Eglises d'Asie

Mgr Stephen Chow, évêque de Hong-Kong, appelle au dialogue dans une ville profondément divisée

Publié le 25/02/2022




Mgr Stephen Chow Sau-yan, jésuite, a été ordonné évêque de Hong-Kong le 4 décembre, alors que le siège épiscopal était vacant depuis presque trois ans. Mgr Chow, à la tête de l’Église locale qui compte près de 400 000 fidèles, cherche avant tout à guérir les blessures et à construire des ponts entre les communautés, dans une ville profondément divisée, y compris parmi les catholiques hongkongais. Malgré ces circonstances difficiles, l’évêque soutient que « Hong-Kong doit rester une ville internationale, avec des missionnaires et des expatriés ».

Le 4 décembre, lors de l’ordination épiscopale de Mgr Chow, nouvel évêque de Hong-Kong (ici avec le cardinal John Tong Hon).

Mgr Stephen Chow Sau-yan, jésuite, a été consacré comme nouvel évêque de Hong-Kong en décembre dernier, alors que le siège épiscopal était resté vacant durant presque trois ans. Cette nomination a suscité l’espoir parmi les catholiques de la Région administrative spéciale chinoise, face aux incertitudes politiques et au chaos. Durant sa consécration épiscopale, le nouveau chef de l’Église locale, qui compte près de 400 000 catholiques, a promis de guérir les blessures dans une ville profondément divisée, en construisant des ponts.

Il a réitéré ses priorités comme responsable de l’Église à Hong-Kong lors d’une interview récente, publiée en février par le magazine Mondo e Missione des PIME (Institut pontifical pour les Missions Étrangères). Mgr Chow est conscient de l’importance sociopolitique de la communauté catholique hongkongaise malgré sa taille. En fait, plusieurs responsables hongkongais, des deux côtés du spectre politique – pro-gouvernement et pro-démocratie –, sont soit catholiques soit proches d’institutions catholiques comme des écoles, des paroisses et des organisations.

Par exemple, Carrie Lam, cheffe de l’exécutif hongkongais et pro-Pékin, est catholique pratiquante et a assisté à la messe d’ordination épiscopale de Mgr Chow. D’un autre côté, des défenseurs majeurs du mouvement pro-démocratie local sont également catholiques dont Martin Lee, Jimmy Lai et beaucoup d’autres, et qui ont été emprisonnés depuis que Pékin a imposé sa nouvelle loi sur la sécurité nationale le 1er juillet 2020.

Une ligne étroite à tenir

En tant qu’évêque de Hong-Kong, Mgr Chow doit tenir une ligne étroite dans une ville fracturée. Dans ces circonstances, sa réticence à donner des interviews et compréhensible, mais il a accepté pour que la communauté catholique mondiale comprenne sa situation et ses priorités, alors qu’il s’attelle à guérir les blessures et à construire des ponts entre les communautés à Hong-Kong. Il explique que sa formation et son éducation jésuite l’encouragent à travailler pour la dignité humaine et la justice. « Je pense que c’est inacceptable quand la dignité humaine est ignorée, exploitée ou méprisée », ajoute-t-il.

Pour lui, même si un évêque n’est pas un diplomate, il doit parfois l’être pour faire la volonté de Dieu. « Nous devons parfois être diplomates, mais notre préoccupation principale est de discerner la volonté de Dieu et de l’accomplir. » Il se souvient du père Alfred Deignan, un jésuite qui a été son mentor et qui lui a appris la compassion, la patience et l’espérance, ainsi que le père James Hurley qui l’a inspiré à s’engager pour les droits de l’homme. Mgr Chow souligne que la tragédie de la place Tiananmen de 1989 l’a profondément affecté et qu’il a rejoint le groupe Amnesty International vers cette époque. Il n’en fait plus partie. « Ce qui s’est passé en 1989 m’a vraiment affecté. Cela m’a rappelé mon identité ethnique et qui je suis ; mon sort et celui du peuple chinois sont liés par cette tragédie », confie-t-il.

Sa référence aux pères jésuites Deignan et Hurley montre comment le catholicisme a été façonné à Hong-Kong au cours des 50 dernières années. Le père Deignan (1927-2018) a été un éducateur apprécié et influent qui a servi Hong-Kong durant 65 ans. Le père Hurley (1923-2020), grand défenseur de la justice sociale, a été missionnaire à Hong-Kong depuis 1952. La référence directe de l’évêque de Hong-Kong au massacre de Tiananmen est également remarquable. Malheureusement, l’administration hongkongaise, depuis 2020, a interdit la veillée et les commémorations annuelles habituellement organisées à Victoria Park.

Influence de la spiritualité ignatienne

Mgr Chow explique que la spiritualité ignatienne a eu « une grande influence » sur lui, « sur la façon dont je vois Dieu, ma relation avec lui et la relation de Dieu avec le monde ». « Nous sommes pécheurs, et pourtant aimés. Cela nous donne espoir ! Cette liberté intérieure nous permet d’aller de l’avant. » Il ajoute qu’il a accepté son rôle d’évêque dans le cadre d’un « processus de recherche de liberté intérieure ». « Je ne voulais pas vraiment être évêque. Mais dans ce processus, j’ai été invité à l’obéissance, ce qui suppose de lâcher prise. La spiritualité ignatienne élargit ma pensée. Si la spiritualité n’est pas incarnée, elle reste floue. Cela doit être connecté avec qui je suis. »

Par ailleurs, Mgr Chow cherche à entrer en dialogue avec les jeunes parce qu’ils sont « plus réceptifs que les adultes et les personnes âgées, parce qu’ils sont prêts à essayer des choses et qu’ils peuvent voir de riches possibilités d’avenir ; ils ont moins de bagages, d’une certaine manière ». Il demande souvent aux jeunes d’être comme les girafes, « avec les pieds plantés dans le sol et une vision tournée vers l’avenir ». Les jeunes, en particulier les étudiants universitaires, ont été nombreux à la tête du mouvement pro-démocratie à Hong-Kong. Mais Mgr Chow souhaite que les jeunes « ne voient pas seulement les murs mais aussi l’avenir : comment vous voulez que soit Hong-Kong dans le futur ».

« Partagez votre vision avec vos proches, mais en même temps, ne vous contentez pas d’écouter ceux qui pensent comme vous, autrement vous partagerez les mêmes angles morts. Vous devez écouter ceux qui sont différents de vous, et même ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. » L’évêque ajoute qu’il n’oubliera pas les plus âgés. « Les jeunes peuvent aider les membres âgés de la communauté. Les jeunes sont ceux qui donnent de l’espoir et de l’énergie aux plus âgés. Depuis 2019, certaines personnes âgées ont eu l’impression que les jeunes étaient insensibles – et certains l’étaient. Les deux groupes peuvent se rassembler et échanger, partager et s’entraider », confie Mgr Chow.

« Hong-Kong doit rester une ville internationale, avec des missionnaires et des expatriés »

Selon lui, l’introduction de la loi sur la sécurité nationale a marqué une nouvelle ère dans l’histoire politique de Hong-Kong. « Nous devons être prudents ; nous ne voulons pas que nos enfants, nos étudiants ou nos écoles aient des problèmes. Comme éducateurs, nous espérons toujours que les étudiants pensent par eux-mêmes, qu’ils s’ouvrent à différentes perspectives et qu’ils apprécient la différence. » Il estime que les plus âgés peuvent aider les jeunes à connaître « ce qui est légal et ce qui ne l’est pas », et en même temps « les aider à penser ». Pour lui, les jeunes doivent développer une conscience saine malgré les différences idéologiques – qu’il s’agisse d’un conservatisme rigide ou d’un libéralisme débridé.

Il ajoute qu’il cherche à aider « nos jeunes à penser plus profondément à notre époque ». « Mais c’est une tâche difficile. Les enseignants expérimentés ont émigré. Même les travailleurs sociaux et les psychologues sont partis. C’est une réalité difficile à laquelle nous sommes confrontés. » Malgré ces circonstances difficiles, Mgr Chow continue d’espérer à propos des futures présences missionnaires à Hong-Kong. « Je crois vraiment que les missionnaires étrangers ont leur place à Hong-Kong. Nous apprécions ce qu’ils ont fait et nous faisons de notre mieux pour qu’ils puissent rester. Hong-Kong doit rester une ville internationale, avec des missionnaires et des expatriés. » Mgr Chow estime également que le dialogue et le travail avec les autorités sont essentiels. « Nous devons travailler avec le gouvernement et trouver autant d’espace commun que nous le pouvons. Mais, avec humilité et dans un esprit de dialogue, nous pouvons malgré tout dire ce que nous pensons, car nous sommes ici en prophètes. »

Le père Gianni Criveller (PIME) est doyen d’études et enseignant à l’École internationale missionnaire de théologie de Milan. Il a enseigné en Chine continentale durant 27 ans et enseigne la théologie missionnaire et l’histoire du christianisme en Chine au séminaire du Saint-Esprit de Hong-Kong.

(Avec Ucanews / P. Gianni Criveller)


CRÉDITS

Hong Kong Diocese / Ucanews