Eglises d'Asie – Chine
Xinxiang : après l’arrestation de Mgr Zhang et de membres du clergé local, plusieurs organisations préoccupées
Publié le 02/06/2021
L’arrestation récente d’un évêque chinois (approuvé par le Saint-Siège) et de plusieurs prêtres et séminaristes de la province du Henan (dans le centre du pays) a choqué voire surpris de nombreux catholiques, alors que les persécutions religieuses semblent continuer de s’intensifier sous l’égide du président Xi Jinping. Mgr Joseph Zhang Weizhu, évêque de Xinxiang (Henan) a été arrêté le 21 mai, un jour après l’arrestation de sept prêtres et de plusieurs séminaristes par la police locale. Ils sont accusés d’avoir violé les nouvelles règles sur les Affaires religieuses, entrées en vigueur ce mois-ci. L’évêque et les prêtres de Xinxiang auraient provoqué la répression des autorités pour avoir utilisé une usine abandonnée comme séminaire pour la formation des futurs prêtres. Selon les nouvelles règles sur les Affaires religieuses, le clergé doit être enregistré officiellement auprès de l’État. Par ailleurs, il est demandé aux catholiques d’élire leurs évêques démocratiquement. Il est également illégal d’organiser toute activité religieuse dans des lieux non enregistrés ou contrôlés par l’État.
Les arrestations survenues les 20 et 21 mai ont suscité la condamnation et l’indignation de nombreux groupes chrétiens et organisations humanitaires. Mervyn Thomas, fondateur et président de l’organisation CSW (Christian Solidarity Worldwide), a déclaré que les nouvelles règles sur les Affaires religieuses sont un nouvel outil servant à renforcer l’oppression sur les communautés religieuses, en particulier contre les chrétiens. « Ces arrestations, qui surviennent peu après l’application des nouvelles règles sur le personnel religieux, semblent confirmer les craintes sur les restrictions religieuses. Nous appelons à la libération immédiate et inconditionnelle de ces chrétiens et de tous ceux qui sont détenus à travers la Chine à cause de leur religion ou de leurs croyances. Nous encourageons également la communauté internationale à élever la voix contre cette nouvelle affaire et contre tous les cas de détention arbitraire et de harcèlement des responsables religieux », a souligné Mervyn Thomas.
« Nous appelons à la libération immédiate de ces chrétiens »
Le CSW a également noté que d’autres responsables chrétiens comme Zhang Chunlei, de la Love (Ren’ai) Reformed Church, et le pasteur Yang Hua, de l’Église Pierres Vivantes (une Église protestante évangélique), ont été harcelés et attaqués avant d’être arrêtés. Les autorités locales ont également suspendu ces deux Églises chrétiennes après les avoir accusées de fraude et de gestion illégale d’organisations non autorisées. Le pasteur Yang a été battu par un responsable local du Parti communiste chinois dans un commissariat de Guiyang (province du Guizhou), à tel point qu’il a dû être admis aux urgences dans un hôpital de la ville. Il a également été arrêté en 2016 quand son église a été fermée, et il a ensuite passé deux ans et demi en prison sous de fausses accusations de « divulgation délibérée de secrets d’État ». Après sa libération en 2018, le pasteur Yang a dit aux membres de son Église de « persévérer dans la foi », selon le groupe China Aid (basé aux États-Unis).
De son côté, Mgr Zhang est surveillé par les autorités depuis plusieurs décennies. Mgr Zhang est sous pression des autorités depuis des années, principalement à cause de son refus d’adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois. Mgr Zhang, ordonné évêque en secret en 1991, n’a donc jamais été autorisé à diriger son diocèse, et ce dernier s’est vu imposer un administrateur nommé par le gouvernement depuis 2010. L’évêque a également été arrêté à plusieurs reprises avant d’être relâché. Depuis les dernières arrestations survenues fin mai, le sort réservé à Mgr Zhang, aux prêtres et aux séminaristes détenus reste inconnu ; certains médias affirment qu’ils ont été placés en confinement solitaire et qu’ils subissent des « leçons politiques ».
Politique de « rééducation »
Il y a également de nombreux observateurs et experts sinologues qui craignent que le régime communiste chinois soit en train de réprimer peu à peu tous les groupes religieux, y compris les Églises catholiques et protestantes, qu’il juge illégales et comme menaçantes envers son contrôle en Chine continentale. Dans un article publié récemment par le magazine Forbes, le Dr Ewelina U. Ochab, une experte en droit international basée à Londres, a suggéré que les chrétiens chinois pourraient être les prochaines victimes de la politique de « rééducation » subie par les musulmans Ouïghours. Selon elle, même si les chrétiens en Chine subissent différents niveaux de persécution, la situation de tous les groupes religieux dans le pays est précaire et se détériore depuis des années. Ce mois-ci, le Christian Post a également signalé que les autorités chinoises ont supprimé des applications mobiles bibliques et des comptes publics chrétiens du réseau social local WeChat. Selon l’organisation International Christian Concern, par ailleurs, la vente de Bibles en version papier ne serait plus disponible en ligne, et la seule façon de télécharger des applications bibliques serait en passant par des réseaux privés virtuels (VPN). Par ailleurs, le 11 mai, le compte WeChat de Radio Veritas Asia (en chinois, qui émet depuis Manille) a été fermé et tous les clips audio de l’antenne chinoise ont été supprimés. Ils avaient plus de 60 000 followers.
En avril, Radio Free Asia (RFA) a également affirmé que les autorités chinoises détiennent des chrétiens dans des infrastructures secrètes qui seraient destinées à les « rééduquer » et leur faire renoncer à leur foi. RFA a cité le témoignage de Li Yusee, le pseudonyme d’un membre d’une Église protestante locale (House Church movement), de la province du Sichuan. Li Yusee a affirmé avoir été détenu dans un établissement secret, dirigé par le Département du travail du Front uni (DTFU) du Parti communiste chinois (PCC) en collaboration avec la police secrète, durant dix mois après un raid contre son Église en 2018. « C’était une infrastructure mobile qui venait d’être installée dans un garage souterrain. Elle était dirigée par des gens de divers départements du gouvernement », a-t-il soutenu, ajoutant qu’ils visaient principalement les chrétiens qui sont membres de son mouvement. Il a expliqué avoir été détenu durant presque dix mois dans une cellule sans fenêtres, en subissant des violences physiques, verbales et psychologiques. Il a ajouté que la plupart de ses codétenus étaient des gens qui avaient été libérés sous caution après des accusations liées à des activités religieuses. Ils auraient été envoyés dans ces infrastructures par la police par la suite. Le récit Li Yusee ressemble effectivement à la détention et à la persécution des musulmans Ouïghours.
La Chine 17e selon l’Index sur les persécutions publié par Portes Ouvertes
Les actions et politiques répressives de la Chine contre les groupes religieux sont suivies par de nombreuses organisations internationales. Le 13 janvier 2021, le groupe chrétien Portes Ouvertes a ainsi publié un Index mondial des persécutions à l’encontre des chrétiens, qui classe 50 pays où ils subissent les formes les plus graves de persécution. La Chine est classée en 17e position. « La politique de sinisation de l’Église a été appliquée à l’échelle nationale, et le Parti communiste chinois limite tout ce qu’il perçoit comme une menace à son contrôle et son idéologie », déplore notamment l’organisation Portes Ouvertes. Dans un rapport publié cette année, l’USCRIF (la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale) a affirmé que la Chine continue de persécuter les chrétiens et de harceler les évêques catholiques malgré l’accord provisoire de 2018, signé entre le Saint-Siège et Pékin sur la nomination des évêques.
(Avec Ucanews)
Crédit Zhangzhugang / CC BY-SA 3.0