Eglises d'Asie

Les restrictions d’accès à Internet se poursuivent dans l’État d’Arakan

Publié le 30/07/2019




Depuis le 21 juin, plusieurs zones de l’État d’Arakan et de l’État voisin de Chin sont touchées par une restriction d’accès à Internet, dans le cadre de la répression contre les rebelles bouddhistes de la guérilla de l’Armée d’Arakan (AA). La décision avait été annoncée il y a plus de cinq semaines par le ministère des Transports et de la Communication, qui avait ordonné à quatre opérateurs de réseaux mobiles de couper l’accès dans neuf cantons de l’Arakan et de Chin. Les appels et SMS restent possibles, mais la publication de tout contenu critique contre les autorités civiles ou militaires est impossible sur les réseaux sociaux. Selon l’ONU et les ONG qui interviennent dans la région, la mesure affecte l’aide humanitaire et pourrait servir de couverture pour des abus commis dans la région.

Depuis plus de cinq semaines, le gouvernement birman a imposé des restrictions sur l’accès à Internet dans plusieurs zones de l’État d’Arakan (Rakhine), dans le cadre de mesures répressives contre les rebelles bouddhistes de l’Armée d’Arakan (AA). Le 21 juin, le ministère des Transports et de la Communication a ordonné à quatre opérateurs de réseaux mobiles de couper temporairement l’accès à Internet dans neuf cantons de l’État d’Arakan et de l’État voisin de Chin. Les appels et les SMS ont été exclus des restrictions, mais la mesure empêche la publication de contenus critiques contre les autorités civiles et militaires sur les réseaux sociaux. Les zones affectées comptent environ un million d’habitants. Les autorités ont déclaré récemment que l’accès Internet serait rétabli quand la paix et la stabilité seront revenues dans la région. L’armée birmane aurait affirmé n’avoir tenu aucun rôle dans ce qui est décrit comme une décision du gouvernement. Plusieurs ONG ont signalé que la restriction avait affecté les opérations de secours auprès de plusieurs milliers de personnes déplacées par les conflits qui se poursuivent dans la région.

Selon les organisations humanitaires, cela empêche également de collecter des preuves photographiques et des vidéos liées aux violations des droits de l’homme et aux victimes civiles. Zaw Zaw Tun, secrétaire de l’ONG Rakhine Ethnic Congress, basée à Sittwe, la capitale de l’État d’Arakan, explique que les volontaires des villages de la région ont l’habitude d’envoyer des informations régulières sur les personnes déplacées internes (IDP) et sur la situation des droits de l’homme via Facebook, Messenger ou Viber, avec des vidéos et des photos à l’appui. « Nous avons eu beaucoup de mal à recevoir des informations correctes sur la situation sur le terrain, et cela affecte l’intervention humanitaire comme l’envoi de nourriture ou d’autres aides non alimentaires aux IDP », assure-t-il. Le nombre de déplacés internes augmente de jour en jour alors que les gens fuient leurs foyers à cause de l’arrivée de renforts militaires, ajoute Zaw Zaw Tun. « Ils ont besoin de riz, d’abris décents et d’aide matérielle, parce que le soutien du gouvernement n’est pas suffisant », explique-t-il.

L’aide humanitaire affectée par les restrictions

Nancy McNally, porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), a déclaré qu’il était même difficile d’appeler ou d’envoyer des SMS, sans parler des restrictions de l’accès physique à certaines zones. Nancy McNally estime que face à cette situation, au moins 100 000 personnes sont privées d’assistance humanitaire et d’aide au développement. Actuellement, les déplacements sont limités dans sept zones rurales de l’État d’Arakan. Bien qu’il puisse y avoir des exceptions pour l’envoi d’aide alimentaire, Nancy McNally explique que les autres aides humanitaires ont été interrompues, dont l’aide au logement et le ravitaillement en eau, ainsi que l’accès aux soins et à l’éducation. Pe Than, un élu du Parti national de l’Arakan (soutenu par la majorité bouddhiste) de la Chambre Basse, explique que la Ligue nationale pour la démocratie (LND), qui domine le parlement, soutient la décision du gouvernement. Le LND est dirigé par l’ancienne icône pro démocratie Aung San Suu Kyi. Pe Than assure que toutes les tentatives contre la décision ont été bloquées, alors que les restrictions de l’accès à Internet affectent également la population civile et le secteur des affaires. Yanghee Lee, rapporteuse spéciale des Nations unies pour la Birmanie, estime que cette situation affecte les propres plans du gouvernement pour la prévention des catastrophes naturelles.

Yanghee Lee, qui a achevé une visite de onze jours en Thaïlande et en Malaisie le 18 juillet, dans le cadre d’une enquête sur les violations des droits de l’homme en Birmanie, confie que la décision du gouvernement pourrait être « une couverture pour de graves violations des droits de l’homme » contre la population civile. Matthew Smith, président de l’ONG Fortify Rights, a déclaré le 22 juillet que même si les restrictions ont été lancées pour cibler les militants, celles-ci sont « considérablement disproportionnelles » en affectant des civils. Au moins 35 000 civils ont été déplacés par les combats entre les militaires et l’Armée d’Arakan depuis décembre dernier, selon l’ONU. L’Armée d’Arakan est une guérilla majoritairement bouddhiste qui défend une plus grande autonomie pour les membres de l’ethnie arakanaise de la région. La région a également été le théâtre du conflit entre les rebelles rohingyas et l’armée birmane, qui a poussé plus de 700 000 musulmans rohingyas à fuir le pays en août 2017 suite à la répression militaire. Un rapport d’Amnesty International publié en mai affirme que l’armée birmane a commis de nouveaux crimes de guerre et d’autres violations des droits de l’homme dans l’État d’Arakan, dont des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des actes de tortures et des disparitions forcées.

(Avec Ucanews, Mandalay)

Crédit : World Bank – East Asia and Pacific / CC BY-NC-ND 2.0