Eglises d'Asie

Les catholiques thaïlandais prêts pour l’arrivée du pape François à Bangkok

Publié le 15/11/2019




À Bangkok, où la grande majorité des habitants sont pourtant bouddhistes, les rues de la capitale sont déjà ornées de nombreuses décorations de Noël. Mais c’est surtout l’aspect commercial, davantage que la fête chrétienne, qui domine. Malgré plusieurs siècles de présence chrétienne – l’Église locale vient de fêter le 350e anniversaire du vicariat apostolique du Siam –, le pays ne compte que 0,58 % de catholiques sur 69 millions d’habitants. Mais la petite minorité attend avec ferveur la venue du pape, qui vient soutenir la foi de la communauté catholique thaïlandaise.

Le 20 novembre, à son arrivée à Bangkok, le pape François sera peut-être surpris de voir le pays majoritairement bouddhiste marqué par l’ambiance festive des semaines précédant Noël, avant même le début de la période de l’avent. Des sapins de Noël sont déjà installés un peu partout dans la capitale thaïlandaise, dans les boutiques et les centres commerciaux de Bangkok. Des décorations festives, mêlées de couronnes, de guirlandes et de pommes de pin, apparaissent dans les devantures. Même les cafés Starbucks de la capitale proposent des gobelets rouges aux couleurs de Noël, et les commerces diffusent des thèmes musicaux comme Jingle Bells. Pourtant, les apparences peuvent être trompeuses. Malgré l’attachement des bouddhistes thaïlandais à la fête de Noël, celle-ci est surtout célébrée comme un joyeux festival sans véritable connotation chrétienne. C’est donc principalement l’aspect commercial de la fête qui domine, et non son message spirituel. En fait, peu de Thaïlandais connaissent le sens religieux de la Nativité. Ils en savent également peu sur le christianisme, et vont jusqu’à confondre le Père Noël, dont l’image est omniprésente, avec Jésus Christ, qui est beaucoup moins représenté. « Je sais que le père Noël est important pour les chrétiens parce qu’il apporte des cadeaux aux enfants et qu’il récompense les honnêtes gens. Par contre, je ne suis pas certain de connaître toute l’histoire, est-ce qu’il est comme un dieu ? » demande Monchanok Sodsriwiboon, un jeune bouddhiste, étudiant d’une université de Bangkok. Manchanok est occupé à siroter un latte à côté d’un sapin en plastique, attablé dans le café d’un centre commercial de la capitale, situé en face du stade national où le pape François célébrera la messe le 21 novembre au soir. « J’ai entendu parler de Jésus, mais honnêtement, je ne connais que peu de choses sur lui », avoue-t-il.

Les tribus montagnardes du nord

La visite du pape François dans le pays pourrait permettre d’approfondir et de soutenir la foi en Thaïlande. Malgré plusieurs siècles de présence chrétienne dans le pays d’Asie du Sud-Est, les chrétiens représentent à peine plus d’un pourcent de la population. Les catholiques sont moins de quatre cent mille, soit près de 0,58 % de la population, sur 69 millions d’habitants, et dépendent de onze diocèses. Les efforts du Saint-Siège pour développer une mission organisée en Thaïlande ont débuté en 1659, et les Missions Etrangères de Paris ont été fondées en 1663 afin de soutenir l’œuvre d’évangélisation. Bien que les catholiques soient libres depuis longtemps de prier et d’évangéliser en Thaïlande, le christianisme s’est peu développé en dehors des tribus montagnardes des régions du nord, où les missionnaires ont converti les tribus animistes au christianisme voici plusieurs décennies. « La plus grande partie de la croissance de l’Église locale a été dans le nord de la Thaïlande, parmi les tribus Karen, Lisu, Lahu et Akha », explique le professeur Kelly M. Hilderbrand, un expert en éducation interculturelle, accueilli par l’institut BBS (Bangkok Bible Seminary). « Dans les régions métropolitaines comme Bangkok, les habitants d’origine chinoise sont ceux qui sont les plus ouverts au christianisme », ajoute Kelly Hildebrand, qui ajoute que le christianisme est toléré par les bouddhistes thaïlandais, mais qu’il est surtout considéré comme une confession étrangère, et donc bien distinct de la « véritable » culture thaïe. « La culture thaïlandaise est difficilement séparable du bouddhisme. Pour les hommes, c’est encore plus difficile. Dans leur jeunesse, il est d’usage de montrer leur respect envers leur famille en devenant moine, même pour une brève période », explique-t-il. « Cette pratique honore la mère et lui permet une meilleure réincarnation. Quand quelqu’un devient chrétien, il s’éloigne de ces rituels, et cette décision impacte toute la famille et toute la communauté. »

À l’approche de la visite du pape François, qui suivra les traces de saint Jean-Paul II qui a visité le pays en 1984, les Thaïlandais se préparent activement pour l’accueillir dignement. Le Saint-Père doit rencontrer le patriarche suprême bouddhiste Wat Ratchabophit ainsi que le roi Vajiralongkorn – presque considéré comme un demi-dieu dans un pays où la monarchie occupe un rôle central. « Le bouddhisme nous apprend à respecter toutes les religions », confie Phra Sompas Thammananto, un moine bouddhiste qui vit dans un monastère de la capitale. « Bien plus que votre foi, c’est surtout vos bonnes œuvres qui comptent », ajoute-t-il. En fin de compte, le pape François ne visitera pas la Thaïlande pour inciter les bouddhistes du pays à embrasser le christianisme, mais plutôt pour soutenir la foi de la communauté catholique locale. En mai dernier, il a envoyé un message à l’Église locale en l’honneur du 350e anniversaire du vicariat apostolique du Siam : « Je prie pour que vous grandissiez en sainteté et que vous continuiez à répandre le règne du Christ, en soutenant la solidarité, la fraternité et l’aspiration envers le bien, la vérité et la justice dans votre beau pays. »

(Avec Ucanews, Bangkok)

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