Eglises d'Asie

Les ONG engagées au Pakistan frappées par les restrictions sur les financements étrangers

Publié le 18/12/2019




Le groupe JAC (Joint Action Committee for people’s rights), un collectif de journalistes et de groupes humanitaires engagés au Pakistan, a organisé une rencontre, le 16 décembre au Club de la Presse de Lahore en présence de représentants d’ONG, afin de partager ses inquiétudes face aux limites imposées par les autorités sur les financements étrangers. La nouvelle politique du gouvernement du Premier ministre Imran Khan, arrivé au pouvoir il y a 18 mois, est supposée s’opposer au financement des organisations islamistes et terroristes. Mais parmi les 4 693 organisations dont les demandes d’enregistrement ont été refusées cette année, se trouvent plusieurs organisations catholiques dont le groupe CRS (Catholic relief services), basé aux États-Unis membre de Caritas internationalis.

Plusieurs organisations chrétiennes pakistanaises tentent de s’opposer à une décision du gouvernement, qui a ordonné la fermeture de leurs comptes bancaires dans le cadre d’une initiative contre le financement étranger du terrorisme. Le gouvernement a ainsi supprimé les licences de plusieurs milliers d’ONG et d’organisations, dont plusieurs ONG chrétiennes, afin de les empêcher de recevoir des financements étrangers. « L’avenir de nos employés est en jeu. Nous sommes accusés de travailler au profit de puissances occidentales et nous sommes classés parmi les groupes considérés comme ‘antipatriotiques’ », a expliqué Cecil Shane Chaudhry, qui dirige la Commission nationale pour la Justice et la Paix (NCJP), lors d’une rencontre au Club de la presse de Lahore, organisée le 16 décembre par le groupe JAC (Joint Action Committee for People’s Rights), un collectif de journalistes et de groupes humanitaires. Devant des représentants d’organisations caritatives engagées au Pakistan, les intervenants ont partagé leurs inquiétudes face au rôle croissant de l’armée au sein du gouvernement et face aux attaques répétées contre les agences de presse indépendantes et contre les ONG. Cecil Chaudhry a également déclaré que les comptes de trois des sept diocèses catholiques du pays ont été fermés. Il a ajouté qu’au Pakistan, le groupe NCJP emploie 40 salariés chrétiens, et qu’il est devenu compliqué de verser tous leurs salaires.

Cette répression contre les ONG a commencé en juin 2018, quand le Pakistan a été placé sur la « liste grise » fixée par le GAFI (Groupe d’action financière) – un corps inter-gouvernemental basé à Paris, qui agit contre le blanchiment d’argent, le terrorisme et les menaces contre le système financier international. Le GAFI avait alors appelé Islamabad à agir contre la montée des groupes islamistes et contre les financements étrangers du terrorisme – en recommandant au pays un plan d’action en 27 points à mettre en œuvre d’ici le mois de février 2020. Les responsables chrétiens du pays se sont défendus en expliquant que les organisations bénévoles et caritatives travaillent au service des pauvres, contre l’injustice et pour les droits de l’homme – des groupes qui sont vus aujourd’hui comme au service de « puissances occidentales » et contre les intérêts nationaux. « On nous demande de fournir des précisions sur les femmes ou sur les chiites employés par nos organisations. Le terme ONG est désormais considéré comme abusif », regrette Cecil Chaudhry, qui ajoute que plusieurs ONG dirigées par des femmes ont été fermées. « Des fonctionnaires travaillant pour les services de renseignements visitent régulièrement nos bureaux pour contrôler notre travail. Nous avons besoin du soutien de la société civile pour continuer de nous opposer aux lois sur le blasphème et contre les conversions forcées des mineures. »

Le travail de l’Église est paralysé

En février, le gouvernement a rejeté les demandes d’enregistrement de 42 ONG suite à des objections des services de renseignements. Puis en octobre, le gouvernement de la province de Sindh a annulé l’enregistrement de 4 693 ONG pour violations de la réglementation en vigueur ou parce qu’elles étaient inactives. Parmi elles, le groupe CRS (Catholic relief services), basé aux États-Unis et membre de Caritas international, s’est vu refuser sa demande d’enregistrement l’an dernier. L’organisation explique être en train de préparer une nouvelle demande. CRS intervient au Pakistan depuis 1954, principalement en cas de catastrophes naturelles ainsi que dans les domaines de l’éducation, de l’assainissement des eaux et l’aide financière auprès des communautés vulnérables. Le groupe CRS, qui est la branche caritative officielle de l’Église catholique aux États-Unis, a ainsi soutenu plus d’un million de personnes dans le pays au fil des années. Le groupe est actuellement « en train de préparer sa nouvelle demande d’enregistrement et espère pouvoir relancer ses opérations et ses programmes au Pakistan prochainement, pour pouvoir continuer de servir les plus vulnérables », confie l’organisation sur son site internet. Ibn Abdur Rehman, ancien président de la Commission pakistanaise des droits de l’homme, estime que l’espace « se resserre pour les organisations humanitaires » dans le pays. « Le pire, c’est que les discours officiels ne nous soutiennent pas. La diversité est attaquée dans notre pays. Les gens ont décidé de ne pas écouter les voix de ceux qui sont en marge de la société. »

Christina Peter, qui dirige l’association Award (Association for women’s awareness and rural development), confie être en difficulté depuis 2017. Le groupe Award, qui est basé à Faisalabad et qui est dirigé par des femmes, a attendu près de deux ans l’obtention d’une licence autorisant les financements étrangers, en vain. « Nous avons répété nos demandes à de nombreuses reprises, mais les discussions sont toujours en cours avec les autorités », ajoute Christina Peter, qui assure que la nouvelle politique du gouvernement va entraîner davantage de chômage dans le pays. « Une crise du financement est en vue d’ici l’année prochaine, parce que pour travailler sur le terrain, il faut pouvoir obtenir un certificat exempt de toute objection de la part des services de renseignements. Nous avons déjà dû licencier », regrette-t-elle. Selon les économistes, la faible croissance économique et l’inflation à deux chiffres qui frappent le pays risquent de faire basculer 18 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté, depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Imran Khan et du parti Tehreek-e-Insaf il y a 18 mois. Selon les médias locaux, au mois de juin 2018, au moins 31,3 % des 195 millions d’habitants du pays vivaient en dessous du seuil de pauvreté.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

350.org (Caritas Karachi Pakistan)