Eglises d'Asie

Naung Kan, la léproserie des sœurs de Maria Bambina, un refuge pour les lépreux

Publié le 03/04/2019




En 2003, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que la Birmanie avait atteint ses objectifs d’éradication de la lèpre, à savoir moins d’un patient atteint sur mille personnes. Pourtant, plus de 3 000 nouveaux cas y sont enregistrés chaque année, et le pays compte parmi les seize pays au monde comptant encore au moins mille nouveaux cas de lèpre chaque année. Dans l’État Shan, près de la ville de Kengtung, les sœurs de la Charité ou « sœurs de Maria Bambina » s’occupent aujourd’hui de la léproserie de Naung Kan, qui compte 97 résidents permanents, sans compter l’hôpital Saint-Joseph de Kengtung qui compte 146 lépreux. Pour les patients, dont certains vivent en famille avec leurs enfants, le village est un refuge, alors que beaucoup ont dû quitter leurs villages d’origine en fuyant les discriminations.

Le village de Naung Kan, à près de huit kilomètres de la ville de Kengtung, dans l’État Shan, accueille les malades atteints de la lèpre quelles que soient leur origine ou leur religion. La léproserie compte des logements anciens et récents pour les résidents, ainsi qu’une église, un couvent de religieuse, un presbytère et une clinique. Tous les jours, sauf le dimanche, sœur Lina Na Po prodigue des soins médicaux aux patients de la colonie, ainsi qu’à plusieurs malades des villages voisins. La religieuse dirige la clinique, qui accompagne 97 résidents permanents, dont les plus âgés ont près de 80 ans. Les religieuses leur offrent un toit, des repas et des soins médicaux. Certains patients reçoivent également une aide financière de leurs enfants. La léproserie compte une majorité de catholiques, ainsi que quelques bouddhistes et animistes. Ils sont membres des ethnies Shan, Lahu, Akha, Palaung et Wa ; la colonie compte également quelques patients d’origine chinoise. « Pour eux, ils sont chez eux, d’autant plus que les religieuses font preuve de compassion, d’amour et de bienveillance, et qu’ici ils ne sont victimes d’aucune discrimination », explique sœur Na Po, des sœurs de la Charité, également appelées « sœurs de Maria Bambina ». Près de six cents personnes, dont quelques enfants, habitent dans la léproserie. Certains enfants ne sont pas malades, mais vivent avec leurs parents. Deux villages voisins comptent également quatre cents habitants, dont certains ne sont pas atteints de la lèpre. Le village de Naung Kan est un refuge pour les lépreux qui ont dû quitter leurs villages des montagnes de l’État Shan, à cause des discriminations.

Aujourd’hui, Carmello, de l’ethnie Shan, considère fièrement Naung Kan comme son village. Il a dû quitter son village d’origine il y a 35 ans, après avoir été rejeté par sa communauté. Il a alors marché durant plusieurs jours avant d’atteindre la léproserie. « J’ai été accueilli chaleureusement et avec amour par les religieuses, et je ne retournerai pas dans mon village où je subirais à nouveau la discrimination », explique ce père de quatre enfants de 55 ans, qui s’est converti du bouddhisme au catholicisme. Sœur Na Po confie que le nombre de résidents dans la léproserie de Naung Kan diminue, mais une jeune patiente a récemment rejoint la communauté. Une fille de 18 ans de Rangoun, qui travaillait dans l’État Shan, montrait des symptômes de la lèpre, dont des ulcères au pied droit et sa main droite engourdie. « Elle voudrait rejoindre la léproserie, et nous l’accueillerons une fois que nous aurons reçu une recommandation du personnel médical de Kengtung », explique sœur Na Po.

Encore 3 000 nouveaux cas de lèpre par an

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la lèpre est affection de longue durée mais pas très contagieuse. Sans traitement, la peau, les nerfs, les yeux et les membres peuvent être sérieusement atteints. Grâce aux traitements médicaux, le nombre de malades à travers le monde a fortement diminué. Pourtant, la Birmanie fait partie des seize pays au monde enregistrant encore plus de mille nouveaux cas de lèpre chaque année. Le pays a atteint l’objectif fixé par l’OMS d’éradication de la lèpre en 2003, c’est-à-dire que moins d’une personne sur mille est affectée. Mais au moins 3 000 nouveaux cas de lèpre sont rapportés chaque année en Birmanie. Sœur Lucia Marcellina, supérieure des sœurs de la Charité de Naung Kan, explique que ses tâches quotidiennes passent par la préparation des repas et l’enseignement de l’anglais aux enfants des patients. Six religieuses de la communauté s’occupent également d’une école maternelle, qui compte quelques orphelins. Pour les sœurs, la recherche de fonds reste un défi majeur, malgré les dons locaux et l’aide du diocèse de Kengtung. « Nous leur donnons autant que nous le pouvons, entre les soins, la nourriture et un soutien moral », assure sœur Marcellina.

La congrégation des Sœurs de la Charité de sainte Bartolomea Capitanio et sainte Vincenza Gerosa a été fondée en Italie en 1832. En 1923, les sœurs ont ouvert l’hôpital Saint-Joseph de Kengtung, qui compte 146 lépreux. En 1934, la léproserie de Naung Kan a été ouverte par le Dr R. S. Bucker, de la mission baptiste américaine. En 1939, le Dr Bucker a dû quitter le pays à cause de la Deuxième Guerre mondiale, et les religieuses ont pris le relais. En 1946, l’hôpital Saint-Joseph et la léproserie de Naung Kan ont été réunis sous la charge du père Cesare Colombo, des missionnaires PIME, avec l’aide des sœurs de la Charité. Le père Colombo a fondé trois autres villages à Tar Lay et Mong Phyak, pour les malades soignés à Naung Kan. Dans la léproserie, un mémorial montre quelques photos, vêtements et équipements ayant appartenu au missionnaire. Le père Colombo a été emprisonné par l’armée japonaise durant la guerre, mais le prêtre a survécu. Il a continué de travailler avec les religieuses jusqu’à sa mort, en 1980. La Birmanie compte aujourd’hui 196 sœurs de la Charité, qui travaillent dans six diocèses à travers le pays. Leur mission compte notamment l’accompagnement des personnes handicapées, des personnes âgées et des lépreux. Elles gèrent également quelques internats et orphelinats.

(Avec Ucanews, Kengtung)


CRÉDITS

Ucanews