Eglises d'Asie

Nouvelle ordonnance de la Cour Suprême bangladaise contre les avortements sélectifs de fœtus féminins

Publié le 06/02/2020




Le 3 février, la Cour Suprême bangladaise a délivré une ordonnance demandant au gouvernement de s’expliquer sur l’absence de cadre juridique sur la question de la détection du genre des enfants à naître, jugeant que cette pratique devrait être déclarée illégale pour mieux protéger les enfants et les femmes enceintes. La décision de la plus haute cour de justice du pays répond à la pétition de la juge Ishrat Jahan, datée du 26 janvier, et dénonçant cette pratique comme une violation de l’égalité des genres, du droit à la vie et du droit de protection garantis par la Constitution. Alors qu’une loi indienne interdit la détection du genre pour éviter les avortements sélectifs, le gouvernement bangladais doit encore légiférer. La communauté catholique espère que cette décision favorisera un changement des mentalités.

Les catholiques bangladais ont salué une décision de la Cour Suprême sur le diagnostic prénatal. Le 3 février, deux juges de la Haute Cour bangladaise ont demandé au gouvernement de s’expliquer d’ici six semaines sur l’autorisation de la détection du genre des fœtus. La Cour Suprême a demandé aux autorités de rendre compte de leur échec à fixer un cadre juridique sur cette question pour mieux protéger les enfants à naître et les femmes enceintes. La décision de la Cour Suprême vise le ministère de la Santé, le ministère des Affaires féminines et infantiles, le ministère des Affaires sociales, les directorats généraux des services de santé et du planning familial, le département des Affaires féminines et l’Institut de recherches démographiques national. Elle a été annoncée en réponse à une pétition de la juge Ishrat Jahan, magistrate de la Cour Suprême. Selon un article du quotidien bangladais The Daily Star, publié le 4 février, la juge a affirmé, dans sa pétition déposée le 26 janvier, que la détection du genre des enfants à naître est une violation de l’égalité des genres, du droit à la vie et du droit de protection garantis par la Constitution.

Une loi en accord avec l’enseignement de l’Église

Cette décision de la Cour Suprême, attendue depuis longtemps, est une bonne avancée, souligne le Dr Edward Pallab Rozario, responsable du projet de santé communautaire et de planning familial naturel de la Caritas bangladaise. Ce projet est lancé dans les huit bureaux régionaux de Caritas Bangladesh, afin d’assurer des soins médicaux, notamment sur la santé reproductive. « L’Inde voisine a voté une loi interdisant la détection du genre des enfants à naître, mais nous n’avons pas cela au Bangladesh. Du coup, beaucoup de couples mariés s’intéressent au sexe de leur futur enfant en utilisant l’échographie », confie le Dr Rozario, directeur médical de l’hôpital catholique Saint Jean-Marie Vianney de Dacca. Ce dernier dénonce une pratique immorale qui devient de plus en plus courante dans le pays, et conduisant à de nombreux avortements s’il s’agit d’une fille. « Certains proches et membres de la famille poussent les futures mères à demander le diagnostic prénatal. En général, dans une société patriarcale comme la nôtre, les familles sont heureuses d’apprendre la naissance d’un garçon, mais la naissance d’une fille est considérée comme un poids financier », regrette-t-il. Il ajoute que certaines mères subissent de multiples avortements dans l’espérance d’avoir un garçon, jusqu’à souffrir d’infertilité ou de déséquilibres hormonaux. Cela conduit souvent à des disputes familiales et à des divorces. « Une fois que le gouvernement définira une ligne directrice et une loi en réponse à la demande de la Cour Suprême, cela devrait être en accord avec les enseignements de l’Église. Tous les êtres humains sont créés par Dieu, et nous devons tous les accueillir comme tels, quel que soit leur genre. C’est notre responsabilité d’accueillir chaque enfant comme un don de Dieu. »

Changer les mentalités

Pour Rita Roselin Costa, militante catholique et mère de trois filles, la décision de la Cour Suprême est bienvenue, mais elle estime qu’il est encore plus important de changer les mentalités. « Dans notre société, tous, quelle que soit la religion – islam, hindouisme ou christianisme –, préfèrent avoir un fils aîné plutôt qu’une fille aînée. Cette pratique sociale, profondément enracinée, est due à notre système social patriarcal », explique Rita Costa, responsable du bureau des femmes de la conférence épiscopale bangladaise. « Les gens pensent que si j’ai un fils, mon clan pourra survivre, je n’aurai pas de problèmes et il pourra s’occuper de ses parents âgés. Ils pensent que le fils sera toujours avec eux et qu’il assurera leur sécurité », poursuit-elle. « Souvent, les parents pensent que s’ils éduquent leurs filles et qu’elles font des études supérieures jusqu’au niveau du master, elles se marieront et gagneront de l’argent, mais que cet argent restera dans la belle-famille. Notre société doit comprendre qu’aujourd’hui, les filles peuvent faire des études, réussir et gagner de l’argent tout en soutenant leurs parents. » Elle ajoute que les choses commencent à changer, mais que qu’il faudra encore du temps pour changer les esprits sur cette question. Elle estime que la décision de la Cour Suprême pourra servir d’exemple à long terme, pour favoriser un système de soutien pour les femmes contre les avortements sélectifs de filles.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews