Eglises d'Asie

Un moine influent arrêté pour détournement de fonds

Publié le 22/10/2021




L’arrestation de Phra Khru Suthitarakapirak, accusé d’avoir collaboré avec des fonctionnaires corrompus pour détourner d’importants fonds destinés à une association caritative bouddhique, est la dernière d’une série d’affaires criminelles impliquant des moines et révélatrice de la crise morale qui traverse le clergé bouddhiste

Une procession de fidèles bouddhistes au temple de Wat Chedi Luang, le jour du festival religieux de Makha Bucha, en 2015.

Les autorités thaïlandaises ont procédé à l’arrestation d’un éminent moine bouddhiste, accusé d’avoir joué un rôle majeur dans le détournement d’une importante somme d’argent destinée à une organisation caritative bouddhiste.

Phra Khru Suthitarakapirak, abbé du temple de Wat Suthiwari dans la province de Chantaburi, a été accusé d’avoir travaillé de concert avec plusieurs hauts fonctionnaires locaux pour détourner environ 17 millions de bahts (500 000 dollars) de la Chanthaburi Buddha Monthon Foundation. Selon la police, les fonctionnaires et l’abbé ont empoché cette somme, provenant de donations des fidèles, après avoir falsifié le coût réel d’un bâtiment construit pour l’organisation caritative.

L’arrestation du bonze est la dernière d’une série d’affaires criminelles qui ont impliqué des moines et terni l’image du clergé bouddhiste dans cette nation d’Asie du Sud-Est où les moines sont tenus en haute estime.

L’année dernière, Phanom Sornsilp, ancien chef du Bureau National du Bouddhisme, a été condamné à 94 ans de prison après avoir été reconnu coupable d’avoir détourné des fonds alloués à 30 temples bouddhiques. Il avait agi pendant plusieurs années avec la complicité de plusieurs moines haut placés qui ont également bénéficié financièrement de la fraude. 300 millions de bahts (9 millions de dollars) ont été détournés des fonds des temples, selon la police.

« Ce scandale national a eu le mérite de révéler des abus de pouvoir au plus haut niveau de la hiérarchie des affaires religieuses, estime Thanthip Srisuwannaket, chercheuse à l’Institut de recherche sur le développement de la Thaïlande. La pratique du détournement des dons aux temples est courante dans tout le pays. »

Dans une autre affaire très médiatisée qui avait provoqué l’indignation nationale, un ancien moine bouddhiste, Luang Pu Nenkham Chattiko, a été condamné à 114 ans de prison en 2018 après avoir été reconnu coupable de fraude, blanchiment d’argent et d’autres crimes. En 2013, le religieux avait commencé à solliciter des dons pour un projet de construction d’une copie du Bouddha d’émeraude, une statue particulièrement vénérée située dans l’enceinte du Grand Palais à Bangkok. L’argent des fidèles avait en fait été utilisé pour financer son train de vie dispendieux, y compris l’achat de plusieurs voitures de luxe.

L’homme, dont le nom civil est Wirapol Sukphol, a également été accusé de pédophilie. Il a fui aux États-Unis avant de se faire arrêter puis extrader vers la Thaïlande.

Au mois d’avril 2021, des nonnes bouddhistes ont également été accusées d’avoir escroqué plusieurs centaines de personnes dans un centre de méditation près de Bangkok, par le biais d’un système d’investissement pyramidal.

Les religieuses avaient encouragé des centaines de personnes à investir dans un système en leur promettant des rendements élevés. Mais au lieu de tenir leurs promesses, les trois religieuses ont empoché au moins 10 millions de bahts (300 000 dollars), selon la police.

La grave crise morale traversée par le clergé bouddhiste est l’une des raisons de l’érosion de la foi du public et des traditions qui lui étaient attachées, incitant les Thaïlandais à réclamer plus de transparence financière de la part des autorités bouddhiques. « Les temples du pays sont confrontés à une grave érosion de la foi du public, en raison de la corruption endémique au sein d’un clergé fermé et opaque », analyse Thanthip Srisuwannaket. Elle appelle à une plus grande transparence financière dans les 41 000 temples bouddhiques de Thaïlande, où les fonds alloués par l’État et les dons privés sont souvent dépensés sans justification transparente. Selon elle, les temples « devraient faire appel à des comptables professionnels » et « soumettre un système complètement fermé à des audits externes ».

Dans une déclaration publiée par l’Institut de Recherche sur le Développement de Thaïlande, elle ajoute que « si la corruption corrode la foi religieuse, la transparence financière est le remède ».