Eglises d'Asie

Les réfugiés rohingyas sceptiques face au nouveau plan de rapatriement

Publié le 22/08/2019




Les gouvernements bangladais et birmans ont entamé une nouvelle opération de rapatriement de plusieurs milliers de musulmans rohingyas, réfugiés au Bangladesh depuis la crise de 2017, malgré le scepticisme et le malaise de la communauté rohingya. Les autorités des pays voisins, associées au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), prévoient le rapatriement de 3 540 réfugiés depuis le district de Cox’s Bazar, dans le sud-est du Bangladesh, vers l’État d’Arakan (Rakhine), à partir du 22 août, selon l’agence de presse Reuters. La liste de réfugiés prévue a été fixée par la Birmanie après la remise d’une liste de 22 000 réfugiés par le Bangladesh, durant une visite d’une délégation birmane au Bangladesh le mois dernier.

La nouvelle opération de rapatriement, prévue dès le 22 août, est la seconde tentative des autorités bangladaises et birmanes après une première opération le 15 novembre dernier, échouée face au refus et aux protestations des réfugiés. Plus d’un million d’entre eux sont toujours hébergés dans les camps de Cox’s Bazar. La plupart d’entre eux ont fui la répression militaire survenue à partir du 25 août 2017, il y a presque deux ans jour pour jour. Le Bangladesh s’est engagé à assurer la sécurité et le retour volontaire des réfugiés dans leur patrie, confirme Muhammad Abul Kalam, responsable de la Commission nationale pour le rapatriement et le secours des réfugiés. « Les préparatifs sont en cours pour leur rapatriement. Nous travaillons aux côtés de l’UNHCR et nous invitons les personnes inscrites sur la liste à se préparer à partir, mais personne ne sera forcé de suivre. Leur retour sera volontaire », assure-t-il. Toutefois, il refuse de commenter un nouveau refus éventuel de la part des réfugiés concernés. De fait, les doutes demeurent sur l’opération de rapatriement. « La plupart des Rohingyas ne sont pas au courant de la nouvelle opération, et à ma connaissance, ceux qui sont sur la liste n’ont pas été consultés sur leur volonté de retourner en Birmanie immédiatement », explique Muhib Ullah, un militant pour les droits des réfugiés basé au camp de Kutupalong, à Cox’s Bazar. « Nous ne connaissons pas non plus précisément les termes exacts convenus entre les deux pays à propos du nouveau processus de rapatriement. »

Demandes clés

Muhib Ullah rappelle que les réfugiés ont précisé clairement et à de nombreuses reprises qu’ils n’accepteront de repartir que si leurs trois demandes principales – citoyenneté birmane, sécurité assurée à un niveau international et retour chez eux et non dans des camps – sont remplies. Ils s’inquiètent également de la situation actuelle dans l’Arakan. « Les Rohingyas craignent que le délai prévu pour leur rapatriement ne soit pas adapté, alors que les rebelles de l’Armée d’Arakan continuent de se battre contre l’armée birmane », conteste Muhib Ullah. « Si le gouvernement birman peut garantir la paix en Arakan et que nos demandes sont respectées, ils seront prêts à partir à n’importe quel moment. » Muhammad Rezwan, 22 ans, qui est arrivé dans le camp de Kutupalong début septembre 2017 avec les sept membres de sa famille, partage ces inquiétudes. « Je me demande s’il est possible d’entamer le processus de rapatriement dès maintenant, parce que les conflits entre les rebelles et l’armée se poursuivent toujours. Même si les noms de ma famille sont sur la nouvelle liste, je ne repartirai pas parce que c’est dangereux et que la situation n’est pas favorable », prévient-il. Muhammad Rezwan ajoute que la voix des Rohingyas a été ignorée quand le Bangladesh, la Birmanie et l’UNHCR ont signé l’accord de rapatriement l’an dernier. « Cela ne fait aucun doute que les réfugiés repartiront volontiers si leur sécurité est assurée et que leur vie en Birmanie promet d’être meilleure », ajoute-t-il. James Gomes, directeur régional de la Caritas de Chittagong, estime qu’il pourrait s’agir d’une opération « symbolique », avant le second anniversaire de l’exode des Rohingyas. « Je pense que le Bangladesh et la Birmanie essaient de faire quelque chose autour de la date du 25 août, deux ans après la fuite des Rohingyas en Bangladesh depuis l’État d’Arakan pour échapper aux atrocités de l’armée », analyse James Gomes. « Une issue pacifique à la crise des Rohingyas n’est possible que si leur retour dans leur patrie est assuré dans la dignité. Nous attendons le lancement des opérations de rapatriement, mais leur retour doit être entièrement volontaire. »

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews