Eglises d'Asie – Bangladesh
Les vierges consacrées de Dacca au service des plus pauvres
Publié le 10/10/2019
Contrairement à beaucoup de jeunes filles bangladaises, Sabita Ignatia Gomes n’a jamais envisagé de se marier et de fonder une famille après ses études. « Je voulais donner ma vie pour le bien de l’humanité, pour les gens dans le besoin », explique Sabita Gomes, une catholique de 77 ans. Aînée de sept enfants, elle a terminé ses études secondaires dans les années 1970 avant de commencer une carrière d’enseignante au sein de plusieurs écoles catholiques. Puis elle a repris des études et obtenu une licence. Elle rêvait alors de devenir religieuse pour se mettre au service du « peuple de Dieu » pour le reste de sa vie. Pour poursuivre son rêve, Sabita et plusieurs autres comme elle ont contacté divers ordres religieux au Bangladesh – mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Dans les années 1980, un ordre religieux féminin l’a envoyée avec plusieurs femmes dans le même cas afin d’assurer leur formation religieuse aux Philippines. Quelques mois plus tard, elles sont revenues au Bangladesh après un conflit d’intérêts entre elles et leur supérieure. Déçues, les femmes se demandaient quoi faire, quand un prêtre missionnaire américain est intervenu pour les soutenir.
En 1985, le père Frank Quinlivan, missionnaire de la Sainte-Croix, a fondé la communauté « Believers in Christ » (Croyants en Christ), un institut laïc féminin. L’institut accueille des femmes qui deviennent vierges consacrées, engagées au service de l’Église et auprès des pauvres. Aujourd’hui, Sabita Gomes est coordinatrice de la communauté, basée à Dacca. Elle ne compte que cinq membres dans la capitale bangladaise, mais plusieurs autres volontaires sont basées dans le reste du pays. Il s’agit du second institut laïc féminin au Bangladesh après l’institut laïc « Friends of Word » (Amies de la Parole) – qui compte treize membres. Les laïques consacrées du groupe de Sabita Gomes – qui compte quatre enseignantes et une infirmière – vivent ensemble dans un bâtiment appartenant à l’Église locale, dans le quartier de Tejturi Bazar dans le centre de Dacca. Elles sont souvent considérées comme des « religieuses laïques » bien qu’elles ne portent pas d’habit spécifique. Elles portent une croix et des saris – comme la plupart des femmes bangladaises. « Parce que nous portons des vêtements simples, nous avons mieux accès à toutes les communautés, chrétiennes et non chrétiennes », confie Sabita Gomes. Les laïques consacrées s’occupent d’une école pour les enfants des bidonvilles, rendent visite aux familles catholiques, organisent des temps de prière pour les familles démunies, assistent les pauvres et les malades, et assurent la formation spirituelle des servants d’autel.
« Il prendra soin de nous dans les difficultés »
L’histoire d’Asha Rozario, 70 ans, est similaire à celle de Sabita Gomes. « J’étais la seconde sur sept enfants. Ma petite sœur était entrée chez les sœurs Luigina mais je n’ai pas pu. Je voulais devenir enseignante mais elles cherchaient des candidates comme infirmières », explique-t-elle. Plus tard, elle a entendu parler du groupe de Sabita, qu’elle a fini par rejoindre. « J’étais un peu timide parce que je n’avais étudié que jusqu’en terminale, alors que les autres avaient fait des études supérieures », ajoute-t-elle. « Notre fondateur et directeur spirituel m’a dit que la prière était aussi un service, quelle que soit ma tâche. Je suis finalement devenue cuisinière pour la communauté. » Le fait de comprendre qu’elle pouvait aussi être utile aux personnes dans le besoin l’a comblée. « Je n’ai pas reçu beaucoup d’éducation, mais je pouvais mettre un sourire sur le visage des enfants pauvres en leur offrant une éducation simple et en leur fournissant l’essentiel, dont des livres et des crayons. Ces petits actes de charité m’ont apporté beaucoup de joie. » Sabita et Asha se demandent toutes les deux ce qui se passera quand tous les membres de leur petite communauté ne seront plus là. L’archidiocèse de Dacca a proposé à leur groupe d’utiliser le bâtiment où elles vivent actuellement, et où elles peuvent assurer leurs activités, mais elles ne reçoivent pas de dons réguliers qui pourraient assurer la poursuite de leur service.
« Nous n’avons pas réussi à accueillir de nouveaux talents dans notre groupe, et nous ne pouvons pas rejoindre d’autres régions par manque de membres et de moyens. Parfois, nous sommes également inquiètes de savoir qui s’occupera de nous quand nous serons plus âgées », reconnaît Sabita Gomes. « Pourtant, nous croyons que l’œuvre de Dieu se fera malgré toutes les épreuves, et qu’il prendra soin de nous dans les difficultés. » L’Église reconnaît le service des vierges consacrées et les aidera dans les épreuves, assure le père Anol Terence D’Costa, secrétaire de la commission épiscopale pour le clergé et les religieux. « Ces femmes laïques travaillent indépendamment de l’Église et nous les apprécions », confie le prêtre. « D’habitude, les ordres religieux et laïcs prennent sur eux de susciter de nouvelles vocations et de collecter des dons. Mais en cas de difficultés particulières, nous pouvons les aider pour qu’elles puissent poursuivre leur service à l’avenir. » Les chrétiens, dont une majorité de catholiques, représentent moins d’un pourcent – soit environ 600 000 personnes – de la population bangladaise, sur plus de 160 millions d’habitants. Malgré leur petite minorité, les chrétiens sont très respectés par les non chrétiens en raison de leurs multiples engagements dans les domaines de l’éducation, de la santé, du travail social et de l’assistance aux plus pauvres.
(Avec Ucanews, Dacca)
CRÉDITS
Stephan Uttom / Ucanews