Eglises d'Asie

Mgr Sebastian Shaw rassemble 250 soignants chrétiens pakistanais dans l’archidiocèse de Lahore

Publié le 23/06/2021




Le samedi 19 juin, Mgr Sebastian Shaw, archevêque de Lahore, a organisé une journée de séminaire au lycée Saint-Anthony de Lahore, en invitant près de 250 soignants chrétiens de la région. Parmi eux, plusieurs infirmières ont témoigné de cas d’accusations de blasphème, dans un pays où les soignants chrétiens sont souvent exposés, en particulier dans les hôpitaux publics. Pour cette raison, Mgr Shaw a invité les participants à la prudence : « Il est inutile d’évangéliser durant vos heures de travail. C’est dangereux, ne le faites pas. Montrez votre foi par votre service. »

Le 19 juin, Mgr Sebastian Shaw a rassemblé 250 soignants chrétiens au lycée Saint-Anthony de Lahore.

Fazilat Lal, une infirmière catholique de Lahore, a été accusée d’avoir mené une campagne anti-islamique il y a deux ans après avoir eu une promotion au Services Hospital de la ville, dans le nord du pays. « Durant ma carrière professionnelle, je ne me suis jamais couvert le visage comme les autres infirmières. Certains membres du personnel ont commencé à faire pression contre moi en m’accusant d’appeler à retirer le niqab », explique Fazilat Lal. « Ces accusations se sont répétées durant près d’un mois. Mais j’ai supporté cela avec le soutien d’autres collègues. Malgré le Serment d’Hippocrate que nous avons tous prononcé, des influences religieuses continuent de marquer notre profession au Pakistan. Les religieuses chrétiennes sont souvent discriminées pour cela. Elles sont surchargées de travail et harcelées par leurs collègues. »

Kiran Manzoor, une autre infirmière catholique pakistanaise, décrit une situation similaire à l’hôpital Mayo, l’une des plus anciennes et des plus importantes institutions médicales de Lahore. « Le personnel musulman est clairement prioritaire sur les non-musulmans dans les hôpitaux publics. Il n’y a aucun forum où dénoncer ces injustices et où partager nos problèmes. Nous continuons de servir dans la peur, et nous sommes déçus par nos dirigeants », assure Kiran, qui explique que son mari lui a interdit d’aborder le thème de la religion sur son lieu de travail après ce qui est arrivé il y a quelques années à sa petite sœur, également infirmière dans un hôpital privé. « Elle avait été accusée de promouvoir l’inceste alors qu’elle fêtait simplement la Saint-Valentin. Elle a alors tenté d’expliquer le concept chrétien de l’amour de Dieu, mais elle a été frappée par l’infirmière en chef de son service. Son mari et le mien ont rendu visite aux responsables de l’hôpital pour expliquer sa position », confie Manzoor. Sa famille n’a pas porté plainte afin de la protéger et pour éviter qu’elle perde son travail.

Entre 60 et 70 % d’infirmières chrétiennes au Pakistan

Toutefois, cette année, trois infirmières chrétiennes ont déjà été accusées de blasphème. Le 27 avril, des infirmières musulmanes d’un hôpital psychiatrique de Lahore ont occupé une chapelle située dans l’établissement, utilisée pour les célébrations dominicales, après avoir accusé une infirmière chrétienne de blasphème pour avoir envoyé une vidéo « suspecte » sur le groupe WhatsApp non officiel des infirmières de l’hôpital. Le 9 avril, deux autres infirmières chrétiennes ont été détenues par la police après un procès-verbal établi dans le cadre de la section 295-B de la loi pakistanaise sur le blasphème. La plainte a été déposée par un médecin du Civil Hospital de Faisalabad, qui a accusé les infirmières d’avoir retiré un autocollant contenant une inscription musulmane (« Durood Shareef », une salutation au prophète Mohammed). En janvier, une infirmière chrétienne, Tabitha Nazir Gill, a été frappée et déshabillée de force dans un hôpital de Karachi, dans la province de Sindh, où elle travaillait depuis neuf ans. L’infirmière, connue pour chanter des hymnes chrétiens en Ourdou, la langue nationale pakistanaise, reste cachée à l’étranger.

Selon plusieurs organisations humanitaires, le nombre d’affaires similaires a augmenté récemment au Pakistan, où le blasphème reste une question particulièrement sensible. Ceux qui sont accusés sont parfois lynchés par la foule avant même d’avoir été jugés. Dans les provinces du Pendjab et de Sindh, il y a également les problèmes des conversions et des mariages forcés. Ainsi, en 2019, une infirmière chrétienne âgée de 30 ans, Saima Sardar, a été abattue au Faisalabad District Hospital par un musulman parce qu’elle refusait de se convertir à l’islam et de se marier avec lui. Face à cette situation, les missionnaires chrétiens ont été des pionniers pour l’éducation et la santé des femmes pakistanaises. Ainsi, on compte entre 60 et 70 % d’infirmières chrétiennes dans le pays. Le Pakistan compte plus de 160 institutions de formation aux soins infirmiers, dont beaucoup d’étudiants appartiennent à la communauté chrétienne.

« Vous êtes nos héros »

En 2003, Fazilat Lal a aidé l’archidiocèse de Lahore à créer une fraternité des infirmières chrétiennes, avec le soutien d’une religieuse maltaise et de Mgr Lawrence Saldanha, archevêque émérite de Lahore. « Plus de 60 religieuses participaient aux rencontres tous les mois à l’évêché. Mais le groupe s’est finalement découragé peu à peu après le départ à la retraite de Mgr Saldanha », explique-t-elle. Fazilat Lal et Kiran Manzoor font toutes deux partie des 250 soignants chrétiens invités à un séminaire organisé le 19 juin au lycée Saint-Anthony de Lahore. À cette occasion, Mgr Sebastian Shaw, archevêque de Lahore, leur a rendu hommage pour leur action durant la pandémie. Le personnel de Caritas Pakistan, avec une dizaine de prêtres, a notamment distribué des roses aux participants durant la rencontre. Une bannière les saluait ainsi : « Vous êtes nos héros. Que Dieu vous protège. » Plusieurs invités ont mentionné les dernières accusations de blasphème contre des infirmières chrétiennes, ainsi que des cas de conversion forcée à l’islam.

Parmi les propositions évoquées durant le séminaire, les participants ont parlé de rassemblements chrétiens, de temps forts à l’occasion des fêtes de Pâques, de programmes de formation à la foi et de programmes d’orientation professionnelle pour les jeunes. Mgr Shaw a invité les participants à éviter d’annoncer ouvertement l’Évangile dans les hôpitaux : « Il est inutile d’évangéliser durant vos heures de travail. C’est dangereux, ne le faites pas. Montrez votre foi par votre service. » Mgr Suaw, qui est également administrateur apostolique du diocèse de Multan (Pendjab), prévoit aussi d’organiser une session similaire à Multan. De son côté, sœur Shamim Inayat, de la congrégation des Sœurs de Saint-Paul, membre de l’Organisation des femmes catholiques, accompagne les infirmières chrétiennes locales. « Par nos échanges, nous essayons de trouver des solutions à leurs problèmes. Les chrétiennes qui travaillent dans les usines autour de Multan rencontrent aussi des situations similaires. Nous invitons notamment les parents à développer des relations étroites avec leurs filles qui travaillent afin de les protéger dans notre société si ouvertement religieuse. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Kamran Chaudhry / Ucanews