Les ouvriers du textile au Bangladesh manifestent à Dhaka depuis plus d’une semaine afin de demander une hausse des salaires. Le 13 janvier, après une rencontre avec une commission composée de membres du gouvernement et de représentants des propriétaires industriels et des ouvriers, une nouvelle échelle de salaires a été fixée afin d’apaiser la colère des travailleurs du textile. Les manifestations ont paralysé les centres industriels de Savar et d’Ashulia, en banlieue de la capitale, provoquant la mort d’un ouvrier et des dizaines de blessés dans les affronts contre la police. Concernant la nouvelle rémunération, le salaire minimum mensuel pour un ouvrier du textile a été fixé à 8 000 takas (83 euros), contre 5 300 takas (55 euros) en 2013. Les travailleurs auront également droit à une augmentation de 5 % par an. La nouvelle échelle salariale doit prendre effet dès le mois de décembre 2018. Le gouvernement a déclaré que les ouvriers recevront un arriéré de salaire en février.
Babul Akhter, président de la fédération bangladaise Garment and Industrial Workers (ouvriers du textile et du secteur industriel), confie que les ouvriers et les représentants des syndicats ont accepté la nouvelle rémunération, et qu’ils attendent son application. « Il est difficile de dire si ce sera suffisant pour leur permettre de faire vivre leurs familles correctement », explique Babul Akhter. « Les salaires ont été fixés après des négociations entre les représentants des propriétaires industriels et des ouvriers. S’ils ne peuvent toujours pas joindre les deux bouts malgré la hausse des salaires, ils risquent de devoir démissionner », ajoute-t-il. « C’est un salaire minimum, mais ce n’est certainement pas un salaire décent », souligne-t-il. « Afin qu’il puisse garder le moral et la santé, un ouvrier doit pouvoir toucher entre 25 000 et 30 000 takas par mois [entre 260 et 312 euros]. Mais le problème, c’est que notre secteur du textile n’est pas capable de supporter ce niveau de salaires. »
Deuxième industrie textile au monde
Le père Liton Hubert Gomes, secrétaire de la commission épiscopale bangladaise Justice et Paix, estime que la hausse des salaires proposée reste insuffisante. « C’est beaucoup trop bas quand on considère le coût de la vie à Dhaka et dans les environs. Une famille ouvrière ne peut pas vivre dignement avec un tel salaire. Si les deux parents travaillent, ils peuvent se débrouiller, sinon c’est très difficile », poursuit le père Gomes. « Cette nouvelle rémunération serait acceptable si les ouvriers bénéficiaient d’autres avantages, comme une éducation gratuite pour les enfants et des soins gratuits dans les hôpitaux publics, mais cela n’existe pas », explique-t-il. « Les propriétaires du textile au Bangladesh font d’immenses profits, ce qui attire beaucoup d’investisseurs et beaucoup de personnes qui s’intéressent à cette industrie. Pourtant, les ouvriers sont toujours négligés, et le matériel dont ils disposent reste inadapté. »
Siddiqur Rahman, président de l’Association des industriels et des exportateurs du textile du Bangladesh (BGMEA), déclare de son côté que les ouvriers devraient se satisfaire de ce qu’ils ont obtenu et retourner travailler. « Beaucoup d’usines s’efforcent de mieux payer les ouvriers. Nous avons accepté la hausse salariale pour que le calme puisse revenir et que les gens puissent retourner travailler. Ils doivent comprendre que nous ne pouvons pas les payer plus que ce nous avons accepté, ou nous serions obligés de fermer », confiait-il le 14 janvier au quotidien bangladais Prothom Alo. « Cela devrait nous permettre de redémarrer la production normalement, pour que nous puissions améliorer notre productivité », a-t-il ajouté.
L’industrie bangladaise du textile est évaluée à 25 milliards de dollars, ce qui en fait la deuxième industrie textile au monde après la Chine, grâce à une main-d’œuvre peu coûteuse et des investissements solides. Le secteur textile emploie quatre millions de Bangladais, pour la plupart des femmes défavorisées venues de la campagne, qui travaillent pour des marques occidentales comme Wal-Mart, Disney, Inditex, H&M, C&A et Gap. Toutefois, l’industrie est dénoncée pour ses mauvaises conditions de travail qui conduisent à beaucoup d’accidents, dont des incendies ou des bâtiments effondrés. Ces tragédies ont provoqué des morts et des blessés dans le passé, ce qui a déclenché l’indignation dans le pays et à l’étranger, tous exigeant la réforme du secteur, attendue depuis longtemps.
(Avec Ucanews, Dhaka)
CRÉDITS
Stephan Uttom / Ucanews