Eglises d'Asie

Les évêques birmans appellent à ouvrir des couloirs humanitaires et à respecter les lieux de culte

Publié le 15/06/2021




Le 11 juin, la Conférence épiscopale birmane (CBCM) a publié une nouvelle lettre afin d’appeler à ouvrir des « couloirs humanitaires » pour venir en aide aux milliers de personnes déplacées par les combats et menacées par la famine, notamment dans l’État Kayah, dans l’État Chin et dans l’État Kachin. Les évêques ont également appelé à respecter le droit d’asile et le caractère sacré des lieux de culte. Le 14 juin, par ailleurs, le premier procès a été ouvert contre l’ex-Conseillère d’État Aung San Suu Kyi, plus de quatre mois après le coup d’État. Depuis le 1er février, plus de 850 civils ont été tués par la junte.

Le 11 juin, les évêques birmans ont publié une lettre en appelant à ouvrir des couloirs humanitaires pour protéger les personnes déplacées internes dans le pays.

La Conférence épiscopale birmane (CBCM) a appelé à ouvrir des « couloirs humanitaires » afin de soutenir plusieurs milliers de personnes déplacées et menacées par la famine. Les évêques birmans ont rappelé que plusieurs milliers de personnes, issues des minorités ethniques locales, meurent de faim dans la jungle après avoir fui les zones de combats – en particulier parmi les enfants et les personnes âgées. « Nous implorons à tous de permettre l’ouverture de corridors humanitaires pour atteindre les foules affamées, où qu’elles soient. Ce sont nos concitoyens, et ils ont un droit fondamental à la nourriture et à la sécurité », ont-ils déclaré dans une lettre publiée le 11 juin. Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun et président de la CBCM, Mgr John Saw Yaw Han, secrétaire général, ainsi que onze autres évêques birmans, ont signé la lettre. Ils ont également appelé toutes les parties concernées à respecter le droit d’asile et le caractère sacré des lieux de culte, sans évoquer un groupe armé en particulier. Ils ont déploré des attaques récentes contre trois églises dans le diocèse de Loikiaw, frappées par des tirs d’artillerie, alors que plusieurs milliers de personnes ont cherché refuge dans les églises et dans les jungles.

« Nous vous demandons de respecter les normes internationales relatives au droit d’asile en temps de guerre : les églises, les pagodes, les monastères, les temples, les écoles et les hôpitaux sont reconnus comme des sites neutres et des lieux de refuge en temps de conflit », ont-ils souligné. « Nous demandons que ces lieux ne soient pas attaqués, et que les personnes qui y cherchent refuge soient protégées. » Les évêques ont également appelé à se tourner vers Dieu pour lui demander de guérir la nation birmane en crise, en invitant les diocèses du pays à lancer une prière fervente et des temps d’adoration eucharistique quotidiens, individuels ou communautaires, et à prier le chapelet pour demander la compassion dans le cœur de chacun. « Il est de notre devoir de travailler pour la paix. La dignité humaine est donnée par Dieu, et aucune forme de violence ne peut ignorer l’aspiration des hommes à la dignité humaine », ont ajouté les évêques.

« La Birmanie est passée d’une démocratisation fragile à une catastrophe humanitaire »

Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, est également intervenue en soulignant qu’une escalade de violence frappe la Birmanie, et qu’elle doit être stoppée afin d’éviter de plus grandes pertes humaines et une crise humanitaire plus grave encore. « Comme je le craignais, les conflits armés et les violences se sont aggravés dans plusieurs régions du pays, notamment dans l’État Kayah, dans l’État Chin et dans l’État Kachin, avec des violences particulièrement graves dans les régions où résident de nombreuses minorités ethniques et religieuses », a-t-elle confié le 11 juin, en ajoutant que les forces armées birmanes continuent d’utiliser des armes lourdes, y compris des frappes aériennes, contre les groupes armés rebelles, les civils et les infrastructures civiles, dont les églises chrétiennes. Michelle Bachelet a également souligné que selon certains rapports crédibles, l’armée a utilisé des civils comme boucliers humains, attaqué des maisons et des églises à Loikaw, Pekhon et Demoso (État Kayah), et bloqué l’accès aux aides humanitaires. « Rien qu’au cours des trois dernières semaines, plus de 108 000 personnes ont fui leurs maisons dans l’État Kayah, et beaucoup se retrouvent dans les zones forestières avec peu de nourriture et d’accès à l’eau potable et aux soins. Ces personnes ont un besoin urgent d’assistance humanitaire », a-t-elle poursuivi. « En seulement quatre mois, la Birmanie est passée d’un processus de démocratisation fragile à un état de catastrophe humanitaire. »

Plus de 175 000 personnes déplacées depuis le 1er février

Le père Aloysius Thet Htwe Aung, directeur de Caritas (Karuna) Loikaw, explique que cela devient de plus en plus difficile de fournir une aide humanitaire aux personnes déplacées, en raison des nouvelles restrictions et des barrages routiers. Ainsi, le riz et autres produits de base sont chers et ne peuvent être transportés vers l’État Kayah. « La situation empire, et nous craignons pour les personnes déplacées internes [IDP] si cette situation se prolonge », confie le prêtre. Il précise que les personnes âgées, les malades, les femmes et les enfants ont fui les villages pour se réfugier dans une salle paroissiale, dans un internat, un couvent, une clinique et une ville église de Loikaw. Joseph Cet Lynn, directeur de Caritas (Karuna) Pekyon, ajoute que le diocèse de Loikaw a créé une équipe d’urgence pour apporter de la nourriture, des bâches et des médicaments aux civils.

Depuis le 21 mai, les combats se sont intensifiés dans l’État Kayah et dans l’État Shan, entre l’armée birmane et le groupe armé KPDF (Karenni People’s Defence Force), après plusieurs policiers tués par le KPDF à Mobye (État Shan). « De nombreux décès liés à la famine, à la maladie et aux combats pourraient avoir lieu dans l’État Kayah, alors que beaucoup, parmi les 100 000 déplacés, ont fui dans les forêts pour échapper aux bombes lancées par la junte. Et aujourd’hui, ils sont sans nourriture, sans eau et sans médicaments », déplore Tom Andrews, expert de l’ONU. Depuis le 1er février, plus de 175 000 personnes ont été déplacées dans les États Kachin, Karen, Chin, Kayah et Shan, selon l’UNHCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). Au moins 860 personnes ont été tuées par les autorités birmanes depuis le coup d’État survenu il y a plus de quatre mois, dont une majorité de manifestants pro-démocratie.

(Avec Ucanews)

Crédits Agenzia Fides