Eglises d'Asie

Un nouveau projet de loi inquiétant pour les ONG engagées au Bangladesh

Publié le 10/07/2019




Les ONG engagées au Bangladesh protestent contre une nouvelle loi considérée comme paralysante. Les organisations pourraient ainsi être forcées de composer avec des banques publiques souvent mal gérées et corrompues, et de faire face à des pressions cherchant à réprimer toutes les voix opposées à la politique du gouvernement. Ces dernières semaines, de nombreuses ONG locales et internationales ont organisé des manifestations afin d’appeler au retrait de plusieurs sections de la loi 2019 sur l’enregistrement et le contrôle des organisations caritatives (Volunteer social welfare organizations Act 2019).

Au 24 juin, on comptait au Bangladesh 2 472 ONG internationales et locales parrainées par des financements étrangers, et on trouvait 2 271 ONG nationales et 253 organisations étrangères enregistrées auprès de diverses agences nationales. Sur près de 160 millions d’habitants, un tiers de la population bangladaise vit en dessous du niveau de pauvreté. Les ONG sont engagées sur de nombreux terrains : éducation, santé, lutte contre la pauvreté, microfinance, protection de l’environnement, formation professionnelle, droits des femmes et sensibilisation sur les droits de l’homme… L’ONG anticorruption Transparency International assure que plus de 30 % des projets de développement dans le pays sont issus du secteur non gouvernemental, ajoutant que ce rôle est crucial pour permettre au Bangladesh d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) définis par l’ONU.

Inquiétude des ONG face à une possible répression

Khushi Kabir, coordinatrice de l’ONG Nijera Kori, engagée contre la pauvreté au Bangladesh, explique : « Nous sommes extrêmement inquiets et frustrés, parce que nous constatons que les autorités ont ignoré nos revendications. Pendant des années, nous avons travaillé sans cesse pour le développement de notre pays, en agissant toujours au service du gouvernement et jamais contre les intérêts de l’État. » Khushi Kabir ajoute qu’une partie des nouvelles lois étudiées est formulée de façon tellement vague que cela risque de favoriser les abus. Des milliers d’ONG déjà enregistrées sous les lois actuelles seraient obligées de s’enregistrer à nouveau sous la nouvelle loi, et le nombre de districts où une ONG peut agir risque d’être limité. Si l’État estime qu’une ONG a enfreint les règles, l’enregistrement de l’organisation, renouvelé tous les cinq ans, peut être rejeté à tout moment, et le comité exécutif de l’ONG peut être remplacé par un comité de cinq membres nommé par le gouvernement. Les ONG devraient également soumettre des plans d’action annuels, des audits et des rapports d’activité. Elles devraient envoyer des relevés bancaires envoyés aux autorités tous les trois mois, et elles seraient forcées d’être financées via des banques appartenant à l’État.

Malheureusement, la plupart de ces banques sont accusées de corruption et de mauvaise gestion, qui entraînent souvent des manques de liquidités. De plus, face aux pressions cherchant à réprimer les ONG, celles-ci seraient empêchées de lancer des poursuites civiles ou pénales contre des mesures punitives décidées par le gouvernement. Shamsul Huda, directeur général de l’Association pour la réforme territoriale et le développement, confie que le projet de loi s’inscrit dans la lignée de la stratégie de la Ligue Awami au pouvoir, anticonstitutionnelle, qui cherche à cibler les critiques et l’opposition. Il ajoute que des médias ont déjà subi des pressions dans le cadre de la loi sur la cybersécurité (Digital Security Act). Francis Atul Saker, directeur du développement pour la Caritas bangladaise, pense que le gouvernement ne devrait pas adopter une position aussi « extrême » pour le contrôle des ONG. Il affirme que la nouvelle loi pourrait être utilisée pour empêcher des organisations civiles de prendre la parole contre les abus commis par les autorités. Ershad Ehsan Habib, secrétaire général adjoint du ministère des Affaires sociales, explique que le projet de loi est en cours de révision par le gouvernement afin d’étudier une éventuelle reformulation. « Nous avons pris en compte les réactions de divers acteurs », assure-t-il, affirmant que le gouvernement était prêt à écouter l’opinion publique, y compris celle des ONG concernées.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews