Hebei : objet de vives tensions avec les autorités, la mise en terre de la dépouille de l’évêque de Tangshan a finalement pu avoir lieu

… à côté de la tombe du premier évêque de ce diocèse du Hebei, confié autrefois aux lazaristes hollandais.

Depuis le 11 décembre, la tension était vive dans le diocèse. Les autorités locales refusaient absolument que l’évêque soit enterré au cimetière de Lulong, où sont enterrés Mgr Ernst Geurst, lazariste hollandais mort en 1940, et plusieurs prêtres et religieuses. Le 17 décembre, lors de la messe de funérailles dans la cathédrale de Tangshan, le successeur de Mgr Liu, Mgr Fang Jianping, avait annoncé publiquement que la mise en terre de l’évêque était reportée sine die aussi longtemps qu’un accord ne serait pas trouvé avec les autorités. Le diocèse faisait savoir que Mgr Liu ne serait pas inhumé tant qu’il ne récupérerait pas la pleine propriété du cimetière de Lulong.

Les fidèles avaient alors organisé une veille 24 heures sur 24 de la dépouille de feu leur évêque de peur que les autorités ne leur enlèvent le cercueil de force ou par surprise. Selon des informations collectées sur place, la police avait emmené un certain nombre de prêtres dans les locaux du Bureau des Affaires religieuses pour des « entretiens ».

Près de dix jours après ce pic de tension, un accord a donc été trouvé. Selon les déclarations que Mgr Fang Jianping a confiées à l’agence Ucanews, l’administration chinoise a fait l’acquisition d’un terrain d’un peu plus de 3 000 m² à proximité du village de Beigang, dans le district de Qianxi. Ce terrain, situé à une dizaine de kilomètres au nord de Lulong, a reçu les autorisations nécessaires pour être utilisé comme cimetière. C’est donc là que Mgr Liu Jinghe a été inhumé le 24 décembre en fin de matinée.

Le devenir de l’ancien cimetière de Lulong demeure incertain. Les informations disponibles ne disent pas si la tombe de Mgr Geurts restera intouchée ou s’il est prévu que l’évêque hollandais soit un jour prochain ré-inhumé dans le nouveau cimetière de Beigang. Mgr Fang a toutefois tenu à démentir la rumeur selon laquelle le diocèse aurait reçu une forte somme de l’administration locale en dédommagement de l’abandon du cimetière de Lulong. Le chiffre de 1,5 million de yuans (180 000 euros) a circulé dans la communauté catholique locale.

Selon le témoignage de catholiques de Tangshan, les négociations entre Mgr Fang et les autorités ont été difficiles. Pourtant considéré comme étant proche des autorités, Mgr Fang a été soumis à un ultimatum de la part de l’administration locale, celle-ci lui faisant savoir que la solution du nouveau cimetière à Beigang était à prendre ou à laisser. Le décès de l’évêque remontant à près de quinze jours, Mgr Fang a estimé qu’il lui fallait accepter la solution proposée par l’administration. Une partie des catholiques du diocèse estime cependant qu’il ne fallait pas céder au chantage des autorités et que l’évêque devait affirmer le droit de l’Eglise à inhumer Mgr Liu auprès de Mgr Geurts.

Pour les catholiques locaux, le cimetière de Lulong porte le témoignage des luttes passées. Dès le début des années 1950 en effet, lors de la mise en place du nouveau pouvoir communiste, le cimetière fut le lieu de « luttes politiques » très dures et les nouveaux dirigeants imposèrent sa destruction. Longtemps abandonné, le terrain, d’une superficie de 2,7 hectares, retourna ensuite à un usage agricole. Lors des réformes des années 1980 qui virent le régime communiste rendre au culte un grand nombre des églises qui avaient été confisquées, le cimetière ne fut pas rendu à l’Eglise mais Mgr Liu Jinghe obtint cependant de restaurer la tombe de Mgr Geurts et celles d’autres membres du clergé dans un coin du terrain de l’ancien cimetière Lulong. Pour Mgr Liu, qui fut un temps proche de l’Association patriotique mais qui, vers la fin de son épiscopat, obtint de Rome de réintégrer la communion avec le Saint-Père, prendre soin de la tombe de Mgr Geurts et exprimer le vœu d’être inhumé à ses côtés était une manière d’exprimer son appartenance tant à la communauté catholique locale qu’à l’Eglise universelle.

(eda/ra)