Eglises d'Asie – Chine
Les Églises protestantes chinoises, affectées par la pandémie, craignent de devenir « invisibles »
Publié le 25/04/2020
La pandémie a eu de lourdes conséquences sur les Églises protestantes chinoises et leurs fidèles, assure frère L. qui souhaite rester anonyme. « Si cette situation se prolonge trop, certaines Églises risquent de disparaître peu à peu », estime ce pasteur de l’est de la Chine. « Je pense qu’à l’avenir, on tendra davantage vers une communauté de foi plutôt qu’une Église visible », ajoute-t-il, cité ce mercredi par le quotidien protestant China Christian Daily. Le journal chrétien chinois a également interviewé deux autres pasteurs, appelés frère X. et frère M. ; les trois pasteurs interrogés sont jeunes, nés dans les années 1980 et 1990. Depuis le 23 janvier, les grands rassemblements ont été suspendus dans tous les lieux de culte. Beaucoup de communautés chrétiennes se sont tournées vers Internet pour adapter leurs célébrations, mais pas toutes. Pour les pasteurs interrogés, cette situation a entraîné des problèmes qui rendent leurs Églises de plus en plus « invisibles ».
Frère L. cite avant tout un problème financier. Ainsi, depuis que les membres de leurs communautés ne peuvent plus se rassembler, les Églises ne peuvent plus collecter des fonds. Il évoque certaines communautés, en particulier les plus importantes, qui doivent payer des loyers pour les bureaux et les salles communes. Pour frère L., si la situation d’urgence doit durer encore plusieurs mois, ces communautés se retrouveront en grande difficulté. Il estime que pour l’instant, les plus petites communautés ont pu contourner le problème, parce qu’elles ont besoin de moins d’espace et qu’elles ont moins de dépenses à gérer. De plus, depuis que le gouvernement a levé les mesures de confinement strict dans le pays, les membres de ces communautés ont pu se regrouper à nouveau, au moins par groupes d’une dizaine de personnes ou moins. Tandis que les plus grandes communautés n’ont pas encore pu se rassembler ; frère L. ajoute que si elle le font, cela risque de paniquer les voisins craignant de nouveaux foyers de contagion.
Les pasteurs citent une deuxième raison derrière ce risque « d’invisibilité », à savoir la multiplication d’initiatives liturgiques en ligne. Selon frère X., même après la fin du confinement, les gens pourraient avoir du mal à retrouver les choses comme elles étaient. Après s’être reposé sur Internet aussi longtemps pour vivre leur foi, le pasteur estime que les fidèles pourraient trouver cela plus confortable, plus facile à suivre et plus proche de leur sensibilité. Cela dit, il ajoute qu’actuellement, pour beaucoup de communautés, la participation en ligne est équivalente à la moitié du nombre de pratiquants habituels. Une troisième cause viendrait du fait que leurs communautés n’ont pas pu participer aux services de prévention et de soins, rendant leur témoignage moins visible. Frère L. rappelle ainsi qu’au Moyen-Âge, les Églises chrétiennes étaient très actives durant les périodes épidémiques, en rendant de nombreux services à la société. Aujourd’hui, ajoute-t-il, « ce genre d’épidémie repose surtout sur le pouvoir de l’État et sur les institutions existantes pour assurer les services de prévention et de contrôle de la maladie ». Les trois pasteurs reconnaissent pourtant que cette période « rendra de nombreux chrétiens plus fervents et assoiffés », même s’ils ne sont pas certains que cela entraînera davantage de fidèles dans les différentes communautés. « Ce sera peut-être plus évident une fois que la période d’urgence sera passée », ajoutent-ils.
(Avec Asianews, Pékin)
Crédit : Zhangzhugang (CC BY-SA 3.0)
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