Eglises d'Asie – Thaïlande
Arrivée des reliques des « saints papes » dans un contexte politique troublé
Publié le 13/05/2014
… évaluée aujourd’hui à quelque 400 000 fidèles pour une population de 65 millions d’habitants qui pratiquent à près de 90 % le bouddhisme.
Les cérémonies sont cependant restées discrètes ; la situation de crise politique que traverse la Thaïlande, comme le fait qu’était célébrée parallèlement la fête la plus importante du bouddhisme, ne permettait pas à l’Eglise catholique, très minoritaire, de s’afficher de manière trop ostentatoire.
Cette année, le Visakha Bucha (ou Vesak), anniversaire de la naissance, de l’« illumination » et de la mort du Bouddha, tombe en effet le mardi 13 mai. Lors du Viskha Bucha, la Thaïlande se pare de drapeaux jaunes et draine vers ses temples des foules de fidèles qui viennent y déposer des offrandes, participer à des manifestations de prière ou à des processions aux flambeaux. Le Vesak est également le jour où sont sorties et vénérées les différentes reliques du Bouddha. La famille royale préside et assiste aux cérémonies, en particulier celles destinées à « acquérir des mérites », traditionnellement réservées au monarque le jour même du Viskha Bucha.
Les reliques des saints papes (une fiole contenant du sang de Jean-Paul II, et un petit morceau de peau de Jean XXIII, enchâssés dans des reliquaires-ostensoirs) ont été accueillies solennellement samedi 10 mai dernier par quelque 5 000 catholiques qui ont ensuite participé à une longue procession suivie d’une messe, dans la province de Nakhon Pathom.
Le P. Komsan Yancharoen, rapporte l’agence Ucanews le 12 mai, se souvient avec émotion avoir été ordonné prêtre il y a trente ans exactement, par le pape Jean-Paul II lui-même. Celui-ci était venu en Thaïlande en 1984, à la fin d’une visite pastorale en Asie, et y avait ordonné 23 prêtres thaïlandais. Le P.Yancharoen se rappelle également le discours prononcé alors par Jean-Paul II, qui dit-il, « avait aidé à faire davantage s’engager la communauté catholique dans la société thaïe ».
« En Thaïlande, beaucoup de gens ont du mal à comprendre ce qu’est l’Eglise catholique et quels sont ses objectifs ; le pape a aidé à mettre de la clarté dans cette confusion », explique-t-il.
Dimanche 11 mai, les reliques ont été présentées au cours d’une cérémonie officielle au roi Bhumibol Adulyadej par des membres de la Conférence des évêques catholiques de Thailande. Leur délégation, menée par le cardinal Michael Michai Kitbunchu, évêque émérite de Bangkok, a été reçue au palais royal de Hua Hin, dans la province de Praciuapsirikhan. Comme le veut la tradition, les évêques catholiques ont prié pour la santé du souverain, qui, à 87 ans, détient le record mondial de longévité sur le trône, avant de lui donner leur bénédiction et de lui faire toucher les reliques.
Mgr Andrew Vissanu Thanya Anan, secrétaire général de la Conférence épiscopale de Thaïlande et ancien sous-secrétaire au Vatican du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a fait mémoire des liens qui unissaient le roi de Thaïlande aux deux papes.
Le roi Bhumibol, Rama IX, avait rendu visite à Jean XXIII à Rome en 1960, l’invitant, à l’issue de cette rencontre, à se rendre en Thaïlande. Ce fut finalement Jean-Paul II qui répondit à cette invitation en se rendant dans le royaume en 1984.
Durant sa visite, le pape polonais avait impressionné la population thaïe en allant rencontrer les réfugiés du camp de Phanat Nikhom. « L’humilité du pape a fait tomber les barrières entre les peuples, rapporte Mgr Vissanu. Lorsque les Thaïlandais ont vu le chef de l’Eglise rencontrer les réfugiés, ils ont commencé à vouloir mieux connaître l’Eglise. »
Pendant que se déroulait dimanche dernier la cérémonie de présentation des reliques au palais, les opposants à l’actuel gouvernement en place lançaient un ultimatum, exigeant la mise en place immédiate d’un « conseil du peuple » non élu, et le report des élections prévues cet été.
Dans la rue depuis des mois, les militants du Comité de réforme démocratique du peuple (PDRC) – qui viennent d’obtenir la destitution la semaine dernière de la Première ministre Yingluck Shinawatra pour abus de pouvoir –, s’affrontent aux partisans du gouvernement, « les chemises rouges », résolus de leur côté à empêcher ce qu’ils considèrent être « un coup d’Etat » antidémocratique.
Hier soir, lundi 12 mai, à l’expiration de l’ultimatum posé par les manifestants, la situation était toujours dans l’impasse. Le Premier ministre par intérim, Niwattumrong Boonsongpaisan, a confirmé la tenue d’élections en juillet afin de résoudre « pacifiquement » la crise politique, tandis que, de son côté, le leader des manifestants, Suthep Thaugsuban, a maintenu vouloir installer de force un « conseil populaire » pour éradiquer « la corruption qui gangrène le pouvoir ».
Selon certains analystes, les manifestants seraient soutenus par des élites proches du Palais royal, qui considèrent le « clan Shinawatra », vainqueur des différentes élections législatives depuis 2001, comme une menace à long terme pesant sur la monarchie.
Cependant, le refus du PDRC d’accepter de nouvelles élections, comme ses critiques ouvertes de la démocratie suscitent des inquiétudes au sein de la communauté internationale. Les Etats-Unis ont notamment insisté cette semaine sur la nécessité d’organiser un scrutin dans cette monarchie constitutionnelle qui fonctionne sans Parlement depuis des mois et risque de basculer dans la guerre civile.
Pendant que les manifestations se succèdent à Bangkok, les attentats des séparatistes musulmans ont repris dans le sud du pays. Les négociations de paix entamées l’an dernier avec certains groupes rebelles ont été suspendues depuis les affrontements entre partisans du gouvernement et militants du PDRC.
(eda/msb)