Eglises d'Asie – Thaïlande
Un nouveau rapport mondial dénonce le manque de libertés civiles et politiques en Thaïlande
Publié le 06/03/2021
La Thaïlande, autrefois considérée comme un exemple de démocratisation en Asie du Sud-Est, a été classée comme pays « non libre » par l’organisation Freedom House, dans son dernier Rapport mondial notant les pays selon leur niveau de libertés politiques et civiles. Depuis le dernier rapport de l’ONG, le statut de la Thaïlande a été dégradé de « partiellement libre » à « non libre », surtout en raison de la répression du mouvement pro-démocratie par les autorités locales. L’organisation a expliqué que le changement du statut de la Thaïlande « est dû à la dissolution d’un parti de l’opposition qui a obtenu de bons résultats au cours des élections de 2019, et à la répression des jeunes manifestants pro-démocratie par le gouvernement militaire ». L’an dernier, le nouveau parti Future Forward, qui avait une solide base électorale, a été dissous par un tribunal. Les dirigeants du parti, dont son fondateur, ont été interdits d’activité politique durant dix ans.
« En 2020, les déceptions et les frustrations démocratiques concernant le rôle de la monarchie thaïlandaise ont suscité le plus grand mouvement anti-gouvernement depuis une décennie », a rappelé l’ONG américaine. « En réponse à ces jeunes manifestants, le régime a eu recours à des manœuvres autoritaires classiques, y compris des arrestations arbitraires, des menaces et des accusations de crime de lèse-majesté. La liberté de la presse a été contenue, et des crimes ont été commis contre les manifestants en toute impunité. » Sur une échelle de 0 à 100 concernant les libertés civiles et politiques, la Thaïlande a reçu la note de 30, ce qui la classe dans le dernier tiers aux côtés de pays comme la Birmanie, le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Le statut « non libre » de la Thaïlande est particulièrement significatif quand on considère que le pays était autrefois acclamé pour une modernisation rapide et pour son processus de démocratisation.
Inégalités et corruption
« Dans les années 1990, la Thaïlande avait acquis une réputation de démocratie sud-est asiatique émergente, qui respectait la liberté d’expression. Ce n’est plus le cas », commente l’organisation Human Rights Watch. Durant les deux dernières décennies, deux coups d’État militaires, survenus en 2006 et 2014, ont conduit à renoncer à des réformes démocratiques clés dans un pays réellement dirigé par un triumvirat : la monarchie, une oligarchie puissante et l’armée. Par ailleurs la Thaïlande est considérée comme un des pays aux plus fortes inégalités économiques – les 1 % les plus riches possèdent les deux tiers des richesses du pays, selon la banque d’investissement du Crédit Suisse. Le gouvernement militaire du Premier ministre Prayut Cha-o-cha, ancien général thaïlandais, a également été accusé de corruption et de mauvaise gestion.
« La législation anticorruption de la Thaïlande n’est pas appliquée comme il le faudrait, et les pratiques comme les cadeaux et les pots-de-vin sont courants dans les milieux des affaires et dans le processus législatif. Presque sept ans de régime militaire ont entraîné une augmentation de la pauvreté dans le pays », assurait aussi la Banque mondiale dans un rapport publié l’an dernier. « Cette augmentation a été générale en 2018, et remarquée dans toutes les régions et dans 61 provinces sur 77. » L’an dernier, en raison de la pandémie, la situation a encore empiré, alors que plusieurs millions de Thaïlandais ont perdu leur travail. L’inégalité économique et le manque de libertés ont suscité une insatisfaction massive de la population, qui a réagi avec un mouvement pro-démocratie de grande ampleur. De nombreux militants, y compris des mineurs, ont été arrêtés et accusés de crimes sérieux, et notamment de sédition et de diffamation royale.
(Avec Ucanews, Bangkok)
CRÉDITS
Ucanews