Eglises d'Asie – Pakistan
Quarante chrétiens libérés à Lahore après cinq ans d’emprisonnement
Publié le 01/02/2020
Le 29 janvier, le Tribunal antiterroriste (Anti-Terrorist Court) de Lahore a enfin acquitté 40 détenus chrétiens, arrêtés en 2015, après être parvenu à un accord entre les accusés et les familles des plaignants. Ils étaient accusés du lynchage de deux musulmans, Babar Noman et Hafiz Naeem, qui avaient été pris par erreur pour les auteurs de l’attentat du 15 mars 2015 à Youhanabad. La police avait arrêté les deux suspects, qui ont été arrachés par la foule et battus à mort. Noman, un ouvrier du textile, et Naeem, tailleur de verre, ont finalement été innocentés. Le 15 mars 2015, deux terroristes talibans se sont fait exploser à l’entrée de l’église catholique Saint-Jean et de l’église anglicane Christ Church, à Youhanabad, causant 16 morts et plus de 70 blessés. Le bilan aurait pu être encore bien plus élevé si des chrétiens, qui sont morts dans l’attentat, n’avaient pas empêché les terroristes d’entrer dans les deux églises. Les attaques ont déclenché une émeute qui a conduit au lynchage de deux musulmans, accusés à tort d’avoir commis les attentats par une foule apeurée et en colère. Alors que la police pakistanaise n’a pas mis la main sur les responsables des attentats de Youhanabad, plusieurs dizaines de chrétiens ont finalement été arrêtés et mis en prison, accusés d’émeutes, d’incendies volontaires et de destructions de biens de l’État. Plus d’une centaine de chrétiens ont été arrêtés, et 47 d’entre eux ont été poursuivis. Depuis 2015, deux d’entre eux, chrétiens, sont morts en prison, et quatre autres se sont échappés. La Commission nationale Justice et Paix (NCJP) de la conférence épiscopale pakistanaise a pris en charge les frais juridiques de douze des accusés et a soutenu financièrement les 40 détenus libérés. Après la nouvelle de leur libération, les organisations chrétiennes du pays ont manifesté leur reconnaissance envers les efforts d’Ejaz Alam Augustinen, ministre du Penjab pour les Droits de l’Homme et les Affaires des minorités, pour résoudre l’affaire.
« Nous prions pour eux, gloire à Jésus »
« Pour les gens ordinaires, il est très difficile de se défendre au Pakistan », explique Nadeem Anthony, avocat et activiste pakistanais. « Ils ne peuvent obtenir justice à cause du système déficient. Les accusés ont passé cinq ans derrière les barreaux, et personne n’a songé aux chrétiens qui sont morts dans les attentats », dénonce-t-il. « Je salue la décision du tribunal qui les a innocentés, et la décision du juge Arshad Hussain Bhutta. Toutefois, leurs familles reçoivent encore des menaces. L’État doit garantir leur protection, leur sécurité est en jeu. » Alors que la nouvelle s’est répandue, de nombreux militants pour les droits de l’homme et activistes se sont réjouis et enlacés devant les portes du tribunal. Un groupe d’avocats a même distribué des friandises devant le tribunal au son d’un dhol (tambour à deux peaux). De nombreux militants et responsables chrétiens à travers le monde ont également salué la nouvelle. « Nous remercions l’Église catholique, les militants pour les droits de l’homme et le ministre Ejaz Alam Augustine, ainsi que tous les défenseurs de la justice et la juste décision du tribunal », a confié le père Qaiser Feroz, secrétaire général de la commission des évêques pakistanais pour les communications sociales, sur sa page Facebook. Le père Sunny George, vicaire de la cathédrale du Sacré-Cœur de Lahore, a également salué la libération des détenus chrétiens. « La captivité des détenus innocents est comparable à l’esclavage des Israelites. Plusieurs d’entre eux ont fui le pays par peur d’être arrêtés. Ils pourront enfin revoir leur famille. Nous prions pour eux. Gloire à Jésus », s’est-il réjoui.
(Avec Ucanews et Asianews, Lahore)
CRÉDITS
Joseph Francis / Ucanews