Eglises d'Asie – Birmanie
Le cyclone évite le littoral mais laisse les réfugiés rohingyas dans une situation alarmante
Publié le 16/05/2013
… les réfugiés rohingyas, qui sont au nombre de 140 000, parqués depuis près d’un an dans des camps de fortune, ont vu leurs conditions de vie, déjà très difficiles, s’aggraver du fait de la menace cyclonique.
Depuis plusieurs jours, à mesure que les prévisions météorologiques se faisaient plus précises, l’inquiétude allait croissant quant au sort des populations de l’Arakan, face à la menace que faisait peser sur elles le cyclone Mahasen, tout le monde ayant à l’esprit la catastrophe qu’avait été en 2008 le cyclone Nargis et ses 140 000 morts. Au sein de la communauté internationale, l’inquiétude était particulièrement vive concernant les déplacés Rohingyas, chassés de chez eux en juin dernier par les violentes émeutes intercommunautaires qui ont opposé Arakanais bouddhistes et Rohingyas musulmans. Les autorités birmanes nient à ces derniers la citoyenneté birmane et l’ONU les classe au rang de la minorité la plus persécutée au monde.
Le 14 mai, Human Rights Watch (HRW) avait publié un communiqué avertissant que « Les organisations humanitaires craignaient que les familles musulmanes [rohingyas] qui tentaient de fuir par elles-mêmes [le cyclone Mahasen] ne soient la cible de violences de la part des Arakanais bouddhistes et des forces de sécurité locales. » La veille, Brad Adams, directeur pour l’Asie de HRW, avait adressé la mise en garde suivante : « Si le gouvernement échoue à évacuer les populations exposées, toute catastrophe qui pourrait en résulter ne sera pas considérée comme naturelle mais due à l’homme. »
Des observateurs ajoutaient que cela faisait des mois que la communauté internationale mettait en garde Rangoun quant aux dangers auxquels l’arrivée de la mousson et des tempêtes qui l’accompagnaient exposait les personnes déplacées par les émeutes antimusulmanes de juin 2012. Ils soulignaient ainsi que le gouvernement birman avait eu tout le temps nécessaire pour organiser les camps de réfugiés rohingyas de manière à ce qu’ils puissent résister aux tempêtes et pluies diluviennes.
Comme en écho aux craintes exprimées par la communauté internationale, le 13 mai au soir parvenait la nouvelle du naufrage d’une embarcation où avaient pris place une centaine de Rohingyas ; 42 seulement d’entre eux avaient pu être sauvés. Leur embarcation faisait partie d’un convoi de sept barques ayant quitté un camp pour personnes déplacées situé à Pauktaw, localité proche de Sittwe, capitale de l’Arakan, pour trouver un refuge sur des terres plus élevées. L’embarcation avait heurté un haut-fond ou un rocher et avait coulé.
Peu avant le 13 mai, une agence pour l’aide humanitaire d’urgence de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est asiatique) avait indiqué que les 17 000 personnes déplacées du camp de Pauktaw étaient « particulièrement vulnérables » à toute élévation du niveau de la mer, le camp étant placé sur des rizières inondables en cas de tempêtes. A Genève, les Nations Unies indiquaient, quant à elles, que trois camps, hébergeant 69 000 des 140 000 personnes réfugiées dans des camps en Arakan, étaient exposés à d’éventuelles inondations.
L’éloignement du cyclone Mahasen des côtes de l’Arakan vient donc ôter une menace qui pesait à très court terme sur les camps abritant les réfugiés rohingyas, mais il n’améliore en rien, soulignent les intervenants humanitaires sur place, la situation de ces personnes déplacées. Ces derniers jours ont, au contraire, souligné le fossé de défiance qui existe entre les Rohingyas et les autorités. A mesure que se précisait la menace posée par le cyclone Mahasen, les forces de sécurité avaient en effet mis en place un plan visant à vider les camps les plus exposés aux intempéries et à rassembler leurs résidents au sein de bases militaires. Elles se sont toutefois heurtées à une forte résistance des Rohingyas, qui refusaient de monter dans les camions de l’armée, institution à laquelle ils ne font aucune confiance. Ce n’est que ces dernières 48 heures, la menace devenant plus forte, que les Rohingyas ont accepté de quitter leurs camps, notamment là où les ONG étrangères et l’ONU pouvaient leur garantir une certaine sécurité.
Le site d’information en ligne The Irrawaddy rapporte ce 16 mai le témoignage de femmes rohingyas qui ont quitté leur camp, situé en zone inondable, pour s’abriter dans l’école désaffectée d’un village voisin. Ces femmes, âgées ou mères d’enfants en bas âge, expliquent qu’elles n’ont rien à manger, pour elles-mêmes et leurs enfants. Shar Si Tar Pik, 35 ans, mère de quatre enfants dont un nourrisson de trois mois né dans un abri de bambou et de bâches en plastique, témoigne : « Je suis perdue. Je me sens si mal. Je n’ai rien à donner à manger à mes enfants. »