Eglises d'Asie – Bangladesh
Malgré la croissance, les inégalités continuent de grandir au Bangladesh
Publié le 23/01/2019
L’écart entre riches et pauvres continue de grandir au Bangladesh, alors que le pays fait partie des pays où le nombre de très grosses fortunes progresse le plus rapidement, selon deux études globales récentes. Selon le rapport 2018 de la Banque mondiale sur la pauvreté et la prospérité partagée, le Bangladesh est ainsi classé cinquième derrière l’Inde, le Nigeria, le Congo et l’Éthiopie concernant l’extrême pauvreté, suivi de la Tanzanie, de Madagascar, du Kenya, du Mozambique et de l’Indonésie. Le rapport souligne que le Bangladesh accueille près de 24,1 millions de personnes en situation d’extrême pauvreté (sur une population de 160 millions d’habitants), qui gagnent moins d’1,90 dollars par jour, le seuil international de pauvreté. Le pays, majoritairement musulman, a pourtant fait des progrès remarquables durant ces dernières décennies, en réduisant fortement son taux de pauvreté. Selon le Bureau national des statistiques, dirigé par le gouvernement bangladais, le taux de pauvreté est passé de 44,2 % en 1991 à environ 15 % en 2016-2017, grâce à une croissance économique de près de 6 % par an sur cette période.
Le Bangladesh devrait également connaître la troisième plus forte croissance au monde du nombre de grosses fortunes durant les cinq prochaines années, selon un nouveau rapport publié par l’institut américain Wealth-X. Selon le rapport de l’organisation, le nombre de millionnaires dans le monde (gagnant entre 1 et 30 millions de dollars nets par an) a augmenté d’1,9 % par rapport à 2018 et compte aujourd’hui 22,4 millions de personnes. Le rapport ajoute que ce chiffre devrait encore augmenter de 6,2 % sur les cinq prochaines années. L’augmentation des inégalités entre riches et pauvres montre la disparité de la distribution des richesses au Bangladesh, selon les analystes. « Il est vrai que le Bangladesh progresse rapidement. Pourtant, la distribution des richesses n’est pas suffisamment équitable et les discriminations sont encore répandues. Il y a également une tendance trop fréquente à s’enrichir par des moyens illégaux ou immoraux », explique Anu Muhammad, professeur d’économie à l’université Jahangir Nagar de Dhaka. Le Bangladesh a encore beaucoup à faire pour assurer un salaire décent à la classe ouvrière, une politique fiscale équitable, une protection sociale et une hausse de l’emploi, poursuit-il. « La réussite économique du pays est ternie par la multiplication des écarts de richesse, ce qui est dangereux. Aucun progrès ne peut être durable si nous ne parvenons pas à réduire les discriminations et les inégalités. »
Corruption et crime organisé
Jibon D. Das, directeur régional de la Caritas de Khulna, qui couvre la région côtière du Sud, estime que « les deux rapports reflètent la réalité. Les très riches deviennent plus riches en maintenant leur influence économique et politique, souvent de façon immorale et criminelle, tandis que les pauvres restent mis à l’écart. La situation est presque la même dans le reste du pays ». Seuls quelques-uns parviennent à s’enrichir honnêtement, ajoute-t-il. « Ceux qui amassent de grosses fortunes le font souvent de façon illégale, par la corruption ou le crime comme les trafics de drogue ou la contrebande. Ils restent au-dessus des lois grâce à leur influence économique et politique. » Le gouvernement est déterminé à faire baisser la pauvreté et les inégalités dans le pays, affirme Muhammad Shamsul Alam, du département de la planification au sein du ministère des affaires sociales. « Pour un pays à revenu intermédiaire-inférieur tel que le Bangladesh, il est particulièrement difficile de sortir de la pauvreté. Toutefois, le gouvernement est déterminé à favoriser le développement des personnes en situation de pauvreté d’ici 2021 en développant les dépenses socio-économiques, avec l’objectif d’une éradication complète de la pauvreté d’ici 2030 », confie Muhammad Alam.
(Avec Ucanews, Dhaka)
CRÉDITS
Stephan Uttom / ucanews