Eglises d'Asie

Les catholiques Sri-Lankais toujours touchés par la crise économique à l’approche de Noël

Publié le 20/12/2022




Dans une déclaration récente, la Conférence épiscopale sri-lankaise a recommandé à la communauté catholique locale de se montrer particulièrement sensible à ceux qui sont les plus affectés par la grave crise économique qui frappe le pays depuis quelques mois. Dans ce contexte, le cardinal Ranjith, archevêque de Colombo, a appelé à fêter Noël de manière sobre en signe de solidarité. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies estime qu’environ 6,3 millions de Sri-Lankais souffrent d’insécurité alimentaire modérée à sévère.

Sebastian Peter, un catholique sri-lankais vendant des crèches en bois près de Negombo, évoque une mauvaise saison à cause de la crise qui frappe le Sri-Lanka.

Sebastian Peter, un catholique sri-lankais âgé de 58 ans, fume une « bidi », une cigarette indienne, sur le bord d’une route près de la ville de Negombo, dans un quartier majoritairement catholique situé au nord de la capitale, Colombo. Des crèches en bois, qu’il vend tous les ans avant Noël, sont disposées sous un manguier. « Très peu de gens achètent cette année », explique-t-il en patientant. « Tout le monde se plaint d’une mauvaise saison pour les affaires, personne ne vend suffisamment. » Sebastian Peter ajoute que son activité est saisonnière : « Si je ne vends pas assez, c’est toute mon année qui est perdue. »

Sa situation reflète l’ambiance des habitants de l’île à l’approche des fêtes, alors que la crise économique qui frappe le pays depuis quelques mois a entraîné une forte augmentation des prix de base, poussant de nombreux Sri-Lankais dans la pauvreté. Selon G. Marian, catholique et femme au foyer à Negombo, la récession a affecté non seulement les festivités mais la vie de tous les jours. « Les prix des produits de base ont été multipliés par trois par rapport à l’an dernier. Nous avons peu de moyens pour pouvoir acheter de quoi fêter Noël cette année », explique G. Marian, qui enseigne également le catéchisme à l’école du dimanche.

Pour les catholiques de Negombo, la tradition est d’acheter de nouveaux vêtements en cadeau pour les enfants et les proches. « Mais cette année, nous ne pourrons rien offrir », ajoute-t-elle. Les parents comme elle ne pourront pas non plus préparer de gâteaux et autres douceurs pour Noël, les prix de tous les ingrédients ayant augmenté. « Les articles de papeterie pour l’école ont été multipliés par cinq par rapport à l’an dernier. Et bien sûr, le matériel scolaire est plus important que les cadeaux », poursuit-elle.

« La situation est très dangereuse aujourd’hui »

Le gouvernement a introduit plusieurs nouvelles augmentations d’impôts afin de tenter de faire face à la crise économique que traverse le pays depuis son indépendance en 1948. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU estime qu’environ 6,3 millions de Sri-Lankais souffrent d’insécurité alimentaire modérée à sévère. Par ailleurs, selon l’Unicef, près de 56 000 enfants sri-lankais souffrent de malnutrition sévère. L’organisation estime que presque 70 % de la population du pays, sur 22 millions d’habitants, sont forcés de réduire leur consommation alimentaire.

Le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, a rappelé que la plupart des gens ne peuvent se permettre qu’un seul repas par jour. « La situation dans le pays aujourd’hui est très dangereuse », a-t-il signalé durant la première semaine de décembre, lors d’un rassemblement annuel d’enseignants de l’école du dimanche. Le cardinal sri-lankais a recommandé de fêter Noël de manière sobre cette année en solidarité avec les plus affectés par la crise. Dans une déclaration récente, la Conférence épiscopale sri-lankaise a également recommandé aux gens d’être particulièrement sensibles à ceux qui sont en détresse dans ce contexte.

« Quel que soit le travail, le salaire n’est pas suffisant »

Le père Srikantha Fernando, curé de la paroisse Notre-Dame des Douleurs de Kadawala, explique que son église ressent aussi les conséquences de la situation alors que le gouvernement a augmenté le prix de l’électricité. Ainsi, la facture d’électricité de la paroisse a augmenté quatre fois ces derniers mois. « Nous ne pouvons pas suivre ce genre d’augmentations. Maintenant, comme beaucoup d’autres lieux de culte, nous éteignons les éclairages à partir de 18 heures », précise-t-il.

De son côté, Nuwani Shirani, qui travaille dans une plantation de thé de Kandy, confie qu’elle parvient à se procurer deux repas par jour. « Mais c’est toujours la même chose à chaque repas : du riz et du curry de légume. » Sa famille n’a pas mangé de viande ni d’œufs depuis des semaines. Elle n’a pas pu non plus payer les 200 roupies (environ 50 centimes) de dons que sa famille verse habituellement tous les mois à leur paroisse.

G. Marian et ses collègues de l’école du dimanche expliquent qu’elles s’inquiètent de trouver du matériel scolaire pour leurs enfants, dont des uniformes et des chaussures alors que l’année scolaire débute en janvier dans le pays. « À cause des problèmes économiques rencontrés par les familles, beaucoup d’enfants cesseront d’aller à l’école. Noël est pourtant la fête des enfants, mais il semble que ce sont eux qui souffriront le plus cette année. »

Elle ajoute que même si les habitants peuvent enfin fêter Noël après deux années de confinements, ils devront renoncer à beaucoup de traditions dans ce contexte. « Face à la crise économique actuelle, quel que soit le travail effectué par quelqu’un, le salaire n’est pas suffisant pour ses besoins, parce que les prix ont doublé voir triplé mais les revenus n’ont pas changé », confie-t-elle. « C’est difficile de payer à la fois la nourriture, le logement et les vêtements, et ce sont pourtant des besoins essentiels. C’est la priorité avant les festivités. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Quintus Colombage / Ucanews