Eglises d'Asie

Témoignage : un survivant du régime Khmer Rouge pardonne aux assassins de sa famille

Publié le 16/03/2023




Le 11 mars dans une église de Kuching, capitale de l’État malaisien de Sarawak à Bornéo, Sokreaksa Himm, 59 ans, survivant des Khmers Rouges, a donné son témoignage lors d’une rencontre organisée sur le thème « des champs de la mort au pardon ». Né au Cambodge, émigré en Thaïlande après la fin du régime génocidaire, puis au Canada où il s’est converti au christianisme, il a évoqué un « processus de guérison long et douloureux » avant de parvenir à pardonner et à se libérer d’une « prison de haine, de colère et de vengeance ».

Sokreaksa Himm (à droite), un survivant du régime Khmer Rouge, lors d’une rencontre avec un des anciens soldats responsables de l’assassinat de sa famille.

« Comprenez bien que ce que je vous partage, ce n’est pas une méthode ou une théorie sur le pardon – c’est juste ce dont j’ai fait l’expérience personnellement en apprenant à pardonner », confie Sokreaksa Himm, âgé de 59 ans, un chrétien canadien né au Cambodge. Ce survivant des Khmers Rouges, qui a assisté au massacre de sa famille par le régime génocidaire, évoque un parcours extrêmement long et difficile avant de parvenir à pardonner l’impardonnable.

Le 11 mars dans une église méthodiste de Kuching, capitale de l’État malaisien de Sarawak (Bornéo), il a partagé son « expérience inimaginable » avec plusieurs dizaines de fidèles, selon le journal local The Borneo Post. La rencontre était organisée sur le thème « Une matinée avec Sokreaksa Himm : des champs de la mort au pardon ». L’événement faisait partie d’une série de sessions organisées avec lui dans plusieurs églises chrétiennes de la région.

« Le processus de guérison a été très long et douloureux »

« Il m’a fallu de nombreuses années avant de pouvoir m’en sortir. Le processus de guérison a été très long et douloureux », a-t-il expliqué. La guérison est venue plus de quatre décennies après sa fuite du Cambodge, après avoir échappé de peu à la mort en laissant derrière lui treize membres de sa famille, tués par les soldats Khmers Rouges.

Il a raconté qu’il avait seulement 11 ans quand les Khmers Rouges ont pris leur ville de Siem Reap, dans le nord-est du Cambodge, en 1975. Sa famille a été forcée d’emporter trois jours de nourriture et de fuir vers la campagne, où ils ont survécu durant deux ans en travaillant comme ouvriers.

Les choses ont empiré en 1977 quand son père a été arrêté. Lui et sa famille ont été attaqués à coups de matraques et de machettes avant d’être exécutés un par un, puis jetés dans une fosse commune. Sokreaksa Himm s’en est sorti miraculeusement. Il est parvenu à sortir du charnier et à se cacher dans les herbes après le départ des soldats. Il est ensuite retourné sur la tombe pour pleurer durant trois jours et trois nuits, en jurant de se venger.

« Une nouvelle raison de rechercher les meurtriers : pour leur pardonner »

La campagne meurtrière des Khmers Rouges a continué, et le nombre de décès dus aux tueries, à la famine et à la maladie est estimé à près de 2 millions de personnes. Le régime a été renversé après l’invasion du Cambodge par le Vietnam en 1979. Sokreaksa Himm est alors retourné vivre en ville avec sa tante, mais sa vie était difficile et il souffrait de troubles psychologiques, dont des troubles post-traumatiques. Il a continué d’étudier jusqu’à rejoindre les rangs de la police, en grande partie pour honorer sa promesse de se venger de l’assassinat de sa famille.

Toutefois, cela ne s’est pas concrétisé, et il a été forcé de fuir en Thaïlande par la jungle, en évitant les mines laissées par la guerre civile. Il a passé cinq ans dans un camp de réfugiés avant d’émigrer au Canada. Il est ensuite devenu chrétien en Amérique du Nord après avoir « découvert la foi dans le Christ ».

Sa conversion a été un événement majeur dans sa vie, qui lui a donné « une nouvelle raison de rechercher les meurtriers : pour leur pardonner », a-t-il témoigné. Il a souligné qu’après des années d’étude de la Bible et de communion avec Dieu, il a commencé à mener une nouvelle vie, sans pour autant parvenir à se libérer de sa « prison de haine, de colère et de vengeance ».

Le début d’une nouvelle mission

Peu à peu, il a compris que « la miséricorde est vraiment divine » et qu’il devait trouver une façon de pardonner à ceux qui avaient tué ses parents et ses frères et sœurs, « avant que la rancœur ne finisse par me détruire ». « Quand on a été profondément blessé, ce n’est pas facile de pardonner, mais on peut apprendre de Jésus qui a pardonné à ceux qui l’ont crucifié ».

Cela a marqué le début d’une nouvelle mission. Il a non seulement pardonné à ceux qu’il haïssait, mais il a aussi commencé à voyager à travers le monde pour raconter son histoire. La rencontre de Kuching, à Bornéo, fait partie de son troisième voyage. « Je donne mon témoignage en espérant que les gens apprennent de mon expérience, que cela les encourage à guérir de leurs propres blessures. J’espère que cela aura une influence sur leur vie, pour qu’ils parviennent à s’en sortir », confie-t-il, aujourd’hui père de deux enfants.

Il est également retourné au Cambodge où il a financé des constructions d’écoles et d’églises. Il a trouvé et rencontré deux des anciens soldats Khmers Rouges qui ont participé à l’assassinat des membres de sa famille. Beaucoup de gens pensaient qu’il se vengerait quand ils ont entendu parler de la rencontre. « À la surprise de la plupart des villageois, j’ai serré la main des deux hommes et je leur ai pardonné », explique-t-il. Il a écrit trois livres, intitulés Les larmes de mon âme, Après la lourde pluie et Berger de mon âme.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Golden Apple Silver Setting / Ucanews