Eglises d'Asie – Chine
Yunnan : la « sinisation » d’une mosquée provoque des tensions entre la police et l’ethnie Hui
Publié le 01/06/2023
Des tensions avec la police ont éclaté le week-end dernier dans une ville du sud-ouest de la Chine, quand des membres de la communauté musulmane locale ont tenté d’empêcher la démolition du dôme d’une mosquée de style arabe. Les autorités locales ont ordonné de le reconstruire dans un style chinois, ce qui a provoqué de vives réactions de la part de la communauté musulmane. La police antiémeute a encerclé le bâtiment après l’organisation d’une manifestation.
Selon des sources locales, l’idée de changer l’aspect de la mosquée fait partie d’un programme national destiné à renforcer le contrôle sur les groupes religieux, dont les chrétiens, via une politique de « sinisation ». La mosquée de Najiaying, où les faits se sont produits, se trouve à Nagu, une ville du canton de Tonghai, dans la province du Yunnan (dans une région où vivent de nombreux membres de l’ethnie Hui, majoritairement musulmane).
Dès le samedi 27 mai, des manifestants ont tenté d’empêcher les travaux de démolition en restant sur place jour et nuit avec des pancartes. Des vidéos montrent la police intervenant avec des boucliers antiémeutes afin de bloquer l’accès à la mosquée, et des manifestants jetant des pierres. Certains sont parvenus à forcer le barrage et arracher les échafaudages, installés avant le début des travaux. Le lendemain, des renforts sont arrivés et des véhicules de police ont entouré le lieu de culte.
Près d’un million de musulmans ouïgours et kazakhs envoyés dans des camps
Ce dernier remonte au XIIIe siècle et était construit à l’origine dans le style d’un temple chinois. Le bâtiment actuel résulte d’une rénovation entreprise en 2004, quand un dôme de style arabe et quatre minarets ont été ajoutés. La mosquée peut accueillir jusqu’à 3 000 personnes. Les autorités locales cherchent à restaurer le style chinois d’origine dans le cadre de la politique de « sinisation » des lieux de culte et des religions.
Selon le Washington Post, le conflit remonte à une décision de justice en 2020, selon laquelle une partie du bâtiment est considérée comme illégale. Face aux protestations, les autorités locales ont demandé aux manifestants de se rendre à la police avant le 6 juin afin de bénéficier de sanctions allégées. Dans la ville, la police aurait également déployé des véhicules équipés de brouilleurs de téléphones portables, afin de couper ou limiter toutes les communications dans le quartier. Les vidéos et informations sur la manifestation ont aussi été censurées sur les réseaux sociaux chinois. Ainsi, les recherches sur la mosquée de Najiaying n’aboutissent à aucun résultat sur Weibo, un réseau populaire semblable à Twitter.
Dans le cadre de la politique de sinisation mise en place depuis quelques années, les groupes religieux ont été ordonnés de soutenir l’idéologie du Parti communiste chinois, y compris les « pensées du président Xi Jinping » et les « valeurs fondamentales socialistes ». Par ailleurs, au cours des dernières années, Pékin a renforcé son contrôle au Xinjiang en envoyant près d’un million de musulmans chinois (selon les estimations), dont des membres des ethnies ouïgoures et kazakhes, dans des camps de rééducation. Les autorités chinoises ont nié l’existence de tels camps, affirmant que ces personnes ont été envoyées dans des écoles destinées à fournir des formations professionnelles et à lutter contre l’extrémisme islamique.
(Avec Asianews)