Les autorités religieuses du pays et les représentants d’ONG et associations engagées au Kachin ont vivement critiqué la condamnation de trois militants de l’État Kachin à six mois de prison, pour avoir manifesté contre le traitement subi par les civils face à l’armée birmane. Le père Peter Hka Awng Tu, curé de la cathédrale Saint-Columban de Myitkyina, la capitale de l’État, confie que les civils subissent injustement les conséquences de combats au Kachin contre les rebelles indépendantistes, et que la condamnation des militants en question est injustifiée. « C’est inquiétant concernant la liberté d’expression et l’État de droit, des piliers de la démocratie », ajoute le père Awng Tu. Le prêtre affirme que plusieurs centaines de catholiques et de baptistes comptaient participer à une manifestation le 11 décembre à Myitkyina, afin de protester contre l’arrestation des trois militants. Le révérend Hkalam Samson, président de la convention baptiste Kachin (KBC), remet en question l’indépendance du pouvoir judiciaire. « Cela montre bien que l’armée peut faire ce qu’elle veut, et que la justice est incapable de s’opposer à l’influence des militaires, qui jouent encore un rôle majeur dans la politique birmane », poursuit le prêtre.
120 000 déplacés internes depuis 2011
Le 7 décembre, la cour de Myitkyina a condamné les militants pour diffamation contre l’armée. En plus d’une peine de prison, chacun d’eux a été condamné à verser une amende de 500 000 kyats (320 dollars). Lum Zawng, Nang Pu et Zau Jat ont pourtant organisé des manifestations pacifiques en avril au Kachin, contre le sort subi par des milliers de civils coincés dans la jungle à cause des combats entre l’armée birmane et l’Armée pour l’indépendance Kachin (KIA). Plusieurs ONG internationales ont appelé le gouvernement à annuler les condamnations et à libérer les trois hommes immédiatement. Phil Robertson, directeur adjoint d’Human Rights Watch pour l’Asie, a déclaré que l’armée a eu recours, une fois de plus, aux lois pénales sur la diffamation afin de faire taire ceux qui s’opposent à ses actions. « En condamnant des militants qui ont simplement appelé à venir en aide aux civils victimes des combats, l’armée montre toute son intransigeance face aux accusations d’abus », a poursuivi Phil Robertson. Tirana Hassan, d’Amnesty International, se dit consterné par le verdict : « C’est un signe alarmant pour tous les volontaires et militants humanitaires qui veulent dénoncer la brutalité de l’armée birmane au Kachin et dans l’État Shan. »
Les ambassades américaines et britanniques, la délégation de l’Union européenne et plus de 500 organisations engagées dans le pays ont également appelé à la libération des trois hommes. Rien qu’en avril, plus de 7 400 personnes ont dû fuir les combats qui se poursuivent dans huit localités, dont Tanai, Ingyanyang et Kpakant. Depuis, elles se sont réfugiées dans des églises catholiques et baptistes. La reprise des combats au Kachin, depuis 2011, après un cessez-le-feu de 17 ans, a entraîné la fuite de plus de 120 000 personnes, qui se sont réfugiées dans 179 camps installés pour les « déplacés internes » des États Kachin et Shan. La majorité de la population du Kachin, qui compte 1,7 million d’habitants, est chrétienne, dont 116 000 catholiques.
(Avec Ucanews, Mandalay)
CRÉDITS
Ucanews