Eglises d'Asie

Une trêve de Noël pour les déplacés internes au Kachin

Publié le 15/01/2019




Malgré la poursuite des combats dans les États Kachin et Shan, dans le nord du pays, entre l’armée birmane et les milices armées dont l’Armée pour l’indépendance Kachin (KIA), les militaires ont annoncé, le 21 décembre, un cessez-le-feu de quatre mois. L’accalmie ne concerne pas, pourtant, les combats qui se poursuivent dans l’État d’Arakan (Rakhine) contre l’Armée d’Arakan. Les chrétiens, qui sont majoritaires au Kachin, ont pu célébrer des fêtes sans violences ni troubles majeurs cette année. Mgr Raymond Sumlut Gam, évêque de Banmaw, s’en réjouit et encourage la population à rester confiants.

Des milliers de déplacés internes (IDP) vivant dans l’État Kachin, majoritairement chrétien, ont pu vivre un temps de Noël paisible, sans devoir supporter les bruits des combats dans cette région régulièrement troublée par les violences. Beaucoup craignaient de nouvelles tensions entre les milices séparatistes armées et l’armée birmane. Cette époque de l’année s’accompagne souvent de combats entre les deux camps ; dans le passé, à la même saison, des tirs de mortier sont déjà tombés à proximité des camps des déplacés internes… « Cette saison a été très paisible, et beaucoup de gens ont pu se rendre à la messe et célébrer Noël sans inquiétudes », se réjouit Mgr Raymond Sumlut Gam, évêque de Banmaw dans l’État Kachin, l’État birman situé le plus au nord du pays, près de la frontière chinoise. La Chine, dont les intérêts économiques au Kachin comprennent des projets de barrages et le marché du bois, a été vivement critiquée pour ingérence dans les affaires du pays, après avoir soutenu l’Armée pour l’Indépendance Kachin (KIA) et bloqué l’aide aux réfugiés. L’ONU affirme que l’armée birmane est elle aussi coupable d’avoir bloqué l’arrivée des aides d’urgence dans la région.

Le 23 décembre, Mgr Gam a entrepris une visite pastorale en se rendant dans trois paroisses du diocèse de Banmaw, dont six camps « IDP » (déplacés internes) situés près de Laiza, près de la frontière chinoise. « J’encourage les réfugiés à ne pas perdre espoir et à rester patients face à l’avenir. Je leur ai demandé de continuer à prier pour la paix », confie-t-il. « Beaucoup sont impatients de retourner chez eux, et nous l’encourageons en ce qui concerne les régions qui sont considérées comme sûres. » La Caritas birmane (Karuna) s’est attelée à un plan de relogement pour les déplacés internes des États Kachin et Shan, alors que beaucoup d’entre eux vivent dans les camps depuis l’été 2011. Les combats ont en effet repris en 2011 après 17 ans d’accalmie ; depuis, plus de 120 000 personnes se sont réfugiées dans 179 camps installés dans les deux États. Les violences troublent la région montagneuse depuis l’indépendance du pays en 1948. La majorité des 1,7 million d’habitants de la région sont chrétiens, dont 116 000 catholiques.

La clé pour un retour sans danger

Le mois dernier, à l’approche des célébrations de Noël, près de 17 familles déplacées sont retournées chez elles au village de Namsanyang, près de Laiza où se trouvent les quartiers généraux de la KIA. L’armée birmane a contribué à déminer le village et les autorités locales leur ont donné la permission de célébrer Noël ouvertement. Le 28 décembre, Mgr Francis Daw Tang, évêque de Myitkyina, a présidé une messe en présence de plusieurs prêtres et de plus de 700 catholiques. Mgr Tang affirme que les déplacés internes reviennent chez eux au compte-gouttes depuis l’année dernière, mais que certaines régions dangereuses sont encore interdites par l’armée. « Toutes les parties concernées – le gouvernement, l’armée, les groupes armés et les autorités religieuses – doivent travailler ensemble afin de permettre le retour des déplacés », demande Mgr Tang. L’évêque kachin ajoute que l’insécurité et les mines posent toujours un problème sérieux.

San Awng, catholique et membre du Peace-talk creation group (PCG) de Myitkyina, la capitale de l’État Kachin, explique que le premier groupe de 17 familles qui est revenu à Namsanyang ne représente seulement qu’une faible part des quelque deux mille foyers qui vivaient là avant la reprise des combats en 2011. « Cela prendra du temps pour que tous puissent revenir ; les conditions sur le terrain ne sont pas encore complètement revenues à la normale », prévient San Awng. Pour le révérend Hkalam Samson, président de la Convention baptiste Kachin, le retour des déplacés internes dépendra du progrès des pourparlers de paix entre les militaires et les séparatistes. « Ce serait plus sûr et plus digne si les deux parties pouvaient discuter ensemble en détail du retour des déplacés », poursuit Hkalam Samson.

Les Kachins toujours prudents

Le 21 décembre, l’armée birmane a annoncé un cessez-le-feu de quatre mois dans les États Kachin et Shan. L’annonce ne concernait pas l’État d’Arakan (Rakhine), où plus de 700 000 musulmans rohingyas ont fuit au Bangladesh en août 2017. Les combats se poursuivent toujours entre l’armée birmane et l’Armée d’Arakan. San Awng explique que la communauté kachin approuve le cessez-le-feu, mais qu’elle reste sur ses gardes après plusieurs années difficiles. « Il faut que la confiance puisse s’installer pour que les négociations puissent reprendre, parce que les gens n’ont plus confiance après de nombreuses promesses non tenues et l’intensification des combats de ces dernières années », explique San Awng. Ce dernier garde espoir que les pourparlers se poursuivent et qu’ils portent enfin leurs fruits cette année. « Ce qui surviendra après la fin du cessez-le-feu dépendra des négociations entre les deux parties. »

Mgr Sumlut Gam le confirme : « Je suis optimiste à propos du processus de paix, et j’espère que de nouvelles avancées concrètes surviendront en 2019. » La conseillère d’État Aung San Suu Kyi a lancé la « Conférence de paix de Panglong du XXIe siècle » afin de rassembler tous les groupes armés pour des pourparlers de paix. Mais la KIA doit encore signer l’accord national de cessez-le-feu tant espéré, qui n’a été signé, à ce jour, que par la moitié des vingt groupes armés à travers le pays. Aung San Suu Kyi s’est engagée à mettre fin aux conflits et a organisé des pourparlers en août 2016, mai 2017 et juillet 2018. Pourtant, la reprise des combats a affaibli les tentatives de réconciliation. L’armée birmane a été à la tête du pays durant plus d’un siècle avant que le gouvernement d’Aung San Suu Kyi n’arrive au pouvoir en avril 2016 ; l’armée conserve toutefois une grande influence politique.

(Avec Ucanews, Mandalay)


CRÉDITS

Ucanews