Eglises d'Asie – Chine
Les catholiques hongkongais se souviennent des victimes de la place Tiananmen
Publié le 04/06/2021
Les victimes du massacre de la place Tiananmen, tuées à Pékin le 4 juin 1989, étaient autrefois commémorées à Hong-Kong avec une veillée annuelle organisée au Victoria Park, parfois en présence de foules de plus de 130 000 manifestants, tous tenant des cierges. Aujourd’hui, les seuls rassemblements officiels et autorisés semblent limités à sept églises catholiques de Hong-Kong, non seulement à cause de la pandémie mais aussi pour des raisons politiques. La police locale a imposé l’annulation de l’événement, cette année et l’an dernier, à cause des règles en vigueur sur la distanciation sociale et du protocole sanitaire contre le Covid-19. Cette année, il s’agit de la première manifestation hongkongaise interdite depuis que le gouvernement chinois, depuis Pékin, a imposé une loi sur la sécurité nationale à Hong-Kong en juin dernier. Cette loi controversée comprend six chapitres de 66 articles punissant quatre crimes : la sécession, la subversion, le terrorisme et la collusion avec l’étranger. Des crimes qui peuvent conduire à la prison à perpétuité (ou un minimum de dix ans). L’an dernier, malgré l’interdiction, plusieurs milliers de manifestants se sont rendus au Victoria Park. Finalement, 26 personnes ont été poursuivies, notamment pour incitation à manifester et pour rassemblement non autorisé.
Des messes spéciales célébrées dans sept églises catholiques
La loi, selon les critiques, est considérée comme trop vague et trop générale, et beaucoup d’habitants hongkongais se sont demandé si le mémorial annuel du Victoria Park serait supprimé pour de bon. D’autres lois, bien que moins nombreuses, sont pourtant censées autoriser les Hong-Kongais à se rassembler et à commémorer solennellement ces étudiants tués par des soldats sur une place publique. « Nous croyons que le fait de célébrer une messe catholique est une activité religieuse protégée par notre Loi fondamentale [mini-Constitution] », explique Porson Chan, chef de projet au sein de la Commission Justice et Paix du diocèse de Hong-Kong. Il précise que le 4 juin à 20 heures, à l’heure habituelle du rassemblement annuel du Victoria Park (organisé depuis 1990), sept églises catholiques de Hong-Kong célébreront une messe spéciale. « Vu la situation actuelle, nous devons respecter les règles en vigueur, et notamment les protocoles sanitaires, qui permettent de nous rassembler dans les églises avec une jauge de 30 % maximum. Les messes célébrées publiquement sont donc censées être légales. »
À cause des règles de distanciation sociale, il précise que les sept églises en question pourront accueillir environ 2 500 personnes au maximum, soit bien moins que les foules habituellement rassemblées chaque année. Malgré le soutien d’une grande partie de la population, la pression imposée est de plus en plus forte. Ainsi, des bannières mensongères attaquant l’Église locale et le cardinal Zen ont été affichées dans les sept églises concernées par les messes organisées ce vendredi 4 juin. Une étudiante hong-kongaise, âgée de 21 ans, qui souhaite rester anonyme, explique qu’elle préfère honorer les étudiants de la place Tiananmen avec quelques amis depuis chez elle. « C’est trop risqué d’aller au Victoria Park », estime-t-elle. De son côté, Porson Chan souligne que les opportunités de rassemblements publics à Hong-Kong sont de plus en plus faibles. « C’est pourquoi nous pensons que les églises sont peut-être les seuls lieux légaux pour organiser de tels événements. »
Le gouvernement accusé d’utiliser les règles sanitaires contre le mouvement prodémocratie
Par ailleurs, malgré les risques, certains Hong-Kongais se sont déclarés prêts à défier l’interdiction, comme l’an dernier, en se rendant malgré tout au Victoria Park ce vendredi 4 juin. L’Alliance de Hongkong en soutien des mouvements démocratiques patriotiques en Chine, qui a organisé chaque année la veillée commémorative jusqu’en 2019, est visée par des groupes hongkongais pro-Pékin, qui appellent à interdire l’organisation comme une « entité subversive ». Trois des leaders du mouvement, Lee Cheuk-yan, Albert Ho et Richard Tsoi, sont actuellement en prison ou condamnés avec sursis pour avoir pris part à des manifestations prodémocratie. Cette année, l’Alliance a demandé aux habitants de l’ancienne colonie britannique de ne pas abandonner les manifestations, tout en invitant les gens à la prudence, vu les possibles conséquences légales en cas de violation de l’interdiction. Comme l’a également suggéré Albert Ho, certains manifestants prévoient de prendre une bougie ou un smartphone allumé en marquant l’événement depuis chez eux ou dans sur autre place hong-kongaise. Carrie Lam, chef de l’exécutif de Hong Kong, a refusé de répondre aux questions des journalistes concernant l’interdiction de la veillée du 4 juin cette année. Certains ont pourtant remarqué que les mesures contre le Covid-19 n’ont pas empêché l’organisation de certains événements publics comme des foires aux fleurs ou artistiques. Selon les critiques, la prévention contre le coronavirus est une excuse des autorités pour réprimer le mouvement prodémocratie.
(Avec Ucanews et Asianews)