « Depuis la fondation du diocèse, l’évangélisation s’adresse surtout au monde agricole », continue le père Carolo. « Les fermiers catholiques d’Andong restent très actifs, mais les jeunes partent en ville pour trouver du travail ou aller à l’école ».

L’héritage des intellectuels

Parmi la foule, la plupart sont des enfants, des lycéens ou déjà des adultes ou des grands-parents. « L’Église est à l’image du pays où elle vit », constate Mgr Dupont. Celle d’Andong a toujours vécu aux côtés d’autres croyances – plutôt en belle harmonie. « Je pense que le diocèse d’Andong a apporté une ouverture – d’esprit et de foi. Nous avons reçu un grand prix des bouddhistes. Nous sommes proches des confucianistes. C’est très différent de la France. L’Église est bien vue, ici, c’est un point de référence. »

Si bien qu’à la fin de la messe de jubilé, présidée par l’évêque actuel d’Andong, Mgr John Chrisostom Kwon Hyok-ju, Mgr Dupont disparaît pour mieux reparaître, revêtu de vêtements traditionnels coréens, d’un chapeau de noble et d’un éventail. Sous les vivats et les éclats de rires, acclamé par sa communauté, il prend le micro et fait lever les mains à tout le public dans un ensemble parfaitement synchronisé. « Ttok-ttok-ha-gae ! Ttok-ttok-ha-gae ! » L’adage qu’il affectionne particulièrement peut se traduire par « intelligemment ! », « brillement ! », « avec clarté ! », mais la vraie signification et tout ce qu’elle implique, seul le coréen peut le transmettre. Dans la foule, avec tous les autres, Angela lève les bras au ciel.

(EDA / Ophélie Surcouf)

Retrouvez ici l’allocation du père Gilles Reithinger, à Andong durant le jubilé des 50 ans du diocèse

 


CRÉDITS

Ophélie Surcouf et diocèse d’Andong