Merci Bird pour ce cadeau que tu fais à l’Église du Cambodge : ton diaconat aujourd’hui nous rappelle le cœur de notre vie : le service. Merci à la Thai Missionnary Society pour ce cadeau après 25 ans de vie au service de la mission au Cambodge : votre présence et votre jeune histoire nous disent que l’Église est missionnaire par nature : « Allez dans le monde entier et faites des disciples… » Merci à la communauté chrétienne de Saint Joseph qui fête ses 25 ans de vie après des épreuves terribles… En prenant une photo avec frère Ghislain de Taizé, hier soir dans le long couloir de l’ancien petit séminaire, je me suis rappelé combien nous nous inscrivions dans une histoire, celle de l’Église ici au Cambodge. Petite, fragile, souffrante, victime. Mais aujourd’hui, vivante… En 1992, il y avait encore des soldats et des poules, aujourd’hui, c’est l’Église du Cambodge qui est rassemblée, qui prie et qui chante en ce jour où nous fêtons la dédicace de la basilique Saint-Jean du Latran, mère des cathédrales, alors que nous n’avons plus de cathédrale de pierre mais une si belle cathédrale de chair, de cœurs, de visages épanouis réunis ce matin ! Servir et proclamer… Ces deux mots rejoignent mon action de grâce aujourd’hui, alors que je fête mes vingt ans d’arrivée au Cambodge, un 9 novembre 1998 à 9 heures du matin. Que de chemin parcouru.
Ce qu’ils ont construit sur le Roc ne pouvait disparaître
Merci Mgr Émile, et père Venet… Du Ciel, priez pour nous avec notre cher Mgr Salas et ses compagnons. Merci Mgr Yves, père François et tous ceux qui, avec leurs pasteurs, ont marché et lutté pour remettre debout ce que la folie humaine avait tenté de détruire… Mais ce que nos ancêtres chrétiens, prêtres et religieuses ont construit sur le Roc qu’est le Christ ne pouvait pas disparaître. Si le Carmel a été détruit il y a quelques semaines, l’Église continue à battre de vie et de joie… Grâce à vous chers frères et sœurs, frères prêtres et amis religieux et religieuses ; grâce à Dieu. Et j’en suis le témoin heureux depuis 20 ans.
Hier soir, nous étions devant la Croix, à genoux. Je revoyais ce Vendredi saint de 1999, lorsque la Maman de Mgr Salas s’avançait fragile pour vénérer cette même croix, elle dont les larmes ne coulaient plus, tant elle avait pleuré, mais dont la foi continuait de vibrer, prier et aimer… Bird, aujourd’hui, tu t’inscris dans cette histoire. Tes racines doivent trouver leur source ici… De la Cité des Anges, Bangkok, tu arrives à Phnom Penh, la Terre bénies des Dieux. Heureux es-tu ! Les lectures que tu as choisies nous donnent la ligne de conduite : s’enraciner dans le Christ, la vraie vigne ; vivre et agir dans l’amour de Dieu, cet amour qui espère, qui supporte, qui aime et qui croit ; et aimer comme Jésus en servant et en se laissant appeler ami. Tout est dit : dans le Christ, vivre dans l’amour qui nous presse et aimer comme Jésus, servir et proclamer la Bonne Nouvelle… C’est cela que nous célébrons aujourd’hui et que nous essayons humblement, prêtres et baptisés, de vivre au quotidien, pour réaliser ce que Jésus est venu annoncer : le Royaume de Dieu.
L’Église de Phnom Penh se développe depuis 20 ans
Il ne s’agit pas de se méprendre. Le projet de Dieu en envoyant son Fils est immense, extraordinaire ! Ne soyons pas petits dans notre vision de l’Église et de sa mission. Ne soyons pas étroits avec ces refrains éternels : « Jésus, en son temps, n’avait qu’un bâton et pas de lit pour poser la tête ! » C’est vrai, mais Jésus était un homme de son temps, pleinement. Jésus était un berger d’hommes et il vivait comme un berger. Jésus était un pêcheur d’homme et il vivait comme un pêcheur. Jésus était un rabbin et il prêchait dans les synagogues. Jésus était un guérisseur et il guérissait. Jésus se réjouissait aux Noces de Cana. Jésus mangeait avec les pécheurs et les riches égoïstes. Jésus fustigeait les pharisiens à tout moment. Qui sont-ils les pharisiens d’aujourd’hui dans l’Église ? Dans la société dans laquelle nous vivons ? Dans le monde ? Jésus est venu annoncer la Vie et plus encore, la donner ! Alors réveillons-nous, n’ayons pas peur d’entrer dans cet immense projet de Dieu avec les moyens d’aujourd’hui. L’Église a 2000 ans et elle a grandit avec les moyens de son temps, à chacune des époques de l’histoire. Elle a jubilé. Elle a souffert. Elle a pleuré. Elle a été persécutée et humiliée, mais toujours une avec les hommes, en chaque époque de la grande l’histoire de l’humanité. Et l’Église est toujours debout, servante et annonçante.
Jésus nous le dit encore : « Pharisiens, ne jugez pas sur l’extérieur et sur des clichés mais voyez les cœurs et l’intérieur. » Depuis 20 ans, l’Église de Phnom Penh s’est développée de manière belle et grande. Merci aux sociétés missionnaires. Merci aux religieux et religieuses. Merci aux laïcs missionnaires mais surtout, merci aux chrétiens anciens et nouveaux qui ont rencontré le Christ et qui essayent d’être ce fantastique ferment dans la pâte de notre terre. Partout, de nouvelles communautés ont jailli, des centaines de baptêmes, en particulier dans les campagnes… Chacune de ces communautés, si petite soit-elle, essaye d’être témoin de l’amour infini de Dieu, signe d’espérance et de vie dans des rizières parfois brûlées par le soleil de la misère au nom du Christ Sauveur. « Pharisiens ! » dirait Jésus à ceux qui ferment les yeux et les oreilles aux besoins de notre société aujourd’hui… Au soir de ma mort, je dois pouvoir dire devant Dieu : « J’ai senti battre le cœur du monde dans le cœur de l’Église ma Mère » Et ce monde, cette société dans laquelle je vis aujourd’hui que me dit-elle ?
« Heureux d’avoir été appelés »
Elle crie comme Jésus sur la croix : « J’ai soif. » Je n’ai pas d’école. Je n’ai pas de travail. Je n’ai pas médicaments. Je n’ai pas de terre. Je n’ai pas d’amis. Je ne suis pas comme les autres. Je n’entends pas, je n’ai pas jambes pour marcher… Alors est-ce que l’Église, avec ses pauvres moyens certes, au regard des énormes programmes d’aides internationaux, mais avec son cœur et son amour, avec sa foi en Dieu Libérateur et Sauveur, ne devrait-elle pas ouvrir encore plus ses yeux et ses oreilles et surtout son cœur ? Pour donner à manger. Pour donner la vie et l’espérance. La charité ce n’est pas un sac de riz donné… Je ne crois pas aux « chrétiens de riz »… « Pharisiens » nous dirait Jésus : « Ne te méprends pas ! Regarde et tu verras tous ces chrétiens qui ont la foi et qui ont décidé de me suivre ! » J’en connais tant qui sont des acteurs vivants et fervents du Royaume ici et maintenant !
Merci à vous qui témoignez en actes et en vérité dans nos écoles, nos centres pour malades, avec nos enfants abandonnés, avec nos petits qui retrouvent de la dignité, à travers l’art, l’artisanat, l’agriculture… Ou tout simplement dans votre vie quotidienne, en mettant un peu de baume au cœur dans les relations biaisées par les réseaux sociaux : le baume de Dieu ! Au nom de votre foi en Jésus qui vous a sauvés, merci à vous ! Pourquoi ? Parce que Jésus, en voyant cette foule, « se retourne et la regarde avec tant d’amour et lui dit viens, suis-moi… Mais prends ta croix d’abord et suis-moi ! » C’est pour cela que Frère Bird demande l’ordination aujourd’hui… Comme Samuel, il a entendu et il a dit oui. C’est pour cela que des jeunes et des moins jeunes demandent le baptême chaque année. Ce matin, dans cette grande joie, avec nos martyrs, avec les anges venus de Bangkok et les dieux de notre belle terre, nous sommes heureux de ce que le Seigneur a accompli pendant ces années. Nous sommes heureux d’avoir été appelés et choisis pour devenir fils et fils de Dieu. Nous sommes heureux, avant tout, d’être partie prenante, pleinement, du grand projet de Dieu en Jésus : l’annonce et la construction du Royaume.
Pas de chrétiens endormis. Pas de prêtres frileux. Pas de religieuses éparpillées. Mais une famille, celle de Dieu qui accueille, qui sert, qui aime et qui prie et surtout, qui laisse son cœur écouter les cris des malheureux, et qui n’a pas peur d’y répondre, qui n’est pas molle dans son action et frileuse dans son amour. La Vie ? « Je suis venu vous la donner en abondance », nous dit Jésus. Bird, par l’imposition et la force de l’Esprit, dans quelques instants, tu vas devenir ministre de Jésus ordonné pour servir et aimer. Tu nous invites à servir et aimer davantage. Vive notre Église ! Vive Dieu ! Debout nous l’avons été, debout nous le serons pour entrer dans la vie éternelle et rejoindre la cohorte de nos frères et sœurs dans la foi, qui ont porté leur Croix jusqu’au don de leur vie, fiers et heureux d’avoir accompli notre mission !
+ Olivier Schmitthaeusler, Vicaire apostolique de Phnom Penh, Cambodge
CRÉDITS
MEP