Eglises d'Asie

Les droits de l’homme en Chine en question mardi à l’ONU : les États membres invités à une action courageuse

Publié le 23/01/2024




Ce mardi 23 janvier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU procède à l’Examen périodique universel (EPU) de la Chine. Cet exercice a lieu tous les quatre à cinq ans pour tous les États membres des Nations unies. Celui de la Chine avait eu lieu pour la dernière fois en 2018. Alors que beaucoup de choses ont changé depuis, à commencer par la société hongkongaise, les États membres sont invités par de nombreux militants à une action courageuse en soulevant les points essentiels de la situation des droits de l’homme en Chine.

Lors de la 19e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies (au Palais des Nations à Genève), en 2012, le représentant de la Chine demande la parole.

Ce 23 janvier, les regards sont tournés vers le bilan de la Chine en matière des droits de l’homme, alors que le pays est confronté aujourd’hui à son Examen périodique universel (EPU), au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. Cet examen est effectué tous les quatre à cinq ans pour tous les États membres de l’Onu, au Palais des Nations, et l’organisation internationale a été invitée par de nombreux militants à procéder à une inspection minutieuse.

On peut espérer que de nombreux États membres saisissent cette opportunité de dénoncer une série de graves violations des droits de l’homme, perpétrées par le régime du Parti communiste chinois (PCC) de Xi Jinping, et de demander des changements. L’EPU est un processus unique aux Nations unies, au cours duquel chaque État membre est examiné sur son respect des droits de l’homme. Au cours de cet exercice, ces ONG sont invitées à faire des propositions, en soumettant des problèmes et des recommandations, et peuvent interpeller les États membres pour les encourager à soulever ces questions.

La pensée de Xi inscrite dans la Constitution aux côtés de Mao et Deng Xiaoping

Durant la session de l’EPU, le temps sera considérablement limité – selon le nombre d’États membres souhaitant contribuer, leur temps de parole pourrait être de seulement 50 secondes. Néanmoins, c’est une opportunité importante et précieuse de mettre en lumière la façon dont un pays menace ses citoyens à la vue de toute la communauté internationale. Dans le cas de la Chine, il y aurait beaucoup à dire. Le dernier EPU de la Chine remonte à 2018, et beaucoup de choses se sont passées depuis.

Les universitaires Steve Tsang et Olivia Cheung, dans leur livre intitulé La pensée politique de Xi Jinping, détaillent les principes fondamentaux de la « Pensée de Xi », aujourd’hui inscrite dans la Constitution du PCC aux côtés de la Pensée de Mao Zedong et de la Théorie de Deng Xiaoping. À partir des « huit recommandations » mises en avant par Xi au 19e congrès du Parti en 2017, celles-ci ont ensuite été étendues à « dix recommandations » lors de la 6e session plénière du 19e Comité central du PCC en 2021.

On peut espérer qu’autant d’États membres que possible – en particulier ceux qui se préoccupent de la démocratie et des droits de l’homme – insistent sur leurs propres « recommandations » devant Xi Jinping et son régime en Chine. Quelle devraient être ces « dix recommandations » ?

Dix points essentiels à soulever sur les droits de l’homme en Chine

Il s’agit premièrement de faire cesser le génocide des Ouïghours. Le traitement de la minorité ouïghoure, majoritairement musulmane, dans la région du Xinjiang dans l’ouest de la Chine, a été reconnu comme un génocide par l’administration américaine actuelle ainsi que la précédente, par plusieurs Parlements à travers le monde et par le Tribunal ouïghour indépendant – qui s’est réuni en 2021, présidé par l’avocat britannique Sir Geoffrey Nice, KC (« conseiller du roi »), qui a également été procureur principal au procès de Slobodan Milosevic, l’ancien président yougoslave qui était accusé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.

Une manifestation à Hong-Kong en 2019.

Par ailleurs, le propre Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) de l’Onu a conclu que les violations contre les droits des Ouïghours pouvaient « constituer des crimes contre l’humanité ». L’incarcération d’au moins un million de Ouïghours dans des camps, les campagnes de stérilisation et d’avortement forcés, le travail forcé et les persécutions religieuses, ainsi que des cas de tortures et autres crimes, ne peuvent pas être étouffés. Cela demande des comptes.

En deuxième, on compte la répression qui s’intensifie au Tibet, notamment avec la séparation d’un million d’enfants de leurs parents afin de les placer dans des internats où ils sont coupés de leur langage, leur religion, leur culture et leur communauté. Cette politique d’assimilation forcée – qui constitue, de fait un génocide culturel – a été soulevée il y a un an par des experts de l’Onu et doit être évoquée par l’EPU.

Le troisième point concerne la persécution qui se poursuit contre les adeptes du Falun Gong, avec notamment des témoignages et des rapports parlant de prélèvements barbares d’organes vitaux de pratiquants de Falun Gong non-consentants. Le Falun Gong est un mouvement spirituel créé en 1992 et réprimé depuis par Pékin. Le Tribunal chinois indépendant de 2019, également présidé par Sir Geoffrey Nice, KC, a conclu « sans aucun doute » que cette répression se poursuivait et qu’elle constituait un crime contre l’humanité, et cela doit être examiné.

La discrimination des chrétiens et la sinisation des religions

Quatrièmement, les États membres doivent évoquer la persécution qui se poursuit contre les chrétiens. On ne peut pas oublier les arrestations et les emprisonnements de membres des clergés protestants et catholiques, ni la campagne de Xi Jinping de « sinisation » des religions – qui sert à imposer aux organisations religieuses l’idéologie et l’appareil politique du PCC.

On peut notamment évoquer le sort du pasteur Wang Yi, fondateur de « l’Église de l’alliance de la pluie d’automne » à Chengdu, condamné à neuf ans de prison en 2019, et l’arrestation et la disparition de Mgr Pierre Shao Zhumin, évêque de Wenzhou, il y a deux semaines. Il faut aussi noter des destructions de croix et d’églises, des installations de caméras de surveillance dans des églises approuvées par l’État, ainsi que la propagande visible du PCC et l’affichage de portraits de Xi Jinping dans des églises aux côtés voire à la place de représentations religieuses.

Le cinquième point concerne la persécution des avocats prenant la défense des droits de l’homme en Chine. On compte entre autres le sort de Gao Zhisheng, porté disparu depuis 2017 et considéré comme « l’avocat le plus courageux en Chine » par l’organisation Amnesty International en 2019.

Sixièmement, la répression de blogueurs, journalistes, reporters et éditeurs, en particulier le cas du journaliste et avocat chinois Zhang Zhan, emprisonné pour quatre ans en 2020 simplement pour avoir couvert l’épidémie de Covid-19 à Wuhan. On compte aussi, parmi d’autres cas, l’enlèvement en Thaïlande de Gui Minhai, un Suédois d’origine chinoise, qui a déjà passé plus de 3 000 jours en prison. Il faut noter que la Chine est considérée comme le pays où les journalistes sont le plus réprimés au monde, selon le Comité pour la protection des journalistes (une association américaine fondée en 1981).

Une statue de Gengis Khan en Mongolie intérieure, dans le nord de la Chine.

En septième point, on peut évoquer la répression et la discrimination en Mongolie intérieure (une des cinq régions autonomes Chinoise avec le Guangxi, le Ningxia, le Tibet et le Xinjiang), d’une façon similaire à celle du Tibet ou du Xinjiang.

Huitièmement, la politique chinoise de rapatriement forcé des réfugiés nord-coréens, renvoyés de force dans leur pays où ils sont exposés de façon presque certaine à la torture et la condamnation à mort sous le régime brutal de Kim Jong-un – ce qui représente une violation du principe de non-refoulement (énoncé par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés).

En neuvième point, bien sûr, il faut aussi évoquer le cas de la peine de mort ; durant des années, la Chine a été le pays à exécuter le plus de personnes au monde, parfois plusieurs milliers par an.

Une transformation profonde en quelques années à Hong-Kong

Dixièmement, enfin, on compte le cas de Hong-Kong. Ce n’est certainement pas le point le moins important à soulever, étant donné que depuis le dernier EPU, aucune région du monde chinois n’a changé de manière aussi rapide ni aussi significative. Depuis 2018, Hong-Kong, qui était l’une des sociétés les plus ouvertes en Asie, est devenue un des États policiers les plus répressifs.

Alors que sa législature comptait un certain nombre d’élus prodémocratie, beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui en prison et tout le camp prodémocratie a été complètement exclu du processus électoral. Le corps législatif hongkongais et les conseils de districts sont désormais remplis d’auxiliaires pro-Pékin.

Depuis le dernier EPU, deux événements majeurs méritent d’être soulignés aujourd’hui : la brutalité des policiers hongkongais contre les manifestants en 2019, en toute impunité, et la Loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin à Hong-Kong en 2020. Cette loi a conduit au recul des libertés fondamentales (en particulier la liberté d’expression, de rassemblement et de manifestation), à l’emprisonnement de centaines de militants prodémocratie, dont d’anciens élus, et à la fermeture forcée de presque tous les médias indépendants hongkongais. Ainsi, les promesses faites par Pékin lors de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine par les Britanniques, ou encore sous la Loi fondamentale hongkongaise ou devant les accords internationaux, ont été complètement ignorées.

Jimmy Lai, dont le procès a débuté il y a trois semaines.

Parmi les prisonniers politiques, deux cas mériteraient d’être évoqués lors de l’EPU de ce mardi : ceux de Jimmy Lai, l’ancien magnat de la presse hongkongais, et de Chow Hang-tung, militante et avocate spécialiste des droits humains, ancienne vice-présidente de la Hong Kong Alliance (association aujourd’hui dissoute, qui organisait depuis trente les veillées de commémoration de la répression de la place Tiananmen en 1989).

Le défi, pour les États membres de l’ONU durant cet examen, sera d’évoquer tous ces points – et beaucoup d’autres points qui n’ont pas pu être soulevés ici – en moins d’une minute. Ils n’en seront pas capables. Mais leur devoir serait d’évoquer ensemble ces dix points essentiels, en insistant sur le fait que ces violations ne sont pas acceptables et qu’elles doivent être dénoncées.

(Avec Ucanews)