Eglises d'Asie

Le Saint-Siège étudie la candidature d’un prêtre « élu » pour le diocèse de Chengdu

Publié le 12/05/2014




Le 8 mai dernier, une cinquantaine de personnes ont pris part à l’élection de celui qui est pressenti pour prendre la tête du diocèse de Chengdu, au Sichuan. Dans le cadre des procédures en place au sein de la partie « officielle » de l’Eglise catholique en Chine, cette candidature doit maintenant être étudiée par le Saint-Siège, le pape se réservant le droit d’accepter ou non celle-ci.

Le diocèse de Chengdu, au centre de la vaste province du Sichuan, est un diocèse relativement important. Il compte plus de 100 000 fidèles et une bonne vingtaine de prêtres, la plupart assez jeunes. Depuis la mort de Mgr Liu Xianru en 1998, il est cependant vacant et diverses tentatives pour lui donner un nouvel évêque ont jusqu’ici échoué. Il y a trois ans, presque jour pour jour, le P. Li Zhigang, âgé de 48 ans, était élu pour devenir le nouvel évêque de Chengdu, mais, souffrant d’un cancer du foi, il était décédé peu après, le 18 juin 2011 ; au jour de son décès, la date de son ordination n’avait pas été fixée mais Rome avait eu le temps de ne pas valider son élection.

Depuis cet événement, les consultations avaient repris pour trouver un nouveau candidat à l’épiscopat. D’un point de vue administratif, la situation du diocèse de Chengdu est compliquée par le fait que, localement, la désignation d’un tel candidat doit obtenir l’assentiment de trois instances de l’Administration des Affaires religieuses, à savoir les Affaires religieuses de la ville de Chengdu, mais aussi celles de Mianyang et de Guangyuan, deux villes importantes situées sur le territoire du diocèse. De toute évidence, il a fallu un temps certain avant que ces administrations s’accordent sur le nom d’un candidat.

Comme cela se passe habituellement en Chine, l’élection qui a eu lieu ce 8 mai n’avait pas pour objet de choisir le meilleur candidat mais seulement d’entériner une décision prise en amont, décision pilotée à la fois par les instances locales de l’Association patriotique des catholiques chinois et par celles des Affaires religieuses.

Le 8 mai dernier, ils étaient donc une cinquantaine à être réunis dans un hôtel de Chengdu, en présence des deux évêques que compte aujourd’hui la province du Sichuan : Mgr Luo Xuegang, évêque de Yibin, et Mgr Cheng Gong’ao, évêque de Nanchong, tous deux reconnus par Rome. Vingt-et-un prêtres, trois diacres, quatre religieuses et dix-neuf laïcs du diocèse de Chengdu ont voté. Trois candidats étaient en lice : le P. Joseph Tang Yuange, de Chengdu, le P. Zhong Cheng et le P. Li Jinxuan, tous deux de Mianyang. Au premier tour de scrutin, le P. Tang a réuni 34 suffrages, le P. Zhong 12 et le P. Li un seul. Au deuxième tour, le P. Tang étant désormais seul en lice, 39 suffrages se sont portés sur son nom et huit contre.

Techniquement, selon les procédures chinoises en vigueur, la candidature du prêtre élu, le P. Tang Yuange, doit désormais être soumise pour approbation à la Conférence des évêques « officiels » à Pékin. Outre que cette dernière structure n’est pas reconnue par Rome, l’approbation par les instances officielles nationales est acquise.

Plus fondamentalement, l’acceptation du résultat de cette élection par Rome reste à faire – et celle-ci est loin d’être automatique. Ces prochaines semaines, les services du Saint-Siège vont examiner le dossier du P. Tang, avant de le présenter au pape François, à qui il appartiendra de prendre la décision de valider ou non l’élection. On se souvient qu’en 2011 puis en 2012, Rome avait refusé de valider l’élection de plusieurs candidats à l’épiscopat et avait été amenée à constater l’excommunication de ces candidats et des évêques qui les avaient ordonnés, Pékin ayant malgré tout décidé de faire procéder à ces ordinations. Les canaux de communication entre le Vatican et la Chine avaient alors été coupés.

Aujourd’hui, le contexte a évolué dans la mesure où, depuis son élection sur le trône de Pierre, le pape François a manifesté sa volonté de renouer le contact avec les dirigeants chinois. Il l’a fait en écrivant une lettre à Xi Jinping dès l’accession de ce dernier au poste de président de la République populaire de Chine et – c’est le pape François qui l’a révélé il y a peu – Xi Jinping a répondu à son courrier.

Le sens que prendront les relations sino-vaticanes dépend donc en partie, estiment les observateurs, à la réponse qui sera donnée par Rome à l’élection du P. Tang. Au cas où le pape rejetterait cette candidature à l’épiscopat et que Pékin forcerait néanmoins son ordination épiscopale, le Saint-Siège n’aura d’autre choix que de constater l’excommunication des personnes impliquées. En revanche, si le pape acceptait la candidature du P. Tang, la route pour une amélioration du dialogue entre Pékin et Rome serait ouverte.

Né en 1963, ordonné prêtre en 1991, le P. Tang Yuange ne réunit pas la totalité des suffrages dans son diocèse. Dans le cadre d’une élection aussi contrôlée que celle qui a eu lieu le 8 mai, on peut considérer que huit voix d’opposition représentent un chiffre relativement élevé. Président de l’Association patriotique au niveau local (pour la seule ville de Chengdu) et secrétaire général des Affaires religieuses au niveau provincial, il est de manière évidente impliqué dans les structures « officielles » de l’Eglise. Reste à connaître quelle sera la réponse du Saint-Siège à sa candidature à l’épiscopat.

(eda/ra)