Eglises d'Asie – Birmanie
Une centaine de prisonniers politiques à nouveau arrêtés, immédiatement après leur amnistie par la junte
Publié le 23/10/2021
Plusieurs organisations locales et internationales ont condamné la réarrestation de prisonniers politiques, qui avaient pourtant été libérés quelques jours plus tôt lors d’une amnistie. Le 18 octobre, à l’occasion du festival bouddhiste de Thadingyut, le général Min Aung Hlaing, dirigeant du pays de facto depuis le coup d’État du 1er février, a annoncé l’amnistie de 4 320 personnes accusées et détenues pour leur rôle dans les manifestations civiles contre la junte, avec 1 316 autres détenus libérés « par respect pour la cause humanitaire ». Beaucoup de prisonniers libérés ont dû signer un papier déclarant qu’ils renonceraient à toute activité politique une fois amnistiés. Mais selon l’association AAPP (Assistance Association for Political Prisoners), certains détenus ont été libérés puis à nouveau arrêtés de façon cynique, dès leur arrivée chez eux.
Plus de cent prisonniers politiques ont été à nouveau arrêtés et emprisonnés. D’autres, qui avaient appris qu’ils étaient sur la liste des détenus libérés, ont été emmenés à l’entrée de leur prison, seulement pour être à nouveau emprisonnés avec des accusations supplémentaires. « La réarrestation de détenus tout juste libérés est une forme de torture physique et mentale, et pas seulement pour les prisonniers politiques mais aussi pour leurs familles », a dénoncé l’organisation dans une déclaration, publiée le 21 octobre. Selon l’AAPP, au moins 1 183 personnes ont été tuées et plus de 9 000 ont été arrêtées par la junte depuis le coup d’État. Au mois de juin 2021, la junte militaire avait également libéré plus de 2 000 manifestants, mais beaucoup de militants et de journalistes, dont Danny Fenster, un Américain arrêté le 24 mai, sont toujours détenus
Un geste cynique pour tenter d’apaiser la pression internationale
De son côté, l’organisation Human Rights Watch (HRW) a également condamné la façon dont l’amnistie a été menée, en soulignant que les dernières libérations de prisonniers politiques sont limitées et qu’elles ne reflètent pas un véritable changement d’état d’esprit de la part des militaires birmans concernant le respect des droits de l’homme. « La libération partielle de détenus accusés à tort ne devrait pas nous détourner du régime clairement abusif de la junte, ce qui n’a pas changé », a déploré Linda Lakhdhir, conseillère juridique d’HRW pour l’Asie, dans un communiqué publié le 21 octobre.
« Certains de ceux qui ont été libérés ont déjà été à nouveau arrêtés. La junte doit libérer tous ceux qui ont été arrêtés à tort depuis le coup d’État, y compris les personnalités politiques, et mettre fin à toutes les arrestations arbitraires. » Selon les organisations et médias locaux, à Meikhtila dans le centre du pays, 11 personnes sur 38 détenus libérés ont été réarrêtées immédiatement après leur libération et encourent de nouvelles accusations dans le cadre de la loi antiterrorisme. Parmi elles, on compte un membre de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), le parti de l’ancienne dirigeante Aung San Suu Kyi (qui se trouve toujours détenue au secret et continue de faire face à un certain nombre d’accusations de la part de la junte).
HRW a appelé les gouvernements concernés à renforcer les mesures économiques imposées contre les militaires, leurs dirigeants et leurs nombreuses activités commerciales, afin de les couper des sources étrangères de revenus, dont une grande partie est placée dans des banques à l’étranger. « Les libérations semblent être un geste cynique afin de tenter d’apaiser une pression internationale grandissante, appelant à imposer des sanctions contre la junte et ses généraux », poursuit Linda Lakhdhir. La dernière amnistie menée par le régime militaire est survenue seulement trois jours après l’exclusion de la junte par l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est).
L’Asean a ainsi abandonné sa politique de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays membre afin d’empêcher les dirigeants birmans de participer au sommet régional du 26 au 28 octobre. Le régime a rencontré une forte résistance de la part de nouvelles milices et de la part des groupes ethniques armés, à l’intérieur du pays. De leur côté, les États-Unis, le Royaume Uni et l’Union européenne ont appelé l’Asean à imposer des sanctions et une pression diplomatique. Christine Schraner Burgener, envoyée spéciale des Nations unies pour la Birmanie, a averti que le pays, qui continue de faire face à des conflits internes armés, pourrait devenir un « État en faillite » si le pouvoir n’est pas rendu au peuple d’une manière démocratique.
(Avec Ucanews et Asianews)