Eglises d'Asie

Les ONG et militants peu convaincus par la déclaration du président sur la mort de 20 000 disparus de la guerre civile

Publié le 29/01/2020




La semaine dernière, des prêtres et militants catholiques sri-lankais ont réagi en dénonçant les propos du président Gotabaya Rajapaksa, qui a reconnu la mort de 20 000 personnes portées disparues durant la guerre civile (1983-2009). La déclaration du nouveau président, élu lors des élections nationales du 18 novembre, a pourtant mis fin à un long silence sur le sort des victimes concernées, disparues vers la fin de la guerre. Mais pour le père Nandana Matunga, directeur du Bureau des droits de l’homme du diocèse de Kandy, et pour de nombreux activistes sri-lankais, « le fait de déclarer soudainement que les 20 000 personnes qui ont disparu durant la guerre civile sont mortes, après dix années de silence sur leur sort malgré les demandes répétées de leurs familles, est odieux et irresponsable ».

En 2015, lors d’une journée de commémoration des personnes disparues au monument de Raddoluwa.

Pour de nombreux militants sri-lankais, la déclaration du président Gotabaya Rajapaksa, qui a reconnu la semaine dernière la mort de 20 000 personnes portées disparues durant la guerre civile (1983-2009), manque de preuves et de détails qui peuvent appuyer ses propos. « Comment peuvent-ils affirmer que vingt mille personnes sont mortes sans expliquer comment, ni où, ni quand ou entre les mains de qui, devant des familles angoissées et désespérées ? », proteste le père Nandana Matunga, directeur du Bureau des droits de l’homme du diocèse de Kandy. « Le président doit clarifier ses propos et expliquer comment il a obtenu ces informations, sinon ce n’est qu’une supposition sans fondement. Des familles et des parents innocents recherchent des êtres aimés depuis plus de douze ans », rappelle-t-il. « Ils ne peuvent pas se satisfaire d’un simple certificat de décès. Ils veulent connaître la vérité sur ce qui est vraiment arrivé aux victimes. Beaucoup d’entre eux se souviennent de la date et de l’heure exacte, non seulement de leur disparition mais aussi de leur arrestation par des officiers militaires vers la fin du conflit. » Ruki Fernando, un militant qui a été récompensé pour son travail pour la paix, partage ces affirmations, en soulignant que le nouveau président « suit les traces de son prédécesseur, Maithripala Sirisena, en faisant des déclarations occasionnelles insensibles et irresponsables ». « Les responsables politiques doivent comprendre que la question des disparitions n’est pas seulement d’ordre politique, mais qu’elle a des conséquences judiciaires. De plus, c’est surtout une question qui affecte profondément les familles des personnes disparues », ajoute Ruki Fernando.

Le nombre des disparus pourrait s’élever à près de 100 000

Certaines familles tamoules, poursuit-il, « ont manifesté dans la rue durant trois ans, avec la participation massive d’autres familles qui se réunissent de temps en temps ». « D’autres ont encore déposé des plaintes dans tous les tribunaux du pays. Ils ont même organisé des conférences avec des personnalités politiques, y compris en présence du président, sans compter de nombreuses autres initiatives », souligne-t-il. Il est vrai, reconnait-il, que « certains disparus ont été enlevés par les rebelles du mouvement des Tigres tamouls, mais qu’est-il arrivé à tous ceux qui se sont rendus à l’armée » ? Pour Brito Fernando, président de l’association des Familles des disparus (Families of the Missing), « le président a au moins reconnu ce qu’aucun autre gouvernement n’avait encore admis ». « Mais d’où sort ce chiffre de 20 000 personnes ? Le Bureau des personnes disparues n’a jamais mentionné ce chiffre, ni aucune autre commission. Le président a écarté les disparitions après la guerre. Mais qu’en est-il des fameux camions blancs qui ont embarqué ceux qui se sont rendus ? Et les quelque cinq mille soldats qui restent portés disparus ? », demande Brito Fernando. Ce dernier cite également des chiffres évoqués par d’autres associations et personnalités politiques majeures du pays : ainsi, en 2016, l’ex présidente Chandrika Kumaratunga a accepté 65 000 plaintes, et en 2017, Amnesty International a affirmé que le nombre des personnes disparues pourrait s’élever à près de 100 000.

(Avec Asianews, Colombo)


CRÉDITS

Manal Perera / Asianews