Eglises d'Asie

L’évêque de Loikaw aux fidèles birmans avant Noël : « L’Église, même souffrante, reste présente et vivante »

Publié le 21/12/2023




Dans un message aux fidèles de Loikaw avant Noël, Mgr Celso Ba Shwe s’adresse à ceux qui se demandent si « le diocèse existe toujours » alors qu’une grande partie des paroisses de la région ont été abandonnées à cause de la guerre civile. « La situation dans le territoire du diocèse, affecté par les combats, est très dangereuse », décrit-il, en invitant à « rester unis pour traverser ce désert ». « Au milieu de l’obscurité de la nuit de Bethléhem, que Marie et Joseph vous protègent du mal et de la guerre, que vous trouviez la paix de Noël. »

Mgr Celso Ba Shwe, évêque de Loikaw (État Kayah), à environ 200 km à l’est de Naypyidaw, la capitale birmane.

La semaine dernière, le groupe armé TNLA (Ta’ang National Liberation Army) est entré dans la ville de Namhsan, dans l’État Shan, dans le nord de la Birmanie. La TNLA fait partie des trois milices qui ont formé une Alliance de la Fraternité (Three Brotherhood Alliance), et qui ont lancé une vaste offensive contre la junte militaire birmane à la fin du mois d’octobre. Selon les milices locales, au moins 650 soldats de la junte se sont rendus, ce qui pourrait potentiellement changer le cours de la guerre civile, qui se poursuit depuis le coup d’État militaire du 1er février 2021.

Le porte-parole de la TNLA, Tar Aik Kyaw, a déclaré que les combattants de la milice sont « sur la voie de la révolution ». « L’objectif principal est de renverser la dictature militaire, c’est ce que le peuple birman a toujours voulu », a-t-il ajouté. L’attaque de l’alliance des trois groupes, appelée « Opération 1027 » d’après la date de lancement, le 27 octobre, est toujours en cours malgré les frappes des forces de la junte. Des sources indiquent que les combats affectent maintenant toute la population du pays, touchant l’ensemble des lieux de cultes, chrétiens et non chrétiens.

« Nous avons dû abandonner toutes nos paroisses »

Au moins 660 000 habitants ont été déplacés depuis le début de l’opération fin octobre, selon les chiffres des Nations unies. À Namhsan, les gens qui n’ont pas pu fuir vivent dans la peur. « Nous n’avons nulle part où aller », explique un habitant. « Il y a des grottes où on peut se cacher, mais elles se trouvent loin de notre maison », ajoute-t-il.

De son côté, l’armée birmane continue d’occuper la ville de Loikaw, la capitale de l’État Kayah. Une ville majoritairement chrétienne, où les troupes de la junte ont saisi les bâtiments diocésains et la cathédrale du Christ-Roi, utilisés comme base militaire. Dans ce contexte, Mgr Celso Ba Shwe, évêque de Loikaw, et d’autres membres du clergé, ont été forcés de se réfugier « dans la forêt », ou plutôt dans des villages alentour encore épargnés par les combats. « Nous sommes au milieu d’un conflit armé au cours duquel, face aux destructions et au chaos politique, nous avons dû abandonner toutes nos paroisses », déplore l’évêque.

« Nous avons dû abandonner la cathédrale et laisser pratiquement tout derrière nous, dans notre centre pastoral diocésain », ajoute-t-il. « La situation dans le territoire du diocèse, affecté par les combats, est très dangereuse. Presque toutes les paroisses ont été abandonnées et sont vides. Cela soulève la question : les églises locales sont-elles toujours actives et est-ce que le diocèse de Loikaw existe toujours ? »

Lettre de Noël de l’évêque de Loikaw au milieu des combats

Malgré cette situation tragique, Mgr Celso a publié une lettre pastorale adressée à la communauté chrétienne avant Noël, pour appeler les fidèles à rester dans l’espérance. « Je voudrais rappeler qu’un diocèse est une partie du peuple de Dieu, confié à un évêque en collaboration avec le presbytère. Ce n’est pas qu’une zone géographique, mais aussi une communauté qui se rassemble autour de l’évêque en unité avec le presbytère », a-t-il écrit.

« Ce qui anime principalement la communauté, c’est la proclamation de l’Évangile et la célébration de l’Eucharistie. Dans notre cas, l’Église fondée par le Christ est vivante et présente même dans la souffrance. C’est important de rester tous unis et de construire une communauté pour traverser ce désert, rassemblés autour de l’Évangile et de l’Eucharistie. Nous savons que le Christ, le Bon Pasteur, prend soin du troupeau pour lequel il a donné sa vie », a poursuivi l’évêque.

Plus de vingt paroisses sur les 41 que compte le diocèse de Loikaw ont été abandonnées à cause des combats, tandis que les prêtres et les religieuses ont été déplacés avec les fidèles. Dans sa lettre, l’évêque s’est également adressé en particulier au clergé et aux consacrés du diocèse : « Je remercie les prêtres pour votre proximité avec l’évêque et avec le peuple, pour votre collaboration pastorale généreuse. Je remercie les religieux, hommes et femmes, et tous les fidèles qui sont de vrais disciples du Christ, pour votre fidélité à l’Évangile et la célébration constante de l’Eucharistie. »

« Au milieu de l’obscurité de la nuit, que vous trouviez la paix de Noël »

Dans son message, Mgr Celso Ba Shwe exhorte les fidèles de Loikaw à ne pas se décourager face aux événements récents. Au contraire, il les invite à « faire la volonté de Dieu », « ici et maintenant », et à « faire confiance au Seigneur ». « Alors que nous subissons cette expérience angoissante, nous nous demandons peut-être si Dieu ne pourrait pas mieux s’occuper de nous. Mais nous pouvons être sûrs que Sa volonté, c’est de continuer de proclamer et de témoigner. Tant que nous restons ses brebis, nous serons victorieux », insiste l’évêque en citant une des homélies de saint Jean Chrysostome.

« Même si nous sommes entourés de beaucoup de loups, nous l’emporterons sur eux. Mais si nous devenons des loups, nous serons vaincus, parce que nous serons privés de l’aide du Berger. Il ne nourrit pas les loups, mais les brebis », poursuit-il. Vu le contexte actuel, pour l’évêque, il est important de ne pas se décourager, mais de continuer à prendre soin les uns des autres. C’est pourquoi il invite à « faire de notre mieux en nous encourageant mutuellement, en faisant le bien ».

En signant sa lettre, il a confié sa communauté diocésaine à la Sainte Vierge et à saint Joseph qui « au milieu de l’obscurité de la nuit à Bethléhem, ont adoré et protégé avec amour l’Enfant Dieu, Dieu incarné et Prince de la Paix ». « Que Marie et Joseph vous protègent tous des dangers du mal et de la guerre ; que vous trouviez la paix que le Seigneur donne le jour de Noël. »

(Avec Asianews)


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