Eglises d'Asie

Negombo : des prêtres et religieuses sri-lankais jouent les médiateurs dans un contexte chaotique

Publié le 12/05/2022




Alors que le Premier ministre Mahinda Rajapaksha a présenté sa démission, des groupes pro-gouvernement ont lancé des attaques et plusieurs personnes ont trouvé la mort. Le 10 mai au soir, un groupe de prêtres et de religieuses de Negombo est intervenu dans la localité de Mahahunupitiya afin d’éviter des violences entre la majorité cingalaise et la minorité musulmane. « Le gouvernement n’a plus de pouvoir, et ses partisans essaient de provoquer le conflit. Les responsables religieux doivent être vigilants », dit un habitant.

Le 13 avril 2022 lors d’une manifestation contre le gouvernement devant le palais présidentiel de Colombo.

Le 10 mai en fin de soirée, un groupe armé s’est attaqué aux habitants de la localité de Mahahunupitiya, dans la ville touristique de Negombo, qui compte une importante communauté catholique sur la côte ouest du Sri Lanka. Quatre personnes ont été blessées et emmenées à l’hôpital et plusieurs boutiques et véhicules appartenant à des musulmans ont été incendiés et détruits. Alors que la situation est devenue de plus en plus tendue à la tombée de la nuit, des prêtres catholiques et des religieuses sont apparus dans la rue aux côtés de responsables musulmans afin de tenter d’empêcher les violences et de protéger les vies et les biens de la minorité musulmane de Mahahunupitiya.

L’attaque est survenue après plusieurs semaines de manifestations dans tout le pays, alors que le Sri Lanka subit l’une des pires crises financières de son histoire. La veille, huit personnes ont également perdu la vie dans des affrontements entre des manifestants pacifiques et des groupes pro-gouvernement, suite à la démission du Premier ministre Mahinda Rajapaksha. Bien que Negombo soit surnommé localement la « petite Rome » pour ses anciennes églises romanes et gothiques et pour sa grande communauté chrétienne, la ville compte aussi de nombreux fidèles bouddhistes, hindous et musulmans.

« Tous les responsables religieux doivent être vigilants »

Les prêtres et les religieuses sont restés dans la rue jusqu’à minuit, et quelques prêtres sont également restés jusqu’au matin afin d’assurer que la situation retourne à la normale. Les habitants expliquent que les prêtres catholiques ont joué un rôle critique en tant que médiateurs, pour permettre le retour au calme à Negombo, alors que la situation aurait pu devenir cauchemardesque dans le contexte chaotique que traverse l’État insulaire.

Le père Ananda Vithana, curé de l’église Notre-Dame de Purification de Bolawalana, à Negombo, assure qu’il n’y a pas eu de dégâts dans l’église. « Plusieurs centaines de musulmans et de Cingalais se sont tenus de part et d’autre en se préparant à se battre, mais nous sommes intervenus pour éviter un conflit entre les deux communautés », explique-t-il. Le père Vithana ajoute que les prêtres et les religieuses présents ont travaillé en équipe et qu’ils ont fini par contrôler une situation tendue.

Les habitants ont salué leur intervention, en affirmant qu’il s’agissait d’un groupe pro-gouvernement qui a tenté de semer le trouble à Mahahunupitiya, sans y parvenir en raison de l’action des responsables de la communauté catholique. « Le gouvernement n’a plus aucun pouvoir, et ses partisans essaient de provoquer le conflit. Tous les responsables religieux doivent être vigilants ces jours-ci », réagit Sujith Ranadeera, de Negombo.

« Nous voulons obtenir ce que nous voulons de manière juste et démocratique »

De son côté, le président Gotabaya Rajapaksha a appelé les habitants du pays à rejeter les tentatives de provocations raciales ou religieuses, face à des violences croissantes et des incendies criminels dans plusieurs régions du pays, et alors que les manifestations se poursuivent contre la gestion de la crise par les autorités. La démission de son frère, le Premier ministre Mahinda Rajapaksha, et l’imposition d’un couvre-feu n’ont pas suffi à apaiser la colère de la population.

Des sources policières affirment que parmi les huit personnes décédées le 9 mai se trouvaient un parlementaire, un policier et le président d’un conseil municipal. Près de 47 véhicules et 38 maisons et boutiques ont été également incendiés. Des foules se sont attaquées aux véhicules et aux maisons d’anciens ministres et élus, et le procureur général a recommandé à la police de mener une enquête approfondie.

« Nous avons entendu que d’autres attaques similaires se poursuivaient », a craint le cardinal Malcom Ranjith, archevêque de Colombo, tout en demandant de mettre fin aux souffrances de la population et de mettre en œuvre de vrais changements permettant un retour à la normale pour le pays. « Nous ignorons qui est responsable de ce qui se passe actuellement », a-t-il réagi, en conseillant aux prêtres d’éviter les tensions entre les communautés. « Plusieurs forces politiques peuvent être actives dans ce contexte et toutes ces attaques doivent être stoppées immédiatement. Restez calmes et ne laissez pas la violence gâcher ce que nous essayons de faire pour le pays. Nous voulons obtenir ce que nous espérons de manière juste et démocratique. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

AntanO / CC BY-SA 4.0