Eglises d'Asie

Karachi : attentat à la bombe meurtrier

Publié le 08/08/2013




Mercredi 7 août, une bombe a explosé aux petites heures de l’aube devant un stade de football de Karachi où venait de se terminer l’un des championnats marquant la fin du Ramadan. Plus d’une dizaine de personnes, essentiellement des enfants et des adolescents, ont été tuées, des dizaines d’autres sont toujours dans un état jugé critique.  

Après avoir annoncé un total de « sept morts et de nombreux blessés », les médias pakistanais ont revu à la hausse ce jeudi 8 août le bilan de l’attentat perpétré mercredi vers 2 h 30 du matin au milieu d’une foule en liesse, se préparant à fêter le dernier jour du Ramadan. Les forces de l’ordre qui ont été déployées dans la métropole de la province du Sind, avancent aujourd’hui le chiffre de plus de 12 victimes et de dizaines de blessés dont le pronostic vital reste réservé.

La bombe avait été placée sur une moto parquée à l’extérieur d’un stade de football de Lyari, un quartier sensible de Karachi, où elle a explosé au moment où des milliers de spectateurs déferlaient hors de l’enceinte après la fin du match. S’opposaient sur le terrain le «Baba Ladla 99» et le «Baba Ladla 92», équipes très populaires qui jouaient la finale d’un championnat local.

La bombe, qui a explosé à proximité de la voiture de l’invité d’honneur de la soirée, Javed Nagori, ministre provincial du logement social et du développement, a été déclenchée à distance, lorsque la foule a commencé à quitter le stade. Le gouvernement a fait rapidement part de sa conviction que le ministre provincial était bien la cible de l’attentat, lequel n’a toujours pas été revendiqué. Confortant cette hypothèse, un enquêteur cité dans l’Express Tribune souligne la similitude entre cette explosion et l’attentat perpétré contre le Pakistan Peoples Parti (PPP) lors d’un meeting préparatoire aux élections le 11 mai dernier. « C’est le même modus operandi dans les deux attaques et Javed Nagori était présent à chaque fois » a-il fait remarquer.

Mais les premières investigations ont mené les enquêteurs à développer d’autres hypothèses, la ville de Karachi étant le théâtre d’affrontements réguliers et sanglants entre islamistes, rebelles sécessionnistes baloutches, gangs locaux et différents partis politiques rivaux. Le très influent Muttahida Qaumi Movement (MQM), parti des Mohajirs, réfugiés de l’Inde lors de la partition de 1947 se heurte ainsi régulièrement au PPP (ancienne majorité sortante du pays) très implanté dans ce quartier de Lyari, où vit une forte communauté provenant du Baloutchistan.

« La situation est extrêmement complexe et nous étudions actuellement plusieurs possibilités. Il pourrait s’agir d’une attaque à caractère politique ou encore d’un règlement de compte dans la guerre des gangs qui sévit à Karachi », explique ce jeudi à l’Express Tribune, Tariq Razaq Dharejo, l’un des hauts responsable de la police provinciale. « Nous envisageons également une possible implication du groupe rebelle Balochistan Liberation Army ou d’autres groupes terroristes comme le Lashkar-e-Jhangvi », ajoute-t-il.

Concernant la participation éventuelle du MQM à l’attentat, certains enquêteurs ont fait remarquer que l’un des invités d’honneur aux côtés du ministre provincial était Zafar Baloch, le leader de l’organisation interdite Peoples Aman Committee (PAC). L’hostilité existant entre le MQM et le PAC est notoire ainsi que la guerre de pouvoir à laquelle ils se livrent au sein du quartier de Lyari.

Mais l’examen de l’engin explosif, qui a été révélé aujourd’hui par la police locale, jette une lumière nouvelle sur la cible présumée des terroristes. La bombe, qui devait peser entre 5 à 6 kg, était truffée de billes de plomb, un procédé utilisé pour blesser et mutiler le plus de personnes possible.

Ces derniers faits s’ajoutent à la constatation que le ministre n’a été que légèrement touché au pied alors que les victimes frappées mortellement ont été des enfants et des passants. Or, la police a pu établir que la bombe avait été déclenchée à distance à 2 h 20 du matin, au moment précis où l’équipe des vainqueurs se préparaient à rentrer avec sa coupe, et alors que le ministre n’étant pas encore revenu vers sa voiture.

L’explosion a touché les spectateurs qui sortaient du stade et les personnes qui se trouvaient alors dans la rue, en majorité des enfants et des adolescents âgés de 6 à15 ans. La chaîne de télévision SamaaTV rappelle qu’à cette heure tardive il était tout à fait naturel que les rues soient bondées de familles faisant leurs courses, tous les magasins étant ouverts durant les nuits du Ramadan, et en particulier en cette veille de l’Aid-el-Fitr célébrant la fin de la période de Jeûne. Les enfants, quant à eux, jouaient au football devant le stade, selon une tradition bien ancrée à Lyari. Parmi les victimes se trouvait Abdul Basit, âgé de 15 ans, un enfant du quartier mais aussi l’un des plus célèbres « jeunes espoirs du football » du Pakistan.

Ce jeudi 8 juillet, l’agence AsiaNews rapporte que Mgr Antony Rufin, évêque d’Islamabad, a exprimé sa solidarité avec les victimes, et condamné l’attentat « avec la plus grande vigueur ». Rappelant que la population de Karachi « avait déjà suffisamment souffert », et que 2013 pouvait d’ores et déjà être considérée comme ayant été l’année la plus sanglante pour la ville, l’évêque a appelé le gouvernement à « accepter d’affronter […] ces temps difficiles où la nation doit s’unir contre la Terreur ».

Depuis le Pendjab, l’archidiocèse de Lahore, a lancé un appel à prier pour la paix au Pakistan ainsi que pour « les milliers d’innocents», victimes des affrontements entre les gangs criminels, les factions politiques, les islamistes et les terroristes.