Eglises d'Asie

Des dizaines de morts endeuillent les élections législatives

Publié le 06/01/2014




Le Bangladesh se prépare à affronter, dans les prochains jours, des grèves et des manifestations sans précédents, suite aux élections les plus meurtrières de son histoire.Lundi 6 janvier, après la vague de violence qui a déferlé sur le pays ce week-end lors du scrutin, le bilan des victimes se monte officiellement à plus de 25 morts …

 … et des centaines de blessés, sans compter des milliers de bureaux de vote, de bâtiments, d’écoles, et de véhicules incendiés ou vandalisés.

Le Daily Star, déplorant « les élections les plus sanglantes de l’histoire du pays », a stigmatisé une « fausse victoire » de l’Awami League, « ne lui accordant ni mandat ni légitimité pour gouverner ».

C’est sans surprise en effet que le parti au pouvoir, l’Awami League, et ses alliés – se présentant sans adversaires dans la plupart des circonscriptions du fait du boycott des opérations électorales par l’opposition –, ont remporté 231 sièges sur les 300 à pourvoir au sein de l’Assemblée nationale du Bangladesh.

Les Etats-Unis, le Commonwealth et l’Union européenne avaient renoncé à envoyer des observateurs pour ces élections, estimant que les conditions d’un scrutin libre et transparent n’étaient pas réunies.

Ce lundi, le Bureau britannique des Affaires étrangères et du Commonwealth a réagi vivement aux violences électorales au Bangladesh par une déclaration publiée il y a quelques heures : « Nous déplorons les actes d’intimidation et de violence qui ont été commis par les différents partis ces dernières semaines, ainsi que les incendies criminels de bâtiments, dont des collèges et des écoles, qui ont eu lieu ce week-end. »

Selon les dernières informations, plusieurs centaines de bureaux de vote ont commencé à être incendiés à coups de cocktails Molotov et autres bombes incendiaires dans tout le pays dès le samedi 4 janvier, veille du scrutin, par les militants des partis d’opposition, menés par le Bangladesh Nationalist Party (BNP), et son allié le Jamaat-e-islami, connu pour sa violence.

Parmi les victimes, on compterait une majorité de manifestants, abattus par les forces de l’ordre, mais aussi des passants attaqués par les émeutiers, comme un chauffeur de camion qui a péri dans son véhicule incendié.

Dans chaque district, il a été rapporté des attaques des bureaux de vote et des postes de police par « des milliers de manifestants », avec des armes blanches, des bombes incendiaires, des armes à feu et des bâtons. Des écoles, des collèges et différents bâtiments administratifs ont également été détruits ou brûlés.

Plus de 50 000 soldats avaient pourtant été déployés dans les villes et les zones sensibles du pays, à l’issue d’une campagne électorale déjà marquée par les violences et des manifestations incessantes. Les tensions avaient encore augmenté en intensité en décembre dernier avec l’exécution d’Abdul Kader Mollah, leader du Jamaat-e-islami, pour crimes contre l’humanité commis lors de la guerre d’indépendance de 1971 (1).

Depuis près d’un an, des affrontements meurtriers accompagnent les annonces des condamnations à mort de leaders du BNP et du Jamaat, énoncées par le Tribunal spécial que le Premier ministre, la Sheikh Hasina, a mis en place pour juger les crimes commis pendant la guerre d’indépendance.

Ces vagues de violence ont fait, selon certaines ONG locales de défense des droits de l’homme, plus de 500 morts dans le pays depuis janvier 2013. Une année qui est d’ores et déjà qualifiée de plus meurtrière depuis la guerre de 1971. 

Dans une déclaration de presse ce lundi soir, le Premier ministre Sheikh Hasina a nié l’existence « d’une quelconque crise au Bangladesh », tout en réaffirmant que la victoire du son parti la Ligue Awami était « légitime et démocratique », et qu’aucune négociation ne pourrait avoir lieu avec les partis d’opposition « tant qu’ils n’abandonneraient pas leurs activités terroristes ».

L’ensemble des dirigeants de la Ligue Awami a également réitéré sa volonté de poursuivre sa politique de fermeté. « Notre priorité est de former un gouvernement (…) et d’ éliminer la violence et le militantisme pour permettre à la population de respirer enfin », a déclaré ce matin le ministre de l’Environnement, Hasan Mahmud, à l’AFP.

Dès que les premiers résultats ont été connus dimanche soir, l’opposition a annoncé la reconduction de la grève générale – qui avait été lancée la veille du scrutin –, jusqu’à mercredi prochain, afin de protester contre « les élections truquées » et la répression meurtrière exercée par les forces de l’ordre. « Le gouvernement doit annuler ces élections qui sont une ‘farce électorale’, et un nouveau scrutin doit être organisé par un organisme neutre », a déclaré le vice-président du BNP, Shamsher Chowdhury.

Partout dans le pays, le taux de participation au scrutin dimanche 5 janvier a été rapporté comme ayant été exceptionnellement bas, sans que soient cités pour autant des chiffres précis par les responsables de districts. Selon les médias locaux, il aurait atteint à peine 22,8 % à Dacca même, où les bureaux de vote étaient pourtant sous haute surveillance.

A la veille des élections, le 4 janvier, l’agence AsiaNews faisait déjà état des menaces pesant sur les électeurs, en particulier parmi les communautés religieuses minoritaires, dont les membres ont été nombreux à ne pas oser s’aventurer jusqu’aux bureaux de vote.

Les chrétiens, comme les hindous et les bouddhistes, ont rapporté subir des pressions et des menaces de la part des différents partis, les confrontant à la même « impossibilité de voter », entre le boycott exigé par les islamistes et l’absence totale d’alternative de la Ligue Awami, souvent seul et unique parti se présentant dans une circonscription.

De nombreux chrétiens ont ainsi renoncé à voter, explique un Bangladais catholique à AsiaNews, considérant que « les élections n’étaient ni libres ni transparentes » et que « tout le monde savait d’avance qui allait gagner »

(eda/msb)