Eglises d'Asie – Birmanie
Une nouvelle école maternelle ouverte pour les habitants d’une décharge d’Insein, en périphérie de Rangoun
Publié le 11/06/2022
Malgré les difficultés traversées par la population birmane depuis un an et demi, le pays ne manque pas d’initiatives de solidarité comme un nouveau projet appelé Golden Beehive (« Ruche dorée »). Cette école maternelle, créée par l’organisation New Humanity International (fondée en 2019 par les missionnaires PIME), est ouverte aux enfants de 4 ans qui vivent près d’une décharge à Insein, un canton en périphérie de Rangoun, l’ancienne capitale birmane.
« L’image de la ruche, plus que toute autre, véhicule particulièrement l’idée des soins et de l’accompagnement. Les futures reines doivent en effet attendre au moins 21 jours avant de pouvoir quitter leurs alvéoles, tandis qu’on s’occupe d’elles et qu’elles sont nourries avec de la gelée royale », explique le père José Magro. « Nous avons aussi choisi le doré parce que c’est la couleur de la Birmanie, la terre dorée du bouddhisme », ajoute le missionnaire brésilien, PIME, qui travaille aux côtés de New Humanity International.
L’idée de l’école maternelle lui est venue au contact de la communauté locale. « Je fais mes courses dans un grand marché près de chez moi. Les habitants survivent au jour le jour, en vendant ce qu’ils peuvent trouver dans la décharge ou en travaillant dans une usine, mais sans certitude quant au lendemain. Même s’ils gagnent quelque chose un jour, ils ignorent de quoi sera fait le jour suivant. » Près de 350 familles vivent autour de la décharge d’Insein, située dans un quartier où se trouve aussi un vaste établissement pénitentiaire. La plupart d’entre elles sont venues ici après le passage de la tempête Nargis en 2008, qui a causé la mort de près de 138 000 personnes.
60 enfants après un mois et demi d’ouverture
Au marché, le père José a échangé avec les gens qui ont fini par l’inviter chez eux. En partageant le thé ou en mangeant du riz avec eux, il a eu l’idée d’une école pour les enfants qui passent la plupart de leurs journées seuls dans la décharge quand leurs parents travaillent. Depuis que l’école Golden Beehive a ouvert il y a plus d’un mois, 60 enfants ont déjà été accueillis, la moitié le matin entre 8h et midi, les autres l’après-midi jusqu’à 16h. Six enseignants sont chargés des cours et des jeux, et deux autres ramènent les enfants chez eux et échangent avec les parents pour vérifier s’ils ont des problèmes à évoquer.
Au début, les familles se sont montrées méfiantes. « En général, quand les enseignants viennent voir les parents, c’est pour leur dire que leurs enfants se sont mal comporté », précise le père José. « Mais ils se sont ouverts peu à peu pour que nous comprenions s’il y a des situations difficiles et si nous pouvons faire quelque chose pour aider également les parents. » Il explique notamment qu’il y a quelques jours, un homme de 27 ans a quitté sa femme de 24 ans et leur fils de 4 ans. « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider la mère et l’enfant. Malheureusement, l’alcool est aussi un problème majeur ; une petite flasque coûte moins cher qu’une bouteille de lait. »
Accès difficile à la santé et à l’éducation
En parlant avec les parents, les enseignants ont constaté que les familles ne peuvent donner qu’un repas par jour aux enfants. L’école maternelle fondée par New Humanity International leur offre donc le repas de midi, avec de la viande ou des œufs, ce que les familles peuvent difficilement se permettre. Le but de l’école est aussi d’amener les familles à enregistrer les enfants auprès des autorités. De fait, ceux qui vivent sur la décharge n’ont pas de papiers, et n’existent donc pas aux yeux du gouvernement. « Certains jeunes vivent ici depuis presque 20 ans et ne connaissent pas leur date de naissance », regrette le père José. Sans papiers, ils n’ont accès ni aux soins ni à l’éducation.
Un médecin volontaire et une infirmière ont vu tous les jeunes patients à l’école Golden Beehive. « Le médecin a décidé d’examiner une femme qui a un grave problème de thyroïde et qui doit être opérée. Mais comme personne n’a les moyens de se rendre dans une clinique ou de visiter un dentiste, ils ne visitent aucun soignant. »
La solidarité fait tenir bon la Birmanie malgré ses épreuves, un pays dévasté par 16 mois de guerre civile. « À Rangoun, il y a plusieurs institutions gouvernementales, et il n’y a pas de conflit ouvert comme à Shan, au Kachin ou dans les régions rurales du pays. Occasionnellement, on entend parler d’une explosion ou de la mort d’un chef de communauté ayant travaillé avec la junte, mais après la vie suit son cours comme d’habitude », poursuit le prêtre. « Malgré toute cette situation, nous encourageons les familles à envoyer leurs enfants à l’école, pour qu’ils puissent continuer d’étudier ; sur la décharge, ils n’ont aucune chance. »
Comme une véritable ruche, Golden Beehive devient un refuge contre les atrocités de la guerre. « Nous allons développer nos activités au centre, avec des écoles du samedi et du dimanche pour les autres enfants », explique le père José. « Ces familles ne savent pas que nous sommes prêtres, et nous ne leur disons pas, parce qu’elles ne comprendraient pas », précise-t-il. « Cependant, nous sommes heureux de vivre en portant ce témoignage. »
(Avec Asianews)
CRÉDITS
Asianews