Eglises d'Asie

Un groupe de musique pakistanais organise un concert de Noël en appelant à l’harmonie interreligieuse

Publié le 24/12/2021




Ce dimanche 19 décembre, un groupe de musique de la province du Pendjab, dans le nord du Pakistan, a organisé un concert de Noël gratuit dans un village du district d’Okara, à 119 km de Lahore, comptant près de 350 familles chrétiennes. L’événement fait partie d’une « campagne musicale pour la paix », lancée par le groupe Laal en 2016. Taimur Rehman, guitariste et meneur du groupe, explique que « cette campagne hérite des soufis qui ont joué leur poésie et leurs chants de village en village durant des siècles ». « Pour moi, c’est un retour aux racines », explique-t-il.

Le groupe Laal, le 19 décembre lors d’un concert de Noël au lycée Al Qalm, dans un village du Pendjab.

Ils préfèrent les villages et les écoles aux stades bondés, leurs publics sont majoritairement composés d’ouvriers et de briquetiers, et leurs chansons sont inspirées des poètes soufis. De plus, leurs concerts sont gratuits. Ils forment le groupe Laal, l’unique groupe de rock à organiser des concerts de Noël, depuis 2016 dans la province pakistanaise du Pendjab. Taimur Rehman, premier guitariste du groupe, a prévu d’organiser sept concerts durant cette saison de Noël.

Le matin du 19 décembre, plus de 400 villageois de Chak 11 4L, dans le district d’Okara (Pendjab), se sont rendus au lycée pour filles d’Al Qalm pour assister à l’un de ces concerts. Parmi eux se trouvait Emmanuel Masih, âgé de 70 ans, visiblement excité, qui attendaient avec impatience d’assister au premier concert de Noël jamais organisé dans son village. « C’est le premier concert en live auquel nous avons jamais assisté. Les enfants ont préparé l’événement toute la semaine en cherchant des chapeaux de père Noël et en répétant des chorégraphies », explique-t-il. Toute sa famille est venue assister au spectacle. « Pour nous, Noël est venu en avance cette année », ajoute-t-il.

Le village est situé à environ 119 km de Lahore et compte près de 350 familles chrétiennes. Des banderoles de bienvenue affichaient des photos de prêtres de la région, dont le père Bonnie Mendes, ancien secrétaire général de la Commission nationale pour la justice et la paix de la Conférence épiscopale pakistanaise, ainsi que du guitariste Taimur Rehman, qui est également secrétaire général du parti Mazdoor Kissan (Ouvriers et Fermiers).

Un appel à l’harmonie interreligieuse

L’événement musical a été lancé avec des lectures de passages de la Bible et du Coran. Des étudiants ont également entonné des chants chrétiens et récité le naat (un hymne au prophète Mohammed). « Nous sommes frères et sœurs et nous faisons partie d’une grande famille. Jésus-Christ et le prophète Mohammed ont tous deux parlé pour toute l’humanité. Attention aux semeurs de haine », a commenté Taimur Rehman.

Celui-ci a conclu son intervention avec des slogans défendant les droits des fermiers, notamment « Jehra Wahway, Ohee Khavay » (« Ceux qui labourent la terre doivent récolter la moisson »). Okara fait partie des dix districts de la province du Pendjab qui peinent à défendre les droits de propriété des récoltants, depuis que le Pakistan a été fondé en 1947. Ainsi, 27 000 hectares de terres agricoles appartiennent actuellement aux militaires. Les fermiers de près de 22 villages alentour ont labouré la terre durant des générations.

« Nous les remercions d’avoir tendu la main aux chrétiens »

En 2018, Emmanuel Masih a été emprisonné pour avoir refusé de céder son terrain aux militaires. Il a été libéré quatre mois plus tard. « C’était une question de vie ou de mort. Taimur Rehman a mobilisé les gens et nous formons aujourd’hui une force politique. Avec une seule guitare, il a visité une dizaine de villages. » En 2000, les militaires ont changé la nature de leur bail agricole, en réduisant les métayers au rang de simples fermiers sans droit d’occupation. Deux décennies plus tard, Taimur Rehman et son groupe sont accueillis avec enthousiasme.Bas du formulaire

Les concerts de Noël font partie d’une « campagne musicale pour la paix », lancée par Laal en 2016. Cette année-là, le groupe a organisé plus de 300 concerts. « Cette campagne est la fois nouvelle et ancienne, car elle hérite des soufis qui ont joué leur poésie et leurs chants de village en village durant des siècles. Pour moi, c’est un retour aux racines », confie Taimur Rehman. Il incite également l’Église locale à engager des artistes populaires afin de répandre un message d’harmonie interreligieuse.

« L’Église doit inviter des musiciens et des sportifs. Ces célébrités peuvent amplifier encore plus ce message sur les réseaux sociaux », ajoute-t-il. Le père Mendes, qui a assisté à un autre concert du groupe dans un village de la région la semaine dernière, leur souhaite de réussir. « Laal est passé des droits de l’homme à la lutte pour l’harmonie interreligieuse. Leurs chants nous inspirent. Nous les remercions d’avoir tendu la main aux chrétiens qui vivent en marge de la société pakistanaise », salue-t-il.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Kamran Chaudhry / Ucanews