Eglises d'Asie

Plusieurs milliers de chrétiens birmans déplacés par les conflits internes durant les fêtes de Noël

Publié le 16/12/2022




À l’approche de Noël, plusieurs milliers de chrétiens s’apprêtent à passer les fêtes dans des camps accueillant les personnes déplacées par les conflits en cours dans le pays, opposant la junte birmane et les groupes de résistance armés depuis le coup d’État de février 2021. « Il y a un mélange de joie et de tristesse à l’approche des fêtes. Nous sommes heureux d’accueillir la naissance de Jésus, mais nous sommes tristes d’être toujours dans ce camp à cause des combats », confie Joséphine Pho Mu, 42 ans, réfugiée à Loikaw dans l’État Kayah.

Une crèche birmane, en décembre 2014 dans la cathédrale du Sacré-Cœur de Mandalay.

Plusieurs milliers de chrétiens birmans, déplacés à cause des conflits, s’apprêtent à fêter Noël dans des camps accueillant les personnes déplacées internes, alors que les cantiques, les décorations et les illutations doivent rester discrets à l’appel de l’Église locale en solidarité avec les victimes de violences.

Dans de nombreux villages majoritairement chrétiens des États Kachin, Kayah, karen et Chin, les célébrations de la Nativité seront impossibles à cause des échanges de tirs, des bombardements et des tirs d’artillerie. Leurs habitants ont donc été forcés de trouver refuge loin de chez eux, dans des camps temporaires voire dans la forêt par crainte des attaques militaires contre les civils.

« Il y a un mélange de joie et de tristesse à l’approche de Noël »

Pour Joséphine Pho Mu (nom d’emprunt), âgée de 42 ans, c’est la seconde fois depuis 1988 qu’elle se retrouve obligée de fuir sa maison dans l’État Kayah. « Je pensais que nous serions déplacés temporairement et que nous pourrions rentrer chez nous. Mais nous sommes déjà loin de chez nous et réfugiés dans ce camp depuis 19 mois », explique Pho Mu, qui a été accueillie dans un camp dirigé par l’Église locale à Loikaw, capitale de l’État Kayah, après avoir quitté son village dans le canton de Demodo, en mai 2021. Cette mère de trois enfants ajoute que ce sera son deuxième Noël passé au camp.

« Il y a un mélange de joie et de tristesse à l’approche des fêtes. Nous sommes heureux d’accueillir la naissance de Jésus mais nous sommes tristes d’être toujours dans ce camp à cause des conflits, et nous ne savons pas quand nous pourrons rentrer chez nous », confie Joséphine. Elle précise qu’avant Noël, il y a un programme avec des jeux pour les enfants, tandis que les adultes se prépareront spirituellement à la Nativité.

« Nous allons participer à une neuvaine qui débute le 16 décembre, et nous irons à la messe le 24 et le 25 décembre », poursuit-elle, tout en assurant que même si sa vie au camp est bien différente, elle n’est pas déprimée et garde espérance en l’avenir. « J’ai décidé que je tiendrai bon face aux difficultés, parce que j’ai besoin de montrer le bon exemple pour mes enfants. »

16 paroisses sur 38 affectées par les conflits dans le diocèse de Loikaw

Au moins 170 000 civils de l’État Kayah – plus de la moitié de la population locale sur 300 000 habitants – ont été forcés d’abandonner leur domicile, selon l’organisation Karenni Civil Society Network. Au moins neuf églises catholiques ont été frappées par des tirs d’artillerie et des bombardements, dans le cadre d’attaques lancées par l’armée birmane. Dans le diocèse de Loikaw, 16 paroisses sur 38 sont fortement affectées par les conflits en cours, qui s’est intensifié depuis que la junte a chassé le gouvernement civil élu lors de son coup d’État du 1er février 2021.

Le père Celso Ba Shwe, administrateur du diocèse de Loikaw, qui couvre l’État Kayah, explique que les personnes âgées et handicapées, les enfants et les femmes enceintes vivant dans les camps IDP (personnes déplacées internes) ont un besoin urgent d’assistance humanitaire, tandis que l’accès à l’éducation des enfants et des jeunes est restreint dans ces conditions. « En ce temps de fêtes, puissions-nous avoir à nouveau les cantiques, la paix de Noël et les vœux échangés avec amour après avoir été chassés par les armes à feu, les combats et l’artillerie », a confié le prêtre dans une lettre publiée pour l’Avent.

Marie Hkawn San (un nom d’emprunt également), qui a trouvé refuge dans un camp géré par l’Église locale près de Myitkyina, la capitale de l’État Kachin, souhaiterait que les catholiques et les baptistes puissent à nouveau célébrer Noël ensemble dans leur village d’origine. « Pour moi, c’est une expérience différente de passer les fêtes ici au camp. Ici, il n’y a pas de décorations, et tout est improvisé et provisoire », ajoute-t-elle en précisant avoir fui son domicile en juin 2021 après la reprise des combats.

Plus d’1,1 million d’habitants déplacés depuis le coup d’État de 2021

Cette veuve de l’ethnie Kachin, âgée de 45 ans et mère de sept enfants, se dit malgré tout optimiste face à l’avenir malgré les difficultés qu’elle rencontre. « À Noël, nous recevons des bénédictions spéciales de Dieu et c’est important de se préparer spirituellement à accueillir Jésus Christ. Je prie pour la paix dans notre pays, pour que nos enfants qui ont grandi dans les camps puissent avoir la paix et la liberté et vivre une vie digne », espère-t-elle.

Les diocèses de Loikaw, Pekhon, Hakha, Kalay et Mandalay ont été fortement touchés par la répression de l’armée contre les manifestations et les groupes de résistance qui ont émergé après le coup d’État. Mgr Marco Tin Win, archevêque de Mandalay (qui couvre la région de Sagaing, où plusieurs centaines d’habitations de trois villages catholiques historiques ont été incendiées par les forces de la junte), a appelé les fidèles birmans à se concentrer sur les préparations spirituelles et à éviter « des fêtes ostentatoires » à Noël et au Nouvel An en signe de solidarité avec les plus affectés par les conflits internes.

L’an dernier non plus, les habitants chrétiens des États Kayah, Shan et Chin n’avaient pas pu fêter Noël et le Nouvel An à cause des combats. Plus d’1,4 million d’habitants sont déplacés à travers le pays, dont plus d’1,1 million depuis le coup d’État de 2021, selon un rapport publié le 3 décembre par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews