Eglises d'Asie

Les minorités pakistanaises sceptiques suite aux propos d’Imran Khan contre les violences religieuses

Publié le 10/12/2021




La semaine dernière, après une nouvelle attaque anti-blasphème, le Premier ministre Imran Khan a promis de poursuivre tous les coupables de violences religieuses. « Nous n’épargnerons pas ceux qui ont recours à la violence au nom de la religion, en particulier au nom du prophète Mohammed », a-t-il assuré. Les minorités se sont montrées sceptiques suite à ses propos. « En plus des déclarations d’indignation, les oulémas doivent aussi répandre la tolérance. C’est tout un état d’esprit qui doit changer », a réagi Mgr Jimmy Mathew, luthérien, de Khyber Pakhtunkhwa.

Le Premier ministre Imran Khan (à gauche) remet un certificat de reconnaissance à Malik Adnan pour avoir tenté de secourir Priyantha Kumara lors d’une attaque à Sialkot (Pendjab).

Les représentants des minorités religieuses au Pakistan se sont montrés sceptiques après la promesse d’Imran Khan, Premier ministre du pays, de poursuivre et punir les violences religieuses. « J’ai décidé que dorénavant, nous n’épargnerons pas ceux qui ont recours à la violence au nom de la religion, en particulier au nom du prophète Mohammed. C’est un spectacle affligeant. Des gens sont brûlés vif et les tueries continuent au nom de la religion », a-t-il déclaré.

« Tout le monde devient apeuré et muet après une accusation de blasphème. Certains sont accusés à tort et jetés en prison, car aucun juge ni aucun avocat ne veut les défendre », a poursuivi le Premier ministre pakistanais en adressant ses condoléances, après le décès de Priyantha Kumara, un citoyen sri-lankais. La semaine dernière dans la province pakistanaise du Pendjab, ce dernier a été battu à mort et brûlé vif par une foule en colère, alors qu’il avait été accusé de blasphème.

Les attaques et les accusations de blasphème contre les chrétiens et les ahmadis ont augmenté ces dernières années, avec la montée du parti islamiste radical Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP). En avril, deux infirmières chrétiennes ont été secourues par des policiers, après avoir été attaquées par une foule enragée, après qu’elles avaient été accusées de blasphème par le personnel de l’hôpital où elles travaillaient. Elles ont été libérées sous caution en septembre. Cette tendance des attaques de foules en colère contre des églises a commencé en 1997, quand des foules de musulmans extrémistes se sont attaquées au village de Shanti Nagar, au Pendjab, après une accusation de profanation d’un coran.

« C’est tout un état d’esprit qui doit changer »

Mgr Jimmy Mathew, un évêque luthérien de la province de Khyber Pakhtunkhwa, a décrit les promesses d’Imran Khan comme « de nouvelles paroles en l’air ». « Comme chef d’État, il aurait dû appeler à respecter les personnes saintes de toutes les religions. Il devrait se préoccuper aussi des autres », a-t-il ajouté. « Le public n’a pas à être juge, jury ou bourreau. Nous attendons une condamnation stricte contre les meurtriers de Kumara, et nous craignons que leurs partisans ne diffusent bientôt des slogans soutenant les assassins. En plus des déclarations de condamnation et d’indignation, les oulémas devraient aussi répandre la tolérance. C’est tout un état d’esprit qui doit changer. »

Amir Mehmood, chargé de presse de l’association Anjuman Ahmadiyya, qui défend les droits de la communauté ahmadi au Pakistan, estime que l’extrémisme religieux en public est un phénomène qui dure depuis plusieurs décennies. « La tendance des émeutes violentes contre le mouvement Ahmadiyya a commencé à Lahore en 1953. Des groupes anti-Ahmadiyya ont refait surface en 1974 quand nous avons été déclarés non-musulmans par un amendement constitutionnel », ajoute-t-il.

« Des lieux de culte chrétiens ont aussi été vandalisés. Tout cela est le résultat attendu d’une politique d’État. Les étudiants sont influencés par des manuels scolaires comportant des contenus incitant à la haine. Des articles discriminatoires doivent être retirés de la Constitution. Une longue lutte nous attend pour contrer cela. Des slogans ne peuvent suffire. » Selon la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale, des groupes ont profané au moins dix lieux de culte ahmadis cette année, parfois en présence de la police pakistanaise. Cinq ahmadis ont été tués dans des attaques à Peshawar depuis l’an dernier.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Kamran Chaudhry / Ucanews