Eglises d'Asie

Les attaques de talibans contre les équipes de vaccination anti-polio reprennent

Publié le 29/01/2014




Les campagnes de vaccination contre la poliomyélite ont repris au Pakistan et avec elles, les attaques des islamistes à l’encontre des travailleurs humanitaires administrant les vaccins ainsi que ceux qui les accompagnent. Au moins sept personnes ont été tuées mercredi 22 janvier dans un attentat à la bombe …  

… qui a fait sauter un fourgon de police transportant des policiers chargés de protéger les équipes de vaccination pour la province de Khyber Pakhtunkhwa, dont Peshawar est la capitale. La veille, trois travailleurs de santé avaient été abattus à Karachi.

Les attaques et menaces à l’encontre des équipes de vaccination dans la région de Peshawar ainsi que dans les zones tribales voisines contrôlées par les talibans et les groupes islamistes proches d’al-Qaeda, et tout récemment dans d’autres zones du Pakistan, se sont multipliées depuis décembre dernier, ajoutant plus de 25 victimes à la trentaine de travailleurs de santé, morts dans les attaques de l’année 2013.

L’attentat du mercredi 22 janvier s’est produit à Sir Dheri, situé à quelque 30 km au nord de Peshawar. Selon la police, plus de 5 kg d’explosifs avaient été utilisés pour la bombe qui a été déclenchée à distance. « Sept personnes – six policiers et un enfant – ont été tuées dans l’attentat », a rapporté l’un des responsables des forces de police de la province, précisant que le fourgon transportait les victimes vers un centre de soins, où elles devaient rejoindre les travailleurs de santé afin d’assurer leur sécurité dans leur déplacement de village en village.

« Nous continuerons [malgré ces attaques] à protéger les équipes de vaccination comme le gouvernement provincial nous l’a demandé », a-t-il assuré, bien que pour le moment la campagne ait été suspendue dans la région.

La veille de l’attentat, mardi 21 janvier, trois travailleurs de santé avaient été abattus à Karachi, entraînant également l’arrêt provisoire de la campagne dans toute la région du Sind où plus de sept millions d’enfants devaient être vaccinés.

Le 1er janvier 2014, à Swabi, près de Peshawar, six personnes travaillant pour l’ONG locale Pakistani Charity Ujala avaient été tuées par des hommes circulant à moto. Un scénario qui reproduisait l’attaque, en décembre dernier, de neuf employés de la campagne de vaccination abattus dans les mêmes circonstances.

Dans toutes les régions concernées, les équipes de vaccinations (composées essentiellement de femmes pakistanaises volontaires) ont fait part de leur volonté de poursuivre la campagne malgré « le fait qu’elles risquaient leur vie tous les jours » et de redoubler d’efforts pour vaincre les derniers foyers de la maladie « tant que cela était encore possible ».

Le Pakistan est aujourd’hui l’un des trois derniers pays du monde – avec le Nigeria et l’Afghanistan – où cette maladie grave est toujours endémique. A l’origine de cette situation : la persistance des conflits armés qui empêchent les travailleurs de santé d’approcher les populations et, surtout, la forte opposition de factions islamistes interdisant la vaccination, en prétendant que la campagne sert de couverture pour les services d’espionnage occidentaux (1) ou que la vaccination contre la polio a pour but de stériliser les populations musulmanes ou leur inoculer le sida.

Ces foyers de polio persistants risquent de mettre en échec le programme mondial d’éradication de la maladie, qui aurait dû, selon le planning de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), être achevé en 2018. Au Pakistan, la campagne contre la poliomyélite est menée conjointement par le gouvernement central, les autorités provinciales, plusieurs ONG et associations caritatives, ainsi que l’Unicef et l’OMS.

Toujours selon l’OMS, le Pakistan a enregistré 91 cas officiels de polio en 2013 (ce qui laisse supposer une bien plus importance incidence de la maladie dans les régions isolées). Cette augmentation importante du nombre de nouveaux cas dépistés (58 cas seulement ayant été signalés en 2012) fait aujourd’hui du Pakistan le seul pays où a été constatée une recrudescence du virus. Son voisin, l’Inde, qui comptait parmi les pays les plus atteints, vient de fêter ses trois années sans aucun nouveau cas de polio.

Comme le craignaient les organisateurs de la campagne l’année dernière, l’échec partiel de la campagne de 2013 en raison des attaques, a permis au virus de se propager depuis le foyer de Peshawar aux autres régions comme le Balouchistan, le Waziristan, le Pendjab et dans le Sind, où de nouveaux cas ont été récemment dépistés.

Vendredi 17 janvier, l’OMS avait rendu publique une étude révélant que « la ville de Peshawar était le plus grand réservoir de poliomyélite au monde », la capitale du Khyber Pakhtunkhwa étant responsable de 90 % des cas de polio déclarés au Pakistan. Selon l’organisation, des études révèlent que 83 des 91 cas de polio recensés au Pakistan, et 12 des 13 cas recensés en Afghanistan sont liés à des souches retrouvées dans la ville, en partie peuplée d’Afghans. « L’eau à Peshawar et dans les villes adjacentes est contaminée et le virus se répand via le réseau des égouts et les canalisations domestiques rouillées », a expliqué à l’AFP, vendredi 17 janvier, le ministre de la Santé de KPK, Shaukat Ali Yousafzai, réaffirmant par ailleurs son engagement à éradiquer la maladie.

La résurgence récente de la polio au Moyen-Orient serait également due au foyer pakistanais, « la souche de Peshawar » ayant été importée par des combattants djihadistes ou des pèlerins en route vers La Mecque.

(eda/msb)