Eglises d'Asie – Chine
POUR APPROFONDIR – Réaction à l’article de Michel Chambon : « Qui persécute l’Eglise en Chine ? »
Publié le 21/10/2014
… mais pour protéger son mode de présence auprès de l’Eglise qui est en Chine.
« Qui persécute l’Eglise en Chine ? » La réponse à cette question paraît évidente pour quiconque a vécu quelques années en Chine continentale : le Parti communiste chinois qui est au pouvoir à Pékin depuis 1949. La question, d’ailleurs, devrait être : « Qui persécute les religions en Chine ? » car les musulmans, les Tibétains et les adeptes du Falungong ne sont pas mieux traités que les chrétiens en Chine.
En Chine, des associations patriotiques ont été mises sur pied pour chaque religion. Elles sont censées faire le lien entre le gouvernement et les autorités religieuses. En fait, ce sont des organes de contrôle, des courroies de transmission des ordres du gouvernement, pour mieux brider les activités religieuses et, au besoin, châtier les croyants.
L’athéisme est enseigné aux jeunes dans tous les établissements scolaires, depuis le jardin d’enfants jusqu’à l’université où des moniteurs de politique repèrent les « meilleurs éléments » pour leur proposer d’adhérer au Parti communiste. Etre l’adepte d’une religion, en Chine, est un handicap qui empêche de nombreuses personnes de trouver un logement, du travail ou, davantage encore, d’obtenir une promotion professionnelle.
Michel Chambon a raison d’affirmer que la politique religieuse chinoise prend des formes différentes selon les régions et les cadres dirigeants en poste. Il est effectivement difficile de comprendre la cohérence de l’action du gouvernement à partir des pratiques religieuses permises ou interdites en différents lieux. Mais les menaces sur les croyants sont toujours présentes et peuvent se concrétiser lors d’un changement de chef de province. La région de Wenzhou, dans le Zhejiang, avait la réputation d’être plus ouverte que le reste du pays ; jusqu’à qu’on décide de démolir des églises et de faire tomber les croix trop visibles. La nomination du nouvel évêque de Shanghai, Mgr Ma Daqin, avait été dûment approuvée par le Bureau des Affaires religieuses. Or, il a suffit que ce dernier prononce une phrase qui a déplu en haut lieu pour qu’il soit empêché d’exercer son apostolat et se retrouve en résidence surveillée à Sheshan.
Il est vrai que la période durant laquelle Deng Xiaoping était au pouvoir, entre 1978 et 1989, a été favorable à un certain essor des religions. Il était temps de libéraliser la société chinoise après les soubresauts et la répression catastrophique de la Révolution culturelle (1966-1976). Mais l’ère de Deng Xiaoping s’est terminée par les massacres de Tiananmen (1989) et, depuis, un certain nombre de verrous ont été remis en place. Xi Jinping, l’actuel président, passe pour être plus proche de la politique religieuse intransigeante de Mao Zedong que de celle, plus accommodante, de Deng.
Une des habilités de la politique religieuse, à l’égard de l’Eglise catholique, a été de les diviser et, même, de monter les uns contre les autres. Le but de l’opération était évident : le Parti espérait que les catholiques se déchireraient entre eux et, finalement, détruiraient eux-mêmes leur Eglise, le gouvernement n’ayant plus qu’à laisser faire et à constater la débâcle générale. Cela ne s’est pas produit. L’Eglise de Chine, aussi bien dans ses communautés officielles que souterraines, se développe et vit intensément sa foi. Mais les relations entre les différentes communautés – qui récitent pourtant le même credo – restent tendues. Michel Chambon a raison de le souligner mais il n’essaie pas de comprendre le pourquoi de ces divisions.
La mondialisation et Internet ont changé les données des réalités religieuses en Chine. Les échanges se diversifient et s’intensifient et les chrétiens chinois vivent davantage à l’unisson avec leurs frères et sœurs dans la foi du monde entier. La Chine ne peut plus taire certains événements et se refermer sur elle-même. Pourra-t-elle, longtemps encore, promouvoir l’athéisme et réprimer les religions ? Les étudiants de la place Tiananmen en 1989 et ceux de Hongkong cette année ont lancé un mouvement qui, vraisemblablement, ne s’arrêtera pas de sitôt.
Un observateur de l’Eglise de Chine
(eda/ra)