Eglises d'Asie – Mongolie
L’Eglise catholique continue sa croissance dans la discrétion
Publié le 25/04/2014
Comme l’année précédente où des dizaines de catéchumènes avaient fait leur entrée dans l’Eglise catholique de Mongolie durant la vigile pascale, les fêtes de Pâques ont été l’occasion de mesurer la croissance de cette communauté qui vient seulement de fêter ses vingt ans d’existence.
Lors de son arrivée en Mongolie en 1992, avec deux autres missionnaires de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM), Mgr Wenceslao Padilla, aujourd’hui préfet apostolique d’Oulan-Bator, avait reçu pour mission de rebâtir ex nihilo une communauté chrétienne sur les lieux où, soixante-dix ans plus tôt, la même congrégation avait créé une mission sui juris, entièrement balayée par l’avènement du communisme, en 1924.
Un peu plus de vingt ans plus tard, samedi 19 avril 2014 au soir, à Oulan-Bator, les catholiques étaient plus d’un millier à braver le froid de la nuit de Pâques devant le « feu nouveau » allumé sur les parvis des quatre paroisses de la capitale (1).
« A l’heure actuelle, la création d’une paroisse relève d’un véritable exploit », souligne H, un expatrié résidant en Mongolie depuis de nombreuses années, qui explique que les autorisations administratives sont de plus en plus difficiles et longues à obtenir.
En effet, la grande liberté religieuse qui avait accompagné dans les années 1990 l’ouverture du pays après des décennies de communisme, est aujourd’hui progressivement remplacée par une bureaucratie tatillonne et restrictive qui cherche à mettre un frein au développement des différentes Eglises.
Bien que les chrétiens, toutes confessions confondues, ne représentent qu’environ 2 % de la population de la Mongolie, leur croissance se fait discrète, de peur d’être considérée comme une menace pour « l’identité mongole » associée de plus en plus à la pratique de la religion traditionnelle, un bouddhisme tibétain mêlé de croyances chamaniques. Le développement spectaculaire des chrétiens évangéliques est certainement pour beaucoup dans cette méfiance du gouvernement à l’égard des chrétiens : à l’heure actuelle, on compte aujourd’hui plus de 60 000 membres de différentes Eglises évangéliques dans le pays.
Certes, comme le rappelait le 17 mars dernier à l’agence Apic, Mgr Padilla, « du côté du gouvernement, la liberté religieuse est garantie ». Mais depuis 2009, une loi « prévoit pour les étrangers travaillant dans le pays un quota d’embauche de personnel mongol » qui inquiète fortement la communauté chrétienne.
« Selon ces quotas, l’Eglise catholique devrait en principe engager une soixantaine de personnes supplémentaires, mais nous n’avons pas l’argent pour assurer leur salaire » poursuit le prélat, ajoutant que « 13 missionnaires devront partir si la loi est appliquée stricto sensu».
Une situation que confirme H, lequel rapporte qu’en un an, « environ 18 temples protestants ont été fermés d’office dans la seule province de Darkhan-Uul » pour diverses infractions.
« Depuis la fin 2013, explique t-il, la législation mongole s’est considérablement ouverte aux investissement étrangers de plus de 100 000 $, supprimant même l’enregistrement auparavant obligatoire au ministère concerné (…). Mais en revanche, la loi oblige aujourd’hui les organisations à but religieux à employer 95% de Mongols. Donc, pour un pasteur étranger, il faut employer 19 Mongols, ce qui n’est pas à la portée de la plupart des communautés chrétiennes… Un nombre important de pasteurs coréens obtenait un visa d’affaires, mais venaient en réalité faire de l’évangélisation, ce qui est de moins en moins toléré par les autorités », analyse encore cet expatrié, lui-même chef d’entreprise.
L’une des premières communautés à avoir été visées par cette législation, encore inégalement appliquée, semble avoir été celle des Mormons (Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours) qui assure rassembler aujourd’hui près de 10 000 fidèles dans le pays. En 2010, plusieurs missionnaires américains durent quitter le pays « en raison du nouveau système de quotas instaurés par le gouvernement mongol ».
« Les choses sont devenues plus difficiles pour l’Eglise », reconnaît Mgr Padilla. Sous l’influence de la société de consommation et avec l’enrichissement rapide du pays, « les catholiques changent aussi, ils deviennent matérialistes et n’ont plus le temps de venir à la messe (…) Cela touche même les collaborateurs de l’Eglise ! », regrette le prélat.
« Maintenant, on peut dire que seuls les pauvres viennent à nous … Mais j’en suis très heureux en fait, car comme le pape François, je pense que l’Eglise doit être pauvre et pour les pauvres! », conclut-il.
(eda/msb)