Eglises d'Asie

Offensive de charme de l’armée à destination des groupes religieux

Publié le 12/02/2021




Le commandant-en-chef des armées Min Aung Hlaing et d’autres généraux se sont rendus dans des églises et des monastères, tandis que de nombreux groupes religieux manifestent dans les rues.

Des milliers de personnes se joignent à une manifestation anti-coup d’État à Mandalay

Dès le troisième jour après le coup d’État du 1er février, dirigé par le chef militaire Min Aung Hlaing, les généraux birmans se sont attachés à contacter divers groupes religieux. Des généraux de la division de Rangoun ont rendu visite à la maison de l’archevêque, où ils ont rencontré le cardinal Charles Bo et l’évêque John Saw Yaw Han et distribué du matériel humanitaire pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.

Les militaires ont également visité des églises, dans les villes de Mandalay et Myitkyina, et contacté des temples bouddhistes afin de procéder à des donations de sacs de riz et de matériel médical. Min Aung Hlaing a également rendu une visite publique à un monastère bouddhiste à Naypyidaw, la capitale, et fait des donations de divers produits alimentaires.

Dans la semaine qui a suivi le coup d’État, les médias d’État ont largement diffusé les images des visites des généraux dans différents monastères bouddhistes.

Des pagodes célèbres telles que la pagode Shwedagon à Rangoun et Mahamuni à Mandalay ont même été rouvertes le 8 février après avoir été fermées pendant plusieurs mois en raison de la pandémie de covid-19.  « Nous avons décidé de rouvrir les pagodes et les édifices religieux dans tout le pays à l’usage du public », a déclaré Min Aung Hlaing dans son premier discours à la nation le 8 février.

L’offensive de charme auprès des groupes religieux est intervenue après les vives critiques de la communauté internationale à la suite du coup d’état qui a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi. Dans les rues, des représentants de toutes les religions ont exprimé leur désaccord avec la prise du pouvoir par les militaires. L’armée a justifié cette prise du pouvoir par des allégations de fraude électorale massive aux élections du 8 novembre dernier. Le général en chef, qui est aussi président du Conseil d’Administration de l’État, a annoncé l’imposition d’un état d’urgence pour un an. Il s’est engagé à organiser des élections multipartites une fois que la question de la fraude électorale serait résolue.

Ce n’est pas une première pour Min Aung Hlaing : le commandant en chef avait déjà visité des églises, des temples hindous, des mosquées et des hôpitaux gérés par des musulmans à Naypyidaw, Rangoun et Mandalay en août et septembre 2019. Ces visites avaient étonné les analystes politiques et les chefs religieux du pays à majorité bouddhiste. Les forces armées ont été en effet accusées d’avoir perpétré le massacre de la minorité musulmane Rohingya, qui a conduit plus de 700 000 personnes à fuir vers le Bangladesh en août 2017. Les enquêteurs de l’ONU ont appelé à la poursuite de plusieurs chefs militaires, dont Min Aung Hlaing, devant la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.

Pas de discrimination religieuse

Le pape François fait partie des dirigeants de la communauté internationale qui ont condamné le coup d’État et exprimé leur solidarité avec le peuple du Myanmar. Le souverain pontife avait effectué sa première visite historique au Myanmar en novembre 2017. Il avait alors rencontré Min Aung Hlaing à Rangoun avant une réunion officielle avec la cheffe du gouvernement Aung San Suu Kyi.

Selon un porte-parole du Vatican, le pape et le chef militaire avaient discuté de « la grande responsabilité des autorités du pays en ce moment de transition ». Sur sa page Facebook, Min Aung Hlaing précisait qu’il avait confirmé au pape que « le Myanmar ne subit aucune discrimination, car le pays garantit la liberté religieuse. »

Dans une lettre du 4 février, le cardinal Bo a appelé les chefs militaires à libérer tous les dirigeants politiques détenus et à poursuivre le dialogue dans ce pays déchiré par des décennies de guerres civiles. Il a mis en garde contre d’éventuelles sanctions internationales contre le Myanmar, notant que « les sanctions et les condamnations ont donné peu de résultats : elles ont plutôt fermé des portes et empêché le dialogue. (…) Les sanctions risquent de faire s’effondrer l’économie et de jeter des millions de personnes dans la pauvreté. Engager les différents acteurs dans la réconciliation est la seule voie possible. »

Le 10 février, le président américain Joe Biden a annoncé de nouvelles sanctions contre le régime militaire du Myanmar, dont le gel d’un milliard de dollars d’actifs appartenant aux généraux aux États-Unis. Il a ajouté que les nouvelles sanctions n’affecteront pas le soutien aux programmes de santé ni aux groupes de la société civile. L’administration américaine prévoit d’identifier d’autres cibles de sanctions potentielles au cours de la semaine. Min Aung Hlaing et d’autres généraux étaient déjà visés par des sanctions américaines pour des violations présumées des droits des Rohingyas et d’autres minorités. Le régime militaire n’a pas encore réagi à ces annonces.

(Avec Ucanews)

 


CRÉDITS

Ucanews