La Birmanie a accepté le rapatriement d’un premier groupe de 2 260 Rohingyas, réfugiés au Bangladesh, qui reviendront dans le pays au rythme de 150 par jour à partir de mi-novembre. Cela fait partie d’un plan de rapatriement qui prévoit le retour de plus de 800 000 Rohingyas. Mais l’ONU et plusieurs ONG ont appelé à reporter le rapatriement, affirmant que leur sécurité n’est pas encore assurée dans l’État de Rakhine, où les ressentiments contre la minorité réfugiée sont encore solidement ancrés.
Dans le cadre d’un accord signé avec le Bangladesh l’an dernier, la Birmanie va commencer, d’ici mi novembre, le rapatriement de plus de 2000 Rohingyas qui ont fui le pays, . Aung Kyaw Zan, secrétaire permanente adjointe du ministère birman des Affaires étrangères, a déclaré que le pays allait débuter le rapatriement de 2 260 Rohingyas, dont 485 familles, au rythme de 150 par jour à partir du 15 novembre. « L’étape suivante procédera au rapatriement de 2000 autres réfugiés », explique-t-elle. Nyi Pu, ministre en chef de l’État de Rakhine, ainsi que d’autres hauts fonctionnaires, ont organisé plusieurs rencontres à Maungdaw le 4 novembre. Ils ont également inspecté les maisons et d’autres installations des centres d’accueil de Ngakhuya et de Hla Po Hkaung, où les réfugiés seront logés, confie le quotidien officiel birman, Global New Light of Myanmar.
Appels à reporter le rapatriement
Une rencontre du groupe de travail conjoint des gouvernements birman et bangladais a eu lieu la semaine dernière afin de préparer le rapatriement de plus de 800 000 Rohingyas. La plupart d’entre eux ont fui le pays pour la Birmanie suite à la crise qui a éclaté en août 2017. Des ONG ont appelé à suspendre le plan de rapatriement, affirmant que la situation n’est pas encore sûre pour les réfugiés dans l’État de Rakhine, où les organisations craignent que les Rohingyas subissent de nouveau les discriminations et la répression des autorités. Bill Frelick, responsable des droits des réfugiés pour l’ONG Human Rights Watch, confie que le gouvernement birman parle sans cesse des retours, mais qu’il n’a rien fait pour apaiser les peurs des réfugiés qui craignent de devoir subir les mêmes violences qu’ils ont fuit. « Si le Bangladesh poursuit le rapatriement sans le concours de l’ONU, cela risque de dissuader la bonne volonté de la communauté internationale qui s’est de plus en plus inquiétée du sort des Rohingyas depuis l’année dernière », ajoute Bill Frelick dans une déclaration publiée le 2 novembre.
Protestations dans l’État de Rakhine
Plus de 1 500 membres de l’ethnie Rakhine des régions de Maungdaw, Buthidaung et Rathedaung sont descendus dans les rues de Maungdaw le 4 novembre afin de protester contre le rapatriement des Rohingyas. Win Thein, de la minorité Rakhine et l’un des organisateurs de la manifestation, a appelé le gouvernement à renoncer à reloger les réfugiés dans le sud de Maungdaw, qui est sujet à des éclats de violences ethniques depuis les années 1940. « Notre souveraineté est très importante, plus importante que les droits des Bengalis [Rohingyas]. Ce sont des immigrés illégaux, et non des citoyens birmans », affirme-t-il. La plupart des Birmans tiennent à appeler les Rohingyas « Bengalis », suggérant ainsi que ce sont des immigrants illégaux originaires du Bangladesh. Pourtant, un grand nombre de Rohingyas a vécu en Birmanie durant plusieurs générations. Win Thein ajoute que les tribus locales telles que les Rakhines, les Mros ou les Daingnets sont très inquiètes pour leur sécurité. Ils appellent le gouvernement à construire davantage de villages dans le nord de Rakhine, parce que « les villages Bengali ont envahi la région ». Pour lui, les rapatriés doivent être contrôlés. « Ils doivent être placés dans des lieux séparés surveillés étroitement par les autorités », insiste-t-il. La haine et l’intolérance envers les Rohingyas sont fortement ancrées dans l’État de Rakhine.
(Avec Ucanews, Mandalay)
CRÉDITS
Photo Rock Ronald Rozario / Ucanews