Eglises d'Asie

Un moine bouddhiste de Mandalay sélectionné par le Centre Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux

Publié le 14/02/2023




Ashin Mandalarlankara, un jeune moine birman de Mandalay, est le premier bouddhiste à avoir été sélectionné par le Centre Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux, à Rome, dans le cadre d’un programme spécial qui a déjà formé près de 130 jeunes leaders de 40 pays différents depuis la création du centre en 2008. « En Birmanie, nous avons vécu trop longtemps sans nous comprendre les uns les autres, chacun dans sa propre communauté », confie-t-il, en espérant sensibiliser la population une fois de retour dans son pays.

Ashin Mandalarlankara, un jeune moine bouddhiste birman a été sélectionné cette année pour étudier au Centre Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux à Rome.

Deux années se sont écoulées depuis que la junte birmane a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi avant de réprimer brutalement le mouvement de résistance à Rangoun et dans le reste du pays. Très rapidement, les premières tensions se sont transformées en véritables conflits armés, et près de 3 000 civils ont été tués à ce jour, sans compter des destructions importantes et environ un million et demi de personnes déplacées internes dans les régions ravagées par les combats entre l’armée et les milices ethniques locales.

Ashin Mandalarlankara, un jeune moine bouddhiste birman de l’école theravada, a expérimenté tout cela. Il y a quelques mois, il a quitté la ville de Mandalay pour venir étudier le dialogue interreligieux à Rome. « En Birmanie, nous avons vécu trop longtemps sans nous comprendre les uns les autres, chacun dans sa propre communauté. Cela aussi a rendu les conflits possibles. Et les militaires ont attisé les flammes de ces divisions », explique-t-il.

Ashin est le premier bouddhiste à avoir été sélectionné par le Centre Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux, créé en 2008 dans le cadre d’un partenariat entre la fondation juive Russell Berrie et l’Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin (Angelicum) à Rome, administrée par l’ordre dominicain. Chaque année, une douzaine de personnes sont sélectionnées à travers le monde pour participer à un programme spécial à l’université Angelicum.

« Cette expérience m’aide à mieux comprendre les autres communautés »

Depuis la fondation du centre il y a presque 15 ans, près de 130 jeunes leaders issus de 40 pays différents ont participé à ses activités. Cette année, Ashin Mandalarlankara faisait partie des personnes choisies. « Pour moi, ce n’est pas une tâche facile. Les écarts linguistiques et culturels dans l’étude des religions monothéistes sont tangibles. J’essaie de comprendre les différences et les similitudes avec le bouddhisme, sans tout mélanger. Mais par-dessus tout, cette expérience m’aide à mieux comprendre les autres communautés qui vivent à côté des bouddhistes en Birmanie », confie-t-il.

Le jeune moine assure cependant que le dialogue n’est pas une expérience nouvelle pour lui. Né dans un petit village, il a déjà eu l’opportunité, à Mandalay, de nourrir ce désir de rencontrer d’autres traditions religieuses. En 2015, il a ainsi participé à un autre programme à Vienne, organisé par le centre KAICIID (Centre international Roi Abdullah Bin Abdulaziz pour le dialogue interreligieux et interculturel), soutenu par l’Arabie Saoudite.

Une fois de retour dans son pays, il a lancé différentes initiatives afin de sensibiliser les jeunes bouddhistes, musulmans, chrétiens, hindous et bahaïs en Birmanie. Aujourd’hui, les combats provoqués par le coup d’État militaire il y a deux ans ont fait du dialogue interreligieux un enjeu encore plus important dans le pays.

« Les gens sont en colère et ils ont beaucoup de questions sur la religion »

« Nous avions la démocratie, mais les militaires conservaient le pouvoir économique », explique Ashin. « L’armée a aussi cherché à manipuler les responsables religieux, bouddhistes et autres. Le résultat, c’est que cela accélère la sécularisation de la société – les religions sont moins attrayantes aux yeux de la population, et elles deviennent également moins capables d’unir les gens. Cela complique encore plus le conflit. »

Pour cette raison, le dialogue entre les communautés est plus urgent que jamais, et le jeune moine s’est particulièrement engagé à y travailler quand il retourna à Mandalay à la fin de cette année universitaire. Pour Ashin, « toutes les religions parlent de paix et de compassion ». « Elles ont toute une perspective humanitaire au cœur de leurs enseignements, mais l’essentiel est de ne pas se contenter de mots mais de transformer cela en actions concrètes », poursuit-il.

L’islamophobie est l’une des questions qu’il voudrait résoudre en Birmanie ; ainsi que celle des liens rapprochés entre ceux qui sont au pouvoir – qu’il s’agisse de l’armée ou des nombreuses milices ethniques – et les groupes commerciaux qui cherchent à exploiter les ressources du pays. « Les gens sont en colère et ils ont beaucoup de questions sur la religion. Certains se demandent ce que font les responsables religieux : s’ils se contentent d’étudier les textes sacrés, cette distance ne fera que grandir », estime le moine bouddhiste.

En attendant, les victimes des conflits internes ont pu trouver des portes ouvertes dans les monastères bouddhistes du pays, au cours des deux dernières années qui ont affecté lourdement la population. Ashin souligne qu’il y aura « un grand besoin de guérison » et que cela « nécessitera beaucoup de dialogue ». Un défi qu’il se dit prêt à relever une fois son séjour à Rome achevé.

(Avec Asianews)


CRÉDITS

Asianews