Eglises d'Asie

Myitkyina : un centre de réhabilitation redonne espoir aux femmes dépendantes de la drogue

Publié le 03/02/2022




Le 18 janvier à Myitkyina, la capitale de l’État Kachin dans le nord de la Birmanie, cinq femmes sorties de désintoxication ont été accueillies au centre de réhabilitation Rebirth (« renaissance ») dirigé par le père Eamon Sheridan, missionnaire colomban. « Je n’exagère pas l’ampleur du fléau », déplore-t-il. « C’est difficile à croire, mais chaque famille birmane a un ou deux membres dépendants à l’héroïne et à l’alcool », explique le prêtre. Le nord du pays, près de Myitkyina, fait partie des régions les plus productrices d’héroïne et de méthamphétamines au monde.

L’Église birmane a ouvert son premier centre résidentiel destiné à la réhabilitation des femmes luttant contre la dépendance aux drogues. Le père Eamon Sheridan, Irlandais et missionnaire colomban, directeur du Centre Rebirth (« renaissance ») de Myitkyina, explique que les femmes toxicomanes sont moins acceptées, et que dans le pays, jusqu’à ce jour, il n’y avait aucun lieu adapté pour leur réhabilitation.

En évoquant le problème de la drogue qui sévit en Birmanie, le père Sheridan assure : « Je n’exagère pas l’ampleur du fléau. C’est difficile à croire, mais chaque famille a un ou deux membres qui sont dépendants à l’héroïne et à l’alcool. Je ne pense pas avoir rencontré quelqu’un ici qui ne connaît personne étant tombé dans la spirale de la dépendance. » « C’est quelque chose de complètement nouveau, pour ces femmes, d’entrer dans un centre de réhabilitation. C’est plus difficile pour elles », ajoute-t-il.

Cinq femmes sont entrées au centre le 18 janvier dernier, après être sorties de désintoxication. « Elles disent déjà qu’elles veulent faire venir leurs amies ici, que beaucoup de femmes en ont besoin », poursuit le prêtre, en précisant que le centre peut accueillir vingt personnes. Trois de ces cinq femmes sont mariées, et leurs maris sont également drogués ; leurs enfants ont grandi dans une grande pauvreté.

« Je ne veux pas vivre comme ça »

Une entre elles, appelée Marie, la quarantaine, est venue au centre parce que son mari avait suivi un programme de désintoxication et qu’il avait entendu parler d’un nouveau centre pour les femmes. Elle a commencé à consommer de l’opium pour soulager la souffrance après des coups reçus. Quand les champs d’opium ont été coupés, elle est tombée dans la dépendance à l’héroïne. Sur ses six enfants, quelques-uns ont été placés dans un orphelinat parce qu’elle ne pouvait pas s’occuper d’eux. Elle a assuré au père Sheridan qu’elle voulait vraiment arrêter, mais qu’elle ne savait pas comment.

De son côté, Jane, 27 ans, a un diplôme universitaire. Quand elle n’a pas pu trouver de travail, elle a quitté sa région rurale natale pour s’installer en ville, où elle a rencontré des amis qui consommaient de la drogue. Elle est tombée dans la dépendance il y a deux ans. Elle a essayé d’arrêter sans y parvenir. Elle a alors entendu parler du Centre de réhabilitation Rebirth de Myitkyina. « Quand je lui ai demandé pourquoi elle veut arrêter, elle m’a dit que si elle ne le fait pas, elle n’aurait pas d’avenir », confie le missionnaire, en continuant de rapporter les propos de la jeune femme : « Je ne ferais que poursuivre ce cycle en cherchant de l’héroïne. Tous les matins, dès que je me lève, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est comment trouver de l’argent pour ma dose quotidienne. Je ne veux pas vivre comme ça. »

« L’idée est de les aider à découvrir leur valeur en tant que personne humaine »

Le père Sheridan explique que dans la région du nord de la Birmanie, près de Myitkyina, on compte parmi les plus grandes productions d’héroïne au monde, après l’Afghanistan, et la plus grande production mondiale de méthamphétamines. En plus des cinq femmes au centre, 33 hommes sont également accueillis en réhabilitation actuellement. Selon le prêtre, leur situation est aggravée par l’instabilité politique du pays et par le manque de travail, sans compter le fait que l’héroïne est facilement disponible en Birmanie.

« On peut l’acheter n’importe où, tout le monde sait qui en vend et ce n’est pas si cher », déplore-t-il. Le partage des seringues répand également le virus du sida, et le prêtre explique que beaucoup des personnes accueillies sont séropositifs et ont l’hépatite C. « Je pense que nous commençons à avoir la réputation d’être un centre qui soigne les gens avec respect et dignité, en reconnaissant leur problème comme une maladie, et non comme un péché. Ils ont besoin de traitements. »

Les résidentes du centre participent à un programme centré sur la spiritualité des méthodes en douze étapes des Narcotiques anonymes ou des Alcooliques anonymes, selon le type d’addiction. Le centre offre également des informations sur la santé, sur le danger des partages de seringues et sur les maladies sexuellement transmissibles. Des sessions de thérapies comportementales et cognitives et de développement personnel sont aussi proposées.

« L’idée est d’aider les gens à découvrir leur valeur en tant que personne humaine. Ce ne sont pas des personnes mauvaises qui essaient d’être bonnes, mais des malades qui essaient de guérir », ajoute le père Sheridan. Ce dernier assure que beaucoup de femmes droguées sont victimes de trafics et finissent par se prostituer pour payer leur addiction. Son objectif est aussi de construire un centre de formation professionnelle, parce que le manque de compétences et de travail signifie pour lui un risque accru de rechute. « Nous voulons essayer d’offrir des formations pour aider ceux qui sortent de l’addiction à trouver du travail. »

(Avec Ucanews)