Eglises d'Asie

Hongkong : vers une exacerbation des tensions et une extension du mouvement de désobéissance civile aux universités et aux écoles ?

Publié le 17/09/2014




A l’approche du 1er octobre, jour-anniversaire de la proclamation de la République populaire de Chine en 1949 et fête nationale en Chine, la tension ne diminue pas à Hongkong, où les pro-démocratie ont essuyé une fin de non-recevoir de la part de Pékin quant à l’introduction du suffrage universel …

… dans les institutions de l’ancienne colonie britannique. Les oppositions se font plus vives à mesure que les partisans d’Occupy Central with Love and Peace, mouvement de désobéissance civile, évaluent ce que doit être leur réponse aux mesures annoncées par Pékin.

On lira ci-dessous l’analyse que fait un observateur local de cette situation inédite pour Hongkong, tant les tensions accumulées ces derniers mois sont fortes.
 

Deux messages diamétralement opposés résonnent en ce moment à Hongkong. Pour résumer, il y a celui que Pékin adresse aux Hongkongais : « Ne vous occupez pas de politique, laissez-nous faire ; c’est notre affaire. Nous sommes compétents et nous avons de l’expérience ! » Il y a aussi celui de ceux qui militent pour la démocratie et qui martèlent : « Exprimez-vous ! Prenez vos responsabilités ! Ne signez pas un chèque en blanc au gouvernement ! Pensez à l’avenir de vos enfants. »

Le 31 août dernier, Pékin a donné sa réponse aux Hongkongais : le gouvernement central accepte qu’ils élisent le chef de l’exécutif au suffrage universel. Mais, en réalité, c’est un faux-semblant de démocratie car Pékin contrôlera le processus électoral de A à Z. Grosse déception chez beaucoup de gens de bonne volonté qui croyaient à un compromis possible.

Dans le camp des démocrates, on sait que la partie est déjà perdue. Pékin ne reviendra pas sur ses déclarations et restera insensible aux protestations et différentes manifestations qui tenteraient de lui forcer la main. Certains murmurent même que Pékin serait heureux de voir l’économie de Hongkong se dégrader car cela favoriserait le développement de sa grande rivale, Shanghai. De plus, il serait facile d’accuser les Hongkongais d’avoir eux-mêmes démoli l’économie de leur territoire. Malgré cela, le camp des démocrates a décidé de mettre à exécution sa menace : celle d’«occuper Central », le quartier des affaires de Hongkong. Le mouvement sera progressif et évitera de pénaliser les petites gens. La stratégie qui sera mise en place est encore secrète, mais il y a de bonnes raisons de penser que l’occupation commencera le 1er octobre, jour de la fête nationale en Chine populaire. Déjà, un certain nombre de militants, hommes et femmes, se sont fait raser la tête en signe de protestation.

Catholiques et protestants sont nombreux et actifs parmi les démocrates : ils prêtent leurs locaux, impriment et distribuent des tracts, participent aux différents défilés et manifestations. Parmi les responsables d’« Occupy Central » figure le pasteur baptiste Chu Yiu-Ming. Quant à lui, le cardinal Zen Ze-Kiun, évêque émérite de Hongkong, vu son âge (82 ans), n’est officiellement pas à la manœuvre mais beaucoup se fient à son jugement et le suivent quand il participe à des actions.

De leur côté, les étudiants des différentes universités ne restent pas inactifs. Sous l’impulsion d’un mouvement assez radical baptisé « Scolarism », ils vont commencer une grève des cours d’une semaine le 22 septembre prochain. Ils voudraient que le mouvement s’étende à l’enseignement secondaire (à partir du 29 septembre). Mais les résistances sont nombreuses (parents, professeurs, directeurs). A partir de quel âge peut-on s’impliquer dans de telles actions ? Beaucoup de ces adolescents sont naïfs et ont peu d’expérience politique.

Or, une forte proportion de ces établissements scolaires est gérée par des groupes religieux. Les anglicans ont déjà fait savoir qu’ils étaient opposés à une telle grève. Les catholiques sont plus nuancés : collégiens et lycéens pourront faire grève mais seulement avec l’accord de leurs parents. Les directeurs de ces établissements ne savent pas comment réagir pour « punir » les grévistes : exclusion, cours rattrapage, ou punition ad hoc ? Car certains professeurs encouragent leurs élèves à faire grève et l’instinct grégaire est particulièrement développé parmi cette tranche d’âge. Est-ce que le mouvement gagnera les lycées et collèges ? C’est possible mais ce n’est pas certain.

Que feront les jeunes pendant ces grèves ? Tout a été prévu pour qu’ils ne perdent pas leur temps. Des conférences, colloques et cours leur seront proposés pour les éveiller à leurs responsabilités de citoyens et les former à l’action politique.

Pékin observe avec nervosité tous ces mouvements et hésite à intervenir pour ne pas augmenter le mécontentement et alimenter une escalade de la tension. Il préfère agir dans l’ombre. Mais, plusieurs fois, les médias ont mis en lumière les initiatives qu’il a prises : tentatives de gonfler les rangs des pro-Pékin durant une campagne de signatures ou lors d’une manifestation (avec fourniture de cadeaux, tels des repas gratuits et des Tee-shirts) ; démocrates empêchés d’aller sur le continent ; dénonciation de la corruption de dirigeants démocrates (Apple Daily), etc. Nul doute que les mois à venir vont réserver aux Hongkongais de nombreuses surprises, bonnes et mauvaises.