Eglises d'Asie

Les veuves de la guerre civile sri-lankaise témoignent 14 ans après

Publié le 27/05/2023




Le 19 mai dernier, quatorze ans après la fin de la guerre civile sri-lankaise (1983-2009), le gouvernement a célébré comme chaque année le « jour national des héros de la guerre ». D’autres groupes ont commémoré les conséquences et les pertes liées au conflit interne qui a apposé la majorité cinghalaise bouddhiste aux séparatistes tamouls. Selon l’ONU, entre 40 000 et 70 000 civils sont décédés dans les provinces du Nord et de l’Est au cours des derniers mois de la guerre, laissant de nombreuses veuves.

Près de 67 000 foyers monoparentaux vivent dans la province du Nord et 127 000 dans l’Est depuis la fin de la guerre civile sri-lankaise (1983-2009).

Quatorze ans après la fin de la guerre civile sri-lankaise (1983-2009), le 19 mai 2009, un groupe continue de célébrer la victoire tandis qu’un autre commémore chaque année les souffrances de la guerre et les proches décédés.

Dans le Nord et l’Est du pays, des femmes tamoules et cinghalaises, qui se sont retrouvées veuves après la guerre, en subissent toujours les conséquences entre traumatismes, pauvreté, violences sociales et préjugés culturels et religieux. Selon les estimations des Nations unies, entre 40 000 et 70 000 civils sont décédés dans ces régions au cours des derniers mois du conflit.

Près de 150 000 autres ont été tués en presque trois décennies de violences entre l’armée sri-lankaise et les séparatistes tamouls. Près de 65 000 hommes et femmes ont rejoint les rangs des « disparus », tandis que plusieurs dizaines de milliers d’autres familles ont été chassées de leurs terres traditionnelles et identifiés comme « déplacés ». Certains vivent toujours dans des camps installés dans la péninsule de Jaffna (une région de la province du Nord du Sri Lanka).

Selon Nagamuttu Inbanayagam, coordinateur du mouvement NAFSO (National Fisheries Solidarity Movement) dans le district de Jaffna, on trouve 48 camps IDP (Personnes déplacées internes) dans la seule province du Nord, et 9 à Jaffna même. Selon des chiffres officiels mis à jour en 2020, on compte 67 000 foyers monoparentaux dans le Nord et 127 000 dans l’Est, au sein desquels les veuves élèvent seules leurs enfants.

« Plutôt qu’une aide occasionnelle, nous avons besoin d’un programme systématique »

Une cinquantaine de ces femmes – tamoules et cinghalaises, vivant à Mannar, Mullaitivu, Kilinochchi, Trincomalee et Kalmunai – expliquent qu’elles reçoivent une aide mensuelle du gouvernement, mais que cette somme n’a pas changé malgré l’inflation et que ce n’est plus suffisant pour survivre. À part des rations alimentaires distribuées durant la pandémie et d’autres crises majeures, il n’y a pas eu d’autres aides ni soutiens de la part des autorités.

Selon elles, seule les aides financières des ONG, des Églises et autres institutions, qui sont toujours distribuées de temps en temps, leur permettent de s’en sortir malgré l’absence de programmes adaptés aux enfants. Certaines de ces femmes ont dû gagner leur vie après l’enlèvement ou la mort de leurs maris, de leurs pères ou de leurs frères durant la guerre. Certaines d’entre elles, devenues handicapées ou traumatisées à cause des violences, semblent plus vieilles que leur âge.

Parmi elles, Arumanayagam Carmalittra, 53 ans et mère de cinq enfants, vit à Mannar. Son mari, qui travaillait comme enseignant, a été pris de fièvre durant la guerre et en est mort faute d’accès aux soins. À l’époque, Carmalittra a élevé seule ses enfants, alors âgés entre 6 et 14 ans, sans aide du gouvernement car son mari n’avait travaillé que durant dix ans. En 2008, un de ses enfants a disparu en allant visiter sa grand-mère et ses proches à Mulankavil, et aucune nouvelle n’a été donnée depuis malgré des plaintes auprès de la police et de la Commission des droits de l’homme.

De son côté, M. Najima, 49 ans, vit à Kalmunai dans la province de l’Est. Son père a disparu dans des combats entre le mouvement séparatiste tamoul LTTE (Tigres de libération de l’Eelam Tamoul) et l’armée indienne, alors qu’il allait vendre des chèvres. Sa mère étant aujourd’hui atteinte de troubles mentaux, Najima a donc dû porter toute la famille financièrement. « Plutôt qu’une aide occasionnelle, nous avons besoin d’un programme systématique pour soutenir l’éducation de nos enfants », confie-t-elle.

(Avec Asianews)


CRÉDITS

Melani Manel Perera / Asianews